Non moins de 80.000 posts en ligne catalogués «rumeurs» par Pékin à l’approche du Congrès national du PCC

Une expatriée chinoise demande la fin du «Grand Pare-feu»

Par Sophia Lam
12 octobre 2022 17:12 Mis à jour: 12 octobre 2022 17:12

Le principal organisme de surveillance du cyberespace chinois a annoncé avoir lancé une campagne visant « les rumeurs et les fausses informations en ligne » à partir du mois d’août. Dans le cadre de cette opération, quelque 80.000 posts en ligne ont été identifiés et catalogués comme « rumeurs ».

Selon un communiqué de l’Administration du cyberespace de Chine (ACC), 12 grands portails d’information numériques chinois et plateformes de médias sociaux se sont mobilisés pour « réfuter et identifier les rumeurs » liées aux « au sujets primordiaux de la société et des moyens de subsistance », notamment la santé, la sécurité alimentaire, l’éducation, l’emploi et les catastrophes naturelles.

L’ACC a exhorté tous les sites Web et plateformes de premier ordre de créer des comptes ou des rubriques spécialement conçus pour diffuser des « informations réfutant les rumeurs ». Il s’agit d’« envoyer des contenus réfutant les rumeurs de manière précise à tous les utilisateurs qui ont été exposés à des rumeurs », selon le communiqué.

Les messages qualifiés de « rumeurs » doivent être exposés « dans les meilleurs délais » sur les platesformes concernées pour « réduire au maximum l’espace vital de ces rumeurs, afin qu’elles ne puissent pas être divulguées secrètement », peut-on lire dans le communiqué.

L’ACC encourage également les internautes à signaler les rumeurs et à fournir des indices à leur sujet sur sa plateforme de signalement.

Le Parti communiste chinois (PCC) a fortement censuré le cyberespace chinois, et la récente campagne du régime renforce encore son emprise Internet.

Site Web en langue chinoise de Reporters sans frontières bloqué à Pékin, le 30 mai 2007. 30.000 à 40.000 policiers Internet sont employés pour mettre en œuvre le vaste système de censure en ligne connu sous le nom de Grand pare-feu chinois. (FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)

Sheng Ronghua, directeur adjoint de l’ACC, a déclaré lors d’une conférence de presse le 23 août que son administration avait « nettoyé plus de 20 milliards d’informations illégales et malsaines et près de 1,4 milliard de comptes » depuis 2019.

Un grand nombre de ces prétendues rumeurs sont des posts et des séquences téléchargés par des internautes chinois pendant la pandémie, qui tentent de communiquer leur situation critique et demandent de l’aide.

Un contrôle accru avant le Congrès national

Plusieurs internautes chinois ont déclaré à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times être actuellement soumis à un contrôle renforcé de la part du PCC.

M. Lin (pseudonyme), chef d’entreprise dans la province orientale du Zhejiang, a signalé que les entreprises d’exportation chinoises avaient toujours plus de mal à faire des affaires avec l’étranger du fait de la censure.

Depuis l’apparition du Covid-19 fin 2019, le PCC n’autorise pas les entreprises d’exportation chinoises à se rendre à l’étranger pour assister à des expositions ou des foires de commerce internationales, déplore M. Lin. Les hommes d’affaires chinois doivent utiliser des applications de réunion en ligne pour communiquer avec leurs homologues étrangers.

« Mais le gouvernement a récemment publié un document, interdisant explicitement au secteur de l’éducation d’utiliser toute application à l’étranger ou d’utiliser un VPN. Toute personne qui communique avec des étrangers en utilisant un VPN ou des applications de communication à l’étranger doit le signaler au gouvernement », a ajouté M. Lin. Ne pas signaler l’utilisation d’unVPN, c’est s’exposer à de graves sanctions.

VPN est l’acronyme de de « virtual private network ». Utiliser un VPN permet de sécuriser sa navigation sur Internet et de préserver son identité en ligne.

M. Lin a déclaré que le gouvernement obligeait les gens à communiquer via WeChat avec des entreprises étrangères.

« Les modérateurs officiels savent exactement tout ce dont nous nous entretenons. Ils savent ce que nous disons à n’importe quelle entreprise à l’étranger. Nous n’avons pas d’autre choix que d’obéir [et d’utiliser WeChat sous le regard du PCC]. »

M. Lin a confié que plusieurs de ses amis ont vendu leur résidence en Chine et prévoient d’émigrer dans d’autres pays, car ils ne supportent plus la censure.

M. Wu (pseudonyme) est un habitant de la province du Guangxi, dans le sud-ouest de la Chine. Il a indiqué à Epoch Times qu’il possédait plus de 10 comptes Weibo, avec plusieurs centaines de milliers d’abonnés. Tous ces comptes ont été suspendus par les autorités.

