Au royaume de l’eSwatini, des élections parlementaires sans parti en lice

19 septembre 2018 12:17 Mis à jour: 19 septembre 2018 12:24

Les partis politiques ne sont pas autorisés à y participer, les meetings quasi-inexistants et les affiches de candidats rares: les élections parlementaires vendredi dans le minuscule royaume africain de l’eSwatini ne ressemblent à aucune autre. Pour les partisans de l’opposition dans l’ex-Swaziland, les élections se résument à une parodie de démocratie.

« C’est totalement inapproprié de parler d’élections », estime Alvit Dlamini, à la tête du Ngwane National Liberatory Congress (NNLG), le plus ancien parti de l’eSwatini. « Des élections sont une compétition entre partis politiques. Mais ici, on assiste à une non-élection, un système de nomination par les royalistes. Si vous y participez, vous ne pouvez pas défendre vos idées politiques », explique-t-il à l’AFP.

Quelque 540.000 des 1,3 million d’habitants de ce petit pays enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique sont appelés à faire leur choix parmi des candidats sans affiliation politique, dont la presque totalité sont de fidèles du roi Mswati III. Sont en jeu 59 des 69 sièges du Parlement, sur lequel le monarque absolu, l’un des derniers de la planète, exerce un contrôle total.

Le roi, qui nomme les dix autres membres de l’assemblée, défend ardemment un processus électoral unique, fruit, selon lui, d’une réflexion « maison » de la société traditionnelle. Le parti Pudemo, lui aussi, crie à la mascarade. « L’élection est écrite d’avance et le Parlement n’a pas de pouvoir », insiste son nouveau dirigeant, Mlungisi Makhanya.

« Nous n’avons personne dans le parti qui se présente aux élections. Si un candidat tient discrètement à faire savoir qu’il est partisan de Pudemo, on lui dit: non merci, vous ne pourrez rien faire si vous êtes élu », ajoute-t-il à l’AFP. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution de 2005, les partis politiques étaient purement et simplement interdits. La nouvelle loi fondamentale garantit désormais « la liberté d’association et d’expression », mais sur le papier seulement.

Les règles draconiennes du jeu électoral et la répression dont ils sont victimes au quotidien réduisent leur rôle à rien ou presque. En 2008, le Pudemo a ainsi été déclaré « organisation terroriste ». Une vingtaine de ses membres sont aujourd’hui en liberté conditionnelle, poursuivis entre 2009 et 2014 pour avoir chanté des slogans appelant à des réformes et porté des tee-shirts aux couleurs de leur parti.

Le roi Mswati III, qui a succédé sur le trône à son père en 1986 à l’âge de 18 ans, contrôle son pays d’une poigne ferme. En plus d’exercer son contrôle sur le Parlement, il nomme les ministres. Souvent paré de ses habits traditionnels – le torse nu couvert de colliers multicolores, une peau autour de la taille ou le haut du corps enveloppé dans un tissu chatoyant -, il bénéficie d’un large soutien dans les campagnes malgré un train de vie outrancier dans un pays dont 63% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Il a fêté cette année en grande pompe ses 50 ans et les 50 ans de l’indépendance de l’ex-Swaziland. L’occasion pour ce polygame  – il a 14 épouses et au moins 25 enfants – de rebaptiser son pays eSwatini, « le pays des Swazis ». A l’image des formations politiques qui n’ont de parti que le nom, toute contestation dans la rue est réprimée.

En juin, le congrès des syndicats avait appelé à une manifestation pour dénoncer, selon les organisateurs, le détournement de millions de dollars d’un fonds de pension public au profit du roi. La police l’a rapidement dispersée à tirs de balles en caoutchouc.

« Les gens ne peuvent pas exprimer leurs points de vue librement. Ils ont peur », explique à l’AFP Shireen Mukadam, chercheuse à Amnesty International. « Il y a une culture généralisée du secret. Les gens ont l’habitude de se soumettre au roi. La Constitution stipule qu’il a tous les pouvoirs ».

L’Union européenne (UE), qui a accordé 20 millions d’euros d’aide au pays en 2015, se dit « critique du processus de démocratisation ».Le Commonwealth, qui avait envoyé des observateurs pour les trois derniers scrutins, est cette année absent du processus électoral. En revanche, l’Union africaine (UA) et l’organisation régionale de la SADC (Communauté pour le développement de l’Afrique australe) ont dépêché des observateurs.

DC avec AFP

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