TikTok, une « arme de renseignement » du PCC : les experts tirent la sonnette d’alarme

À la veille de l'audition du PDG par le Congrès américain, des experts affirment que l'application enregistre chaque frappe de chaque utilisateur pour le compte du Parti communiste chinois

Par Andrew Thornebrooke
24 mars 2023 14:54 Mis à jour: 24 mars 2023 14:54

Le géant des médias sociaux TikTok mène une campagne de lobbying agressive à Washington à l’approche des auditions du Congrès sur les liens de l’entreprise avec le régime communiste chinois.

TikTok et sa société mère basée en Chine, ByteDance, ont dépensé plus de 5 millions de dollars en efforts de lobbying aux États-Unis l’année dernière et pourraient dépenser encore plus en 2023 si l’on en croit les événements récents.

L’entreprise a engagé une équipe interne de lobbying et d’affaires publiques dirigée par d’anciens membres du personnel du Congrès. Ces derniers ont des liens étroits avec l’administration Biden. Et, ils sponsorisent également du contenu dans les principaux médias américains.

Parmi les personnes employées par le géant de la technologie, figure la société de conseil SKDK, dont le fondateur est aujourd’hui conseiller principal du président Joe Biden. Les annonces dans les médias comprennent des dizaines de contenus financés dans Axios, Politico et le Washington Post. L’entreprise paie également des dizaines d’influenceurs afin qu’ils se rendent à Washington durant trois jours pour promouvoir un narratif en faveur de l’entreprise.

Ces activités se déroulent quelques jours avant que le PDG de TikTok, Shou Chew, ne se présente pour la première fois devant le Congrès, le 23 mars, lors d’une audition de la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants, qui examinera les pratiques de l’entreprise en matière de données et ses relations avec le Parti communiste chinois (PCC).

« Les Américains méritent de savoir dans quelle mesure leur vie privée est menacée et leurs données manipulées par les relations de TikTok, propriété de ByteDance, avec la Chine », a déclaré la présidente de la commission, Cathy McMorris Rodgers (Parti républicain – État de Washington), dans un communiqué.

« Nous sommes impatients d’entendre M. Chew directement et de poursuivre les efforts de la commission de l’énergie et du commerce pour amener les PDG de Big Tech devant la commission afin qu’ils répondent des actions destructrices de leurs entreprises. »

Une femme passe devant le siège de ByteDance, la société mère de l’application de partage de vidéos TikTok, à Pékin le 16 septembre 2020. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

« TikTok et ByteDance ne font qu’un »

Ce n’est un secret pour personne que les membres de la commission sont préoccupés par TikTok et ses liens avec le PCC par l’intermédiaire de ByteDance. Plusieurs membres de la commission ont tenu une conférence de presse le 20 mars, s’exprimant sur le sujet sous couvert d’anonymat.

« Nous avons entendu TikTok répéter à maintes reprises qu’il protégeait nos données du Parti communiste chinois, mais les faits nous disent certainement le contraire », a déclaré un collaborateur. « Les lois du PCC sur le renseignement national exigent que des entreprises chinoises comme ByteDance espionnent en leur nom, et nous savons que TikTok et ByteDance ne font qu’un. »

La question de savoir dans quelle mesure ByteDance, affiliée au PCC, contrôle TikTok est une source constante d’inquiétude pour les législateurs et les experts en sécurité.

Bien que de nombreuses entreprises technologiques tracent des informations sur les utilisateurs, celles qui proviennent de Chine sont particulièrement préoccupantes, car la loi du PCC définit les données comme une ressource nationale et met donc toutes les informations stockées en Chine à la disposition du régime sur demande.

C’est un véritable problème pour les Américains, étant donné le volume de données que TikTok cherche à collecter.

Il a été découvert en août 2022, par exemple, que le navigateur de TikTok contenait un code permettant d’effectuer un keylogging, ce qui signifie que l’application enregistre toutes les frappes d’un utilisateur sur l’appareil avec lequel il utilise un navigateur in-app, y compris dans son courrier électronique et ses mots de passe.

Casey Fleming, PDG de la société de conseil en sécurité BlackOps Partners, a déclaré à l’époque que cette fonctionnalité transformait TikTok en « application d’espionnage » pour le PCC.

« Lorsque vous tapez au clavier, chaque lettre, chaque chiffre est enregistré en Chine, sous la supervision du Parti communiste chinois », a affirmé M. Fleming lors d’un entretien avec NTD, l’organe de presse affilié à Epoch Times.

« Ce que vous envoyez par SMS, à qui vous envoyez des SMS, les mots de passe, les comptes de messagerie, tout ce qui se trouve sur votre téléphone, tout ce que vous tapez dans les courriels ou les SMS, ce keylogging enregistre chaque mot, chaque mot de passe, et ainsi de suite. »

Un conseiller du ministère de l’énergie et du commerce a tenu des propos similaires, affirmant que les tentatives de TikTok de surveiller tout ce qui concerne un utilisateur sont préoccupantes, en particulier compte tenu du contrôle de ByteDance sur l’algorithme de TikTok.

