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Un avocat international dénonce les autorités fiscales espagnoles : « C’est un règne de terreur » qui détruit des entreprises et des vies en Espagne
Robert Amsterdam dénonce un système hérité du régime franquiste qui encourage l'arbitraire et menace la démocratie fiscale dans le pays.

Robert Amsterdam prononce un discours à Bangkok (2024).
Photo: EAL819/Wikimédia Commons
L’avocat international Robert Amsterdam, fondateur du cabinet Amsterdam & Partners LLP et expert en droits de l’homme fort de plus de 40 ans d’expérience dans les affaires contre les régimes autoritaires, a lancé un avertissement sévère contre le système fiscal espagnol.
Dans un entretien accordé à Euractiv le 5 décembre, il a décrit l’Agence d’administration fiscale de l’État (Hacienda) comme un instrument d’un « règne de la terreur » qui viole de manière flagrante l’état de droit garanti par l’Union européenne.
« La présomption d’innocence n’existe pas », a déclaré l’avocat au cours de la conversation, au cours de laquelle il a mentionné que le système fiscal était un « vestige » de la période franquiste.
Au cours de cette conversation, qui a duré un peu plus de 23 minutes, le spécialiste s’est concentré sur les pratiques de contrôle fiscal (c’est-à-dire les actions fiscales visant à recouvrer les impôts) qui, selon lui, encouragent la corruption et détruisent la vie des contribuables ordinaires.
Un système de primes pour les inspecteurs des impôts
Me Amsterdam, qui a représenté des opposants politiques en Russie, au Venezuela et au Nigeria — et qui est interdit de séjour dans sept pays pour sa défense des libertés fondamentales —, affirme que le cœur du problème réside dans un système de primes pour les inspecteurs des impôts qui récompense le recouvrement indépendamment de sa véracité.
« Au cœur du système fiscal se trouve une prime pernicieuse accordée aux inspecteurs des impôts, qui ne tolère aucune erreur. Autrement dit, les inspecteurs des impôts reçoivent une prime pour chaque impôt qu’ils prélèvent, qu’ils aient raison ou tort », a-t-il expliqué dans l’interview accordée à Euractiv.
Quid des directives et traités européens ?
Ce mécanisme, dénonce-t-il, génère un système d’incitation d’une valeur de 2 milliards d’euros sur 10 ans, favorise des abus systématiques et contrevient aux traités européens sur l’indépendance de la justice.
Cet avocat américain, qui possède des bureaux à Londres et à Washington, n’est pas présent en Espagne par hasard. Son cabinet a recueilli les témoignages de 600 contribuables concernés, dont beaucoup ont souhaité rester anonymes par crainte de représailles.
Dans son livre blanc de mai dernier, Me Robert Amsterdam documente des cas où des inspecteurs saisissent des comptes bancaires sans mandat judiciaire, publient des listes de « débiteurs » dans les journaux — même pendant les procédures d’appel — et exigent le paiement intégral plus les amendes avant tout recours.
« Une fois leur décision prise, leur caution est définitive. Ils sont indemnisés, mais le pauvre contribuable, s’il veut la contester, doit payer la totalité de la somme d’avance, plus la pénalité, et souvent attendre 8 ou 10 ans », a-t-il déclaré à Euractiv, soulignant que ces délais dépassent largement les limites raisonnables de la directive (UE) 2019/1023 relative aux procédures d’insolvabilité.
Robert Amsterdam établit un lien entre ces abus et la corruption au sein du gouvernement socialiste
Dans l’interview, il a fait allusion à des cas emblématiques tels que celui du procureur général de l’État, Álvaro García Ortiz, qui a été condamné par la Cour suprême pour avoir divulgué des données fiscales sensibles du partenaire de la présidente de la Communauté de Madrid, Isabel Díaz Ayuso.

Le procureur général espagnol Álvaro García Ortiz (à g.), entouré de ses avocats, prend des notes lors de son procès pour violation présumée du secret judiciaire, devant la Cour suprême de Madrid, le 3 novembre 2025, une affaire qui a ébranlé le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sanchez. (MARISCAL/POOL/AFP via Getty Images)
« La preuve la plus accablante, ce sont les affaires en cours : l’affaire Ayuso. Je ne crois pas qu’on puisse présenter de preuve plus convaincante que le fait que le procureur général du pays lui-même fasse l’objet d’une enquête », a-t-il déclaré.
L’incompatibilité avec la réglementation européenne au cœur des critiques de Me Amsterdam
La Cour de justice de l’Union européenne ( CJUE ) s’est déjà prononcée contre l’Espagne sur des questions telles que l’indépendance des tribunaux administratifs fiscaux.
« Le tribunal luxembourgeois a déjà constaté que les tribunaux administratifs fiscaux espagnols ne sont pas indépendants », a souligné Robert Amsterdam.
Quoi qu’il en soit, Me Amsterdam ne s’arrête pas aux diagnostics. Mais il propose des réformes radicales : suppression des primes des inspecteurs, abolition des tribunaux fiscaux non indépendants et suppression du système de « pay-to-play » (payer avant de faire appel).
« Premièrement, nous devons nous débarrasser du bonus fiscal. Deuxièmement, changer l’utilisation abusive des tribunaux fiscaux et, à mon avis, probablement les abolir. Et enfin, changer la règle du pay-to-play », a-t-il résumé.
Son cabinet a déjà soumis à l’OCDE un rapport de 50 pages demandant la suspension de l’échange de données fiscales avec l’Espagne en raison de violations systématiques. Il a également signalé au Trésor américain l’utilisation de serveurs Huawei au sein de l’Agence fiscale espagnole, ce qui représente un danger pour la sécurité des données des contribuables.

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