« Niche fiscale Airbnb » : la proposition de loi régulant le marché des meublés touristiques adoptée au Sénat

Par Epoch Times avec AFP
22 mai 2024 17:25 Mis à jour: 22 mai 2024 17:29

Le Sénat a adopté mardi plusieurs mesures de régulation du marché des meublés touristiques comme Airbnb, une initiative transpartisane pour redonner du pouvoir aux maires, s’attaquer à une niche fiscale décriée et répondre partiellement à la crise du logement.

La proposition de loi portée par les députés Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (Parti socialiste), déjà adoptée par l’Assemblée nationale, a reçu un accueil unanime à la chambre haute, même dans les rangs de la droite majoritaire.

Pouvoir se loger dans les territoires les plus touristiques

Pourtant Les Républicains (LR) s’y étaient opposés très largement à l’Assemblée nationale, invoquant notamment la défense des « petits propriétaires ». Mais leurs homologues sénateurs ont atténué certaines mesures, suffisamment tout du moins pour qu’il se dégage un consensus dans la « chambre des territoires ». Avec l’objectif partagé de donner aux élus locaux des clés pour réguler la prolifération des meublés touristiques, accusés parfois de nuire à la location de longue durée.

« Il en va de notre responsabilité de permettre aux Français de se loger dans les territoires les plus touristiques », avait plaidé avant le vote le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, favorable à l’essentiel des mesures pour « rétablir de l’équité ».

Parmi les nouveaux outils mis à la disposition des maires, il a salué la mise en place d’un enregistrement obligatoire pour tous les meublés. « Chaque meublé se verra attribuer un numéro unique lors de sa déclaration en mairie, dans le cadre de la mise en place d’un téléservice national », a précisé le ministère dans un communiqué. L’obligation d’enregistrement permettra aux maires « d’avoir un meilleur pilotage de la donnée » et de vérifier « qu’on est bien en phase avec les règlements de copropriété, avec les règles locales », a relevé M. Kasbarian.

La commune pourra « fixer des quotas », mettre en place « des mesures de compensation », à savoir que toute surface de logement transformée en meublé touristique devra faire l’objet d’une conversion équivalente d’une surface commerciale en logement, comme c’est déjà le cas à Paris.

La « niche fiscale » rabotée

De nombreux élus, en bord de mer ou dans les grandes villes, s’alarment en effet de la pénurie de logements dans leurs territoires et ciblent l’explosion du nombre d’Airbnb, favorisée notamment par une fiscalité très avantageuse. C’est précisément cette « niche fiscale Airbnb » qui a été au coeur des débats en fin de soirée.

Ex-adjoint au Logement à la mairie de Paris, le sénateur communiste Ian Brossat a appelé à sortir « d’une absurdité qui fait qu’aujourd’hui, un propriétaire paye plus d’impôts s’il loue son logement à un salarié à l’année que s’il loue son logement à des touristes ».

Le texte voté à l’Assemblée proposait de réduire à 30% le taux d’abattement sur les revenus issus des locations des meublés de tourisme – contre 71% ou 50% actuellement – à l’exception des zones rurales « très peu denses ».

Malgré les appels de la gauche à « aller plus loin », le Sénat a légèrement atténué cette évolution : le taux de 30% a été approuvé mais un abattement plus favorable de 50% a été conservé pour les seuls meublés « classés », pour « inciter au classement », parfois coûteux, de ces logements touristiques.

Un dispositif « à la fois plus lisible, plus juste et plus équilibré », s’est justifié le rapporteur général du Budget Jean-François Husson (LR), qui a également fait supprimer du texte l’exception de ruralité.

Sur ce point central de la fiscalité, l’exécutif est resté assez flou sur ses intentions, M. Kasbarian se contentant d’estimer que « le statu quo n’est pas satisfaisant », sans se positionner clairement.

S’attaquer à la spéculation

Particulièrement ciblée, la plateforme Airbnb s’était dite ouverte à des évolutions législatives, mais avait appelé les sénateurs « à mieux cibler ces mesures pour s’attaquer spécifiquement à la spéculation », selon son directeur France, Clément Eulry.

Les demandes de la plateforme ont d’ailleurs été entendues sur un article-clé : à l’initiative de la droite, le Sénat a supprimé la possibilité pour les maires d’abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée. « N’en déplaise à certains, le droit de propriété s’applique en France. 120 jours, c’est la possibilité pour certains de joindre les deux bouts », a martelé la sénatrice LR Anne Chain-Larché.

La gauche a regretté un « retour en arrière ». « On retiendra que le Sénat ne fait pas confiance aux maires », a raillé le socialiste Rémi Féraud.

Les sénateurs ont également allongé le délai laissé aux propriétaires de meublés touristiques pour se conformer aux exigences de décence énergétique : l’étiquette énergétique classée D ne sera nécessaire qu’en 2034, contre 2029 selon la version votée à l’Assemblée nationale.

Sénateurs et députés devront désormais s’accorder sur un texte de compromis lors d’une commission mixte paritaire dont la date n’est pas fixée.

En attendant, plusieurs parlementaires ont appelé à poursuivre la réflexion lors de l’examen du projet de loi logement à partir du 17 juin au Sénat. « L’essor des meublés de tourisme est loin de résumer l’ampleur du déséquilibre du marché locatif actuel », a prévenu la sénatrice LR Sylviane Noël.

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