En France, une exposition d’oeuvres de Watteau sauvées des flammes de Los Angeles

Par afp
2 mars 2025 14:30 Mis à jour: 2 mars 2025 14:48

Décrochées du mur d’une villa menacée par les incendies de Los Angeles, abritées dans une cave puis exfiltrées en catimini, plusieurs œuvres miraculées du peintre Antoine Watteau (1684-1721) seront exposées à partir du 8 mars au château de Chantilly, près de Paris.

Quand Lionel Sauvage pose son regard sur le tableau « La diseuse d’aventure » lors du montage de l’exposition, le soulagement se lit sur son visage.

Le collectionneur et propriétaire des œuvres, Lionel Sauvage, observe « La Diseuse d’aventure » du peintre Watteau lors de l’installation de l’exposition Antoine Watteau au château de Chantilly, à Chantilly le 27 février 2025. (THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images)

« Je suis très proche de ce tableau, je vis avec ce tableau. Donc c’est un peu comme un enfant, on se fait du souci », explique le collectionneur franco-américain, qui n’avait plus vu l’oeuvre depuis qu’elle avait quitté Los Angeles en proie aux flammes.

« La diseuse d’aventure » a été sauvée deux fois

Ce passionné de Watteau – « mes enfants diraient obsessionnel », glisse-t-il – en possède aujourd’hui cinq tableaux et une quinzaine de dessins. « La diseuse d’aventure » a été sauvée deux fois, précise-t-il. Une première fois en 2012 quand le collectionneur, qui venait de l’acquérir, l’a faite authentifier, alors qu’une copie exposée dans un musée de San Francisco était présentée comme l’original.

Le deuxième sauvetage est survenu en janvier, quand un méga-feu ravageait Pacific Palisades, quartier huppé de Los Angeles où habite Lionel Sauvage, ancien haut responsable d’une grande société américaine de gestion d’actifs.

Les œuvres mises à l’abri dans une cave hermétique

Ses tableaux de Watteau sont alors « la première chose » à laquelle il pense. Avec son jardinier John Denuccio, ils descendent les oeuvres dans une cave hermétique, puis protègent la villa des flammes pendant 12 heures grâce à une pompe reliée à l’eau de la piscine.

« On est revenus le lendemain et la maison était toujours en place, les œuvres étaient là (…) mais il n’y avait pas de ventilation, pas de contrôle de température, de l’humidité », raconte John Denuccio depuis Los Angeles.

Puis les tableaux sont exfiltrés

Pour exfiltrer les œuvres du quartier, évacué et bouclé par la garde nationale, les deux hommes louent une camionnette et partent à trois heures du matin, pendant que « les militaires dorment dans leur camion », relate Lionel Sauvage.

Les œuvres s’envolent plus tard pour la France, où plusieurs d’entre elles ont rejoint le musée Condé du château de Chantilly pour son exposition « Les mondes de Watteau », du 8 mars au 15 juin, comme initialement prévu.

Les œuvres possédées par Lionel Sauvage sont d’autant plus précieuses qu’elles « ont très rarement été exposées » voire, pour certaines, jamais, souligne Axel Moulinier, co-commissaire de l’exposition, qui a été parcouru d' »un frisson » lorsqu’il a appris que les incendies menaçaient la maison de Lionel Sauvage.

« Watteau incarne un moment charnière dans l’histoire de France »

Si Watteau n’a plus fait l’objet d’une grande rétrospective depuis 1984, il a été « une sensation immédiate » de son vivant, souligne Baptiste Roelly, co-commissaire de l’exposition.

Le collectionneur et propriétaire des œuvres, Lionel Sauvage, observe une de ses œuvres lors de l’installation de l’exposition Antoine Watteau au château de Chantilly, à Chantilly le 27 février 2025. (THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images)

« Watteau incarne un moment charnière dans l’histoire de France », complète M. Moulinier. « C’est la fin du règne de Louis XIV, la France est exsangue financièrement, un peu moralement aussi » et le peintre innove en créant le genre des « fêtes galantes », qui, en représentant les fêtes organisées en plein air par l’aristocratie de l’époque, permettent aux spectateurs de s’évader.

Le collectionneur et propriétaire des œuvres, Lionel Sauvage, observe les régisseurs manipuler  « Le concert champêtre » du peintre Watteau lors de l’installation de l’exposition Antoine Watteau au château de Chantilly, à Chantilly le 27 février 2025. (THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images)

Une exposition, réunissant une cinquantaine d’œuvres du peintre

L’exposition « est née d’une rencontre » entre les œuvres du musée Condé et celles de Lionel Sauvage, « sans doute la plus grosse collection (privée, NDLR), en matière de Watteau, qui existe aujourd’hui », estime M. Roelly.

Le musée Condé, qui possède quant à lui quatre peintures et six dessins de Watteau, a aussi obtenu d’autres prêts pour son exposition, réunissant une cinquantaine d’œuvres du peintre.

« Les œuvres sont intactes. Elles n’ont pas souffert. Elles auront une longue vie. »

« En tant que collectionneurs, finalement, on ne possède pas ces œuvres, on est là pour les garder pour les générations futures », estime M. Sauvage.

« Si un malheur était advenu, ça aurait été une perte pour l’histoire de ce grand maître (…) qui a révolutionné, en quelque sorte, le cours de la peinture », souligne Mathieu Deldicque, directeur du musée Condé. « Cela aurait été quelque chose d’assez effroyable. »

Le conservateur du musée Condé Mathieu Deldicque manipule un dessin au fusain connu sous le nom de « Monna Vanna », également surnommé « La joconde nue », lors de la présentation de l’œuvre d’art à la presse au Domaine de Chantilly, au nord de Paris, le 11 mars 2019. (KENZO TRIBOUILLARD/AFP via Getty Images)

« Dieu merci, j’étais là et j’ai pu les protéger », se réjouit Lionel Sauvage. « Les œuvres sont intactes. Elles n’ont pas souffert. Elles auront une longue vie. »

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