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Immigration: l’aide médicale d’État, un sujet brûlant qui arrive au Sénat

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Photo: PHILIPPE DESMAZES/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

La proposition de réforme de l’aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers, portée par la droite et qui fracture la majorité, serait un « non-sens pour la santé publique », plaident des milliers de soignants, à l’approche d’un débat brûlant au Sénat.
Cible historique de la droite et de la droite nationaliste, le dispositif couvre à 100% les frais de santé des étrangers présents sur le sol français depuis au moins trois mois. Ses détracteurs l’accusent de générer un « appel d’air » pour l’immigration clandestine et de coûter « trop cher », actuellement 1,2 milliard d’euros annuels pour 400.000 bénéficiaires. La polémique a été relancée au printemps, par un amendement sénatorial au projet de loi immigration.
En l’état actuel du texte, examiné lundi au Sénat, l’AME serait supprimée au profit d’une « aide médicale d’urgence ». Le panier de soins, réduit et aux contours flous, inclurait « le traitement des maladies graves et douleurs aigües », « les vaccinations réglementaires » et « soins liés à la grossesse ».

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« Un outil de lutte contre les exclusions »
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’y est dit favorable, s’attirant les foudres d’une partie de la majorité. Auditionné au Sénat, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a lui défendu un « dispositif de santé publique », dont la suppression risque d’entraîner « le déversement sur l’hôpital de tous les soins urgents » et la « diffusion » de maladies infectieuses comme la tuberculose.
Plus de 3000 soignants, dont la prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi, sont montés au créneau, via une tribune dans le journal Le Monde jeudi. L’AME est « un outil de lutte contre les exclusions », utilisé majoritairement par des gens ayant « fui la misère, l’insécurité » ou migré pour « raisons familiales », plaident-ils.
L’accès aux soins garanti pour tous
Sans AME, ils « ne pourront plus consulter dans le cadre de soins primaires, auprès des médecins généralistes », déplore Nicolas Vignier, infectiologue à l’hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis) et chercheur. « Leurs premiers motifs de consultation, c’est souvent des viroses, problèmes dermatologiques, des troubles gastro-intestinaux, etc. » qui peuvent entraîner des complications, mais sont aussi pour les généralistes l’occasion de « prévenir et diagnostiquer des maladies chroniques, des infections », explique-t-il.
Diabète, cancer, infection à l’hépatite B, VIH… Beaucoup de pathologies potentiellement graves, « évoluent à bas bruit » mais « sont bien prises en charge avec un diagnostic précoce », rappelle le Pr Vignier. « Certaines sont transmissibles. Il y a donc un intérêt pour la population générale à ce que l’accès aux soins soit garanti pour tous. »
« Éloignées du soin, ces personnes se présenteront un jour en état grave aux urgences ou dans les permanences d’accès aux soins, déjà débordées », prévient le praticien. « Les hospitalisations seront plus longues, plus fréquentes. C’est un non-sens du point de vue de la santé publique, mais aussi économique, car ça coûte beaucoup plus cher de soigner un patient à l’état très dégradé. »
Cheffe du SAMU en Seine-Saint-Denis, Anne-Laure Feral-Pierssens voit régulièrement « des malades avec un diabète décompensé, des plaies surinfectées, un infarctus suite à une maladie cardio-vasculaire non dépistée ». « Tous les jours », elle informe des patients qu’ils ont droit à l’AME ». Selon la dernière étude nationale, en 2019, un sans-papiers sur deux n’y a pas recours
Le rapport définitif attendu début décembre
Pour la Pr Feral-Pierssens, l’amendement porté par la droite est « flou » et « déconnecté », alors que soignants et administrations peinent déjà à s’accorder sur « ce qui relève des soins urgents ». « Heureusement, on les soigne. Aucun médecin, en France, ne refusera l’entrée à un patient très malade », souligne Rémi Salomon, président de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) des centres hospitaliers universitaires.
Pour « réinterroger le dispositif », la Première ministre Élisabeth Borne a lancé une mission. Le rapport définitif est attendu le 2 décembre mais un pré-rapport remis jeudi à Matignon suggère qu’« il y a des modifications à apporter » à l’AME, selon le ministère de l’Intérieur. « Des choses peuvent être ajustées », mais l’AME « est nécessaire pour notre pays », a pour sa part estimé vendredi sur BFMTV le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, qui est également médecin.