« J’ai publié des séquences vidéo et des commentaires sur les protestations contre les confinements, qui sont considérés comme des informations sensibles, et maintenant tous mes comptes ont été interdits. »

Il a ajouté que tous les médias sociaux chinois exigent des internautes qu’ils s’inscrivent en utilisant leurs vrais noms et identifiants. « Une fois qu’on est exclu, ça veut dire qu’on aura des ennuis », a déclaré M. Wu. Il est alors compliqué de créer un nouveau compte sur les médias sociaux.

Cui Li (pseudonyme), une habitante du Xinjiang occidental, a indiqué à Epoch Times qu’elle avait mis en ligne des images d’une manifestation contre le confinement à Wanjialiang, un district de la capitale régionale d’Urumqi.

« Je l’ai postée sur Douyin [la version chinoise de TikTok], et elle a été supprimée en cinq minutes. Puis la police m’a appelée pour m’avertir de ne pas poster de contenus similaires. »

Logo de Douyin (TikTok chinois) au centre commercial The Place à Pékin, le 22 août 2020. (VCG/Getty Images)

 

Une expatriée censurée en Chine et à l’étranger

Wang Qingpeng, une ancienne avocate chinoise spécialisée dans la défense des droits de l’homme qui vit aujourd’hui aux États-Unis, a fait l’expérience de la censure de l’information exercée par le PCC tant en Chine qu’aux États-Unis.

Elle s’est entretenue avec l’édition en langue chinoise d’Epoch Times le 1er octobre. Autrefois, elle ne percevait pas la censure du régime, car elle était endoctrinée. Elle s’est mise à réfléchir à la liberté d’expression en utilisant WeChat, en 2014. Elle a rejoint certains groupes de défense des droits sur la plateforme l’année suivante.

« J’ai vu que beaucoup de leurs posts étaient supprimés et que leurs comptes étaient interdits, ce qui m’a fait réfléchir à la question de la liberté d’expression. »

Son premier compte WeChat a été supprimé le 4 juin 2017, après avoir appelé à des dons pour aider les avocats défenseurs des droits persécutés par le régime communiste.

La date de la suppression du compte de Mme Wang – le 4 juin – est une date sensible pour le PCC. Le 4 juin 1989, les chars du régime ont envahi la place Tiananmen à Pékin pour réprimer les étudiants qui réclamaient la démocratie et la fin de la corruption. Aujourd’hui encore, on ignore le nombre d’étudiants tués par le régime ce jour-là.

De ce fait parler utiliser le terme « 4 juin » en ligne est compromis.

Wang Qingpeng a enregistré un nouveau compte WeChat après son arrivée aux États-Unis.

« Ce compte a également été suspendu, c’est arrivé après avoir posté un message de vœux pour le Nouvel An écrit par un groupe d’avocats des droits de l’homme le 1er janvier 2019. »

Elle a expliqué que WeChat avait une fonction permettant de bloquer des messages ou des comptes particuliers.

Un utilisateur avec un compte chinois (à g.) tente d’envoyer une image politiquement sensible dans un groupe de discussion sur WeChat en janvier 2017. (Avec l’aimable autorisation du Citizen Lab)

 

Le régime chinois a menacé les membres de sa famille restés sur le continent, les exhortant à faire pression sur elle pour qu’elle ne s’exprime pas sur les questions de droits de l’homme en Chine.

« Mes parents ont fait une déclaration pour couper leurs liens avec moi, et mon mari a un jour pensé à divorcer. »

Malgré tout cela, elle était déterminée pour continuer à s’opposer au PCC.

Elle a réclamé la fin du Grand Pare-feu chinois. Le PCC a mis en place une technologie renforcée par des lois pour contrôler la façon dont les Chinois utilisent Internet.

« Les Chinois sont enfermés par le pare-feu du PCC, ce qui est une honte pour les responsables politiques du monde entier qui font des affaires avec le PCC. Les pays occidentaux devraient insister pour que le PCC retire le pare-feu. Ils devraient en faire une condition pour lui permettre de faire des affaires avec des pays étrangers ou de rejoindre une quelconque organisation internationale. »

« S’il n’y avait pas de pare-feu, les citoyens chinois avec un peu de courage pourraient se réunir sur diverses plateformes et rassembler leurs forces, échanger des informations, mettre en place des actions civiques. Il y a beaucoup de personnes éveillées en Chine, mais elles n’ont pas de canaux pour s’exprimer. »

« Certains Chinois ne connaissent pas la vérité car elle est strictement censurée. Il est urgent d’abattre le pare-feu du régime », a-t-elle conclu.

Fang Xiao et Hong Ning ont contribué à cet article.

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