« TikTok surveille tout et tout le monde », a déclaré l’assistant. « Les noms, les âges, les lieux, ce que vous faites en dehors de TikTok, les textes que vous copiez, les personnes à qui vous parlez, les mots de passe, l’historique de navigation, les données biométriques comme votre visage, votre voix, vos empreintes, et bien plus encore. »

« TikTok utilise tout cela pour construire son algorithme, qui a le pouvoir de façonner ce que nous voyons, entendons et, en fin de compte, croyons… ByteDance contrôle cet algorithme. Cela ne fait aucun doute. TikTok ne peut même pas le réfuter. C’est un domaine dans lequel ils refusent d’être transparents. »

TikTok certifie que l’application est sûre pour les Américains et qu’elle ne transmettra pas les données des utilisateurs américains au PCC. ByteDance, en revanche, est lié par les lois chinoises qui contraignent toute entreprise à lui fournir des données lorsqu’on le lui demande.

Le PDG de TikTok, Shou Chew, sur la scène du New York Times DealBook Summit à New York le 30 novembre 2022. (Photo par Thos Robinson/Getty Images pour le New York Times)

Dans le témoignage qu’il a préparé pour le Congrès et qui a été publié avant l’audition (pdf), Shou Chew a déclaré que TikTok n’avait jamais fait l’objet d’une telle demande de la part des autorités chinoises. Il n’a toutefois pas précisé si le PCC avait demandé à ByteDance de lui remettre des données initialement reçues de TikTok.

M. Chew affirme également dans son témoignage que TikTok est un élément essentiel de la culture américaine et qu’il permet aux jeunes de vivre de manière authentique et aux entreprises de prospérer en des périodes incertaines.

Cette influence sur les jeunes et les petites entreprises du pays, dit-il, « ne peut être reproduite sur aucune autre plateforme ou dans aucun autre média. »

La version actuelle de l’application, assure également M. Chew, ne suit pas les informations de localisation spécifiques, et l’idée que TikTok est contrôlée par le PCC est « catégoriquement fausse ».

Des traqueurs chinois placés sur des sites du gouvernement américain

Si le volume de données collectées par TikTok et visibles en Chine a alarmé les experts et les législateurs, certains peuvent considérer cette pratique comme le prix de l’utilisation de l’application. Il y a cependant un problème flagrant avec cette hypothèse.

« TikTok possède vos données même si vous n’utilisez pas l’application », a déclaré un assistant de la commission.

En effet, ByteDance et TikTok font un usage intensif des pixels de suivi, qui suivent les utilisateurs et les non-utilisateurs sur internet, mesurant l’utilisation et établissant des profils.

Si ces pixels sont régulièrement utilisés par les entreprises technologiques pour mesurer l’efficacité des campagnes publicitaires, le fait qu’ils soient exploités par une entreprise ayant des liens étroits avec le PCC est une source d’inquiétude.

Mais l’emplacement de ces traceurs est encore plus alarmant.

Un rapport publié en mars par la société informatique Feroot Security a révélé que 30 sites web de gouvernements d’États américains contenaient des pixels de suivi créés et gérés par ByteDance, ce qui signifie que le PCC a pu avoir accès aux données personnelles d’Américains qui n’ont rien fait d’autre que de visiter le site web de leur gouvernement local.

Qui plus est, certains de ces sites contenant des pixels de suivi appartiennent à des gouvernements d’État qui ont interdit l’utilisation de TikTok sur les appareils gouvernementaux.

C’est un problème, étant donné que, selon un rapport présenté le 14 mars au gouvernement australien, ByteDance est une « entité contrôlée par un État-parti » et que ses employés ont utilisé les données de l’entreprise et celles de TikTok pour mener des activités illicites à l’encontre de citoyens américains.

(DENIS CHARLET/AFP via Getty Images)

Censurer et traquer les Américains

Les employés de ByteDance ont cherché à faire taire ceux qui critiquaient les liens de l’entreprise avec le régime, et ils ont utilisé TikTok dans ce but.

À la fin de l’année dernière, des employés de ByteDance ont traqué des journalistes américains en recoupant des données de géolocalisation privées de TikTok, y compris les adresses IP des journalistes. Il s’agissait de déterminer si ces derniers avaient fréquenté les mêmes zones que des employés de ByteDance soupçonnés d’être des lanceurs d’alerte.

En outre, l’équipe qui a supervisé la campagne de surveillance était en fait le service d’audit interne et de contrôle des risques de ByteDance, une unité basée à Pékin chargée de mener des enquêtes sur les fautes potentielles commises par les employés actuels et anciens de ByteDance.

Dans son témoignage, M. Chew déclare que des employés de TikTok ont également été impliqués dans l’incident, mais qu’ils ne font plus partie de l’entreprise.

L’incident de harcèlement ferait néanmoins l’objet d’une enquête du FBI. Ce n’est qu’un des nombreux exemples de la manière dont ByteDance a utilisé TikTok pour supprimer les opinions critiques à l’égard du régime communiste chinois à l’étranger.

En 2020, par exemple, un cadre de TikTok a reconnu que l’application était utilisée comme un « instrument contondant » pour censurer les contenus critiques à l’égard du régime. Ces censures comprennent la couverture de la persécution des Falun Gong (bouddhistes) qui perdure depuis 24 ans et d’autres groupes minoritaires, que les États-Unis et la communauté internationale qualifient de génocide.

À l’époque, les documents internes de TikTok utilisaient même le Tibet et le massacre de la place Tiananmen comme exemples de contenus devant être retirés de la plateforme, bien que l’entreprise ait déclaré que ce n’était plus sa politique.

Puis, en 2021, TikTok a payé 84 millions d’euros pour régler un recours collectif alléguant que l’entreprise avait illégalement recueilli des données d’Américains et les avait transférées à des entités basées en Chine.

En 2022, des employés de TikTok ont déclaré que des décisions clés de l’entreprise semblaient être déléguées à ByteDance par des responsables du PCC en Chine avant d’être transmises à TikTok.

Selon un collaborateur du ministère de l’énergie et du commerce, les employés de ByteDance accèdent régulièrement aux données de TikTok et « de nombreux employés de TikTok rendent compte directement à Pékin. »

« Tout est étroitement surveillé en Chine. »

TikTok, une arme de renseignement pour le PCC

La longue histoire de TikTok en tant que promoteur des intérêts du PCC, à la fois directement et par l’intermédiaire de sa société mère ByteDance, est de plus en plus connue du public. Toutefois, le refus catégorique de l’entreprise d’abandonner ses liens avec la Chine est plus préoccupant pour certains.

Depuis 2020, TikTok a résisté aux demandes des États-Unis d’accepter d’être racheté par une société américaine, même si cela aurait permis à ByteDance d’engranger d’importants bénéfices. Le président de l’époque, Donald Trump, avait ordonné à ByteDance de vendre TikTok à une entreprise américaine pour des raisons de sécurité nationale. Une proposition d’accord avait été finalisée avec Oracle, basée au Texas, mais finalement, elle n’a pas abouti.

Récemment, l’entreprise a confirmé que le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS), un groupe fédéral chargé d’examiner les acquisitions étrangères en fonction des risques pour la sécurité nationale, avait demandé à ses propriétaires chinois de vendre leur participation dans l’entreprise, sous peine d’interdiction totale. En réponse, TikTok maintient que la cession « ne peut résoudre » les problèmes de sécurité nationale.

« Un changement de propriétaire n’imposerait pas de nouvelles restrictions sur les flux de données ou d’accès », a déclaré un porte-parole de TikTok. Pour Nicolas Chailan, ancien directeur des logiciels de l’United States Space Force (Force spatiale des États-Unis), le refus catégorique de ByteDance de vendre TikTok à n’importe quel prix est un signal d’alarme qui démontre le contrôle de l’application par le PCC.

« Aucune entreprise au monde ne s’est autant battue pour ne pas être vendue ou achetée par quelqu’un », a-t-il déclaré à Epoch Times.

« C’est parce qu’il s’agit d’une arme de renseignement pour le PCC et que son prix ne sera jamais assez élevé pour que cette perspective soit un tant soit peu intéressante, parce qu’il n’a jamais été question d’argent. »

« Il est évident qu’ils appartiennent aux Chinois et que la Chine ne veut pas les perdre, c’est pourquoi elle fait pression sur ses équipes pour que cela n’arrive pas. »

La Maison Blanche avait déjà hésité à soutenir les efforts du Congrès pour interdire TikTok à l’échelle nationale, et l’administration Biden est restée dans l’expectative en raison des négociations en cours entre TikTok et le CFIUS, qui visent à résoudre les problèmes de sécurité liés à l’application.

L’administration a toutefois commencé à adopter une position plus ferme au début du mois de mars. Le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan ayant déclaré que le président Joe Biden accueillerait favorablement un projet de loi bipartisan visant à interdire l’utilisation de l’application et d’autres entreprises détenues par des étrangers aux États-Unis.

« Cette législation permettrait au gouvernement américain d’empêcher certains gouvernements étrangers d’exploiter des services technologiques opérant aux États-Unis d’une manière qui pose des risques pour les données sensibles des Américains et notre sécurité nationale », a déclaré M. Sullivan.

Mais pour le sénateur Marco Rubio (Parti républicain – Floride), un farouche adversaire de la Chine, les mesures prises par l’administration n’ont pas été suffisantes.

« Le Parti communiste chinois ne manquera jamais une occasion d’exploiter l’ouverture des systèmes politique et économique américains », a déclaré M. Rubio dans un courriel. « Et l’administration Biden ne devrait jamais manquer une occasion de frapper le Parti communiste chinois. »

« Ils ont déjà le pouvoir d’empêcher TikTok détenu et contrôlé par des Chinois d’opérer aux États-Unis », a-t-il ajouté. « Après deux ans de mandat, ils n’ont rien fait. »

Les responsables de TikTok n’ont pas répondu à l’heure actuelle à une demande de commentaire de la part d’Epoch Times.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.