La fascinante histoire de la baguette, « reine » des pains français

16 septembre 2015 06:33 Mis à jour: 16 septembre 2015 10:46

Ce dimanche 13 septembre marquait le 22e anniversaire du  » décret Pain « . Cette mesure visait à rétablir la tradition française de la baguette à un stade de l’histoire où celle ci était plus que compromise.

Avant d’évoquer la baguette, il est de mise de rappeler que les boulangers et la fabrication du pain ont joué un rôle souvent de premier plan dans l’histoire de la France. Dès le VIIIe siècle, Charlemagne ordonnait par décret :  » Que le nombre de boulangers soit toujours tenu au complet et que le lieu de travail soit toujours tenu avec ordre et propreté « . Depuis, et jusqu’au XIXe siècle la fabrication et la vente pain n’ont cessé d’être étroitement réglementées et surveillées.

Représentation d'une talemelerie (ancêtre de la boulangerie) au XIVème siècle ( wikimédia)
Représentation d’une talemelerie (ancêtre de la boulangerie) au XIVe siècle ( wikimédia)

La qualité même du pain n’était pas une simple affaire. Alors qu’au XIIe siècle, les autorités veillaient à la qualité de la farine utilisée, en 1668, devant le succès à la Cour du pain-mollet, Louis XIV réunissait 75 professeurs de faculté pour statuer si oui ou non la levure de bière – un ingrédient mi-hérétique à l’époque – pouvait ou non être utilisé dans la fabrication du pain.

L’origine de la baguette

Le prix du pain fut un facteur important dans les troubles qui précédèrent la Révolution française. Jusque là, les pains se divisaient en grand nombre de variété, qu’ils soient destinés aux nobles, ou qu’il soit conçus voire récupérés par les pauvres (le pain de disette). Aussi, durant la Terreur, un décret de la Convention stipulait : « La richesse et la pauvreté devant également disparaître du régime de l’égalité, il ne sera plus composé un pain de fleur de farine pour le riche et un pain de son pour le pauvre. Tous les boulangers seront tenus, sous peine d’incarcération, de faire une seule sorte de pain : Le Pain Égalité ».

Certains pointent l’apparition de la baguette à cet instant précis, mais les preuves sont bien minces. On considère que la baguette a fait son apparition entre 1830 et 1900, mais les historiens se disputent trois hypothèses différentes sur son origine.

Les premiers affirment qu’August Zang, (futur éditeur et homme politique autrichien), aurait fondé une boulangerie spécialisée dans les pains viennois à Paris, en 1839 – à l’origine, donc, des viennoiseries. L’Autrichien se serait ainsi inspiré de la forme parfois ovale des pains produits dans son pays natal ; et aurait contourné les nombreuses taxes en produisant ses viennoiseries – qui au passage, connurent un franc succès.

La "Boulangerie Viennoise" d'August Zang, en 1909. ( wikimédia )
La  » Boulangerie Viennoise  » d’August Zang, en 1909. ( wikimédia )

Presque un siècle plus tard, suite à un décret – encore un – interdisant aux boulangers de travailler avant quatre heures du matin, des boulangers parisiens se souviennent de la recette de Zang. Et s’en inspirent pour créer la baguette, dont le temps de levage et de cuisson est moindre comparé aux boules de pain classique.

Et puis, il y a ceux qui affirment que la baguette aurait été créée sous Napoléon III. En 1856, le chef d’État fixa le poids et la taille du pain à 400 grammes pour 40 centimètres. Et, d’après la version aurait sommé ses boulangers de trouver une alternative à la boule classique, afin que le pain soit aisément transportable par ses soldats. Ces derniers auraient donc glissé des baguettes de pain dans leurs pantalons. Ceci étant, on est curieux sur l’état de la baguette après une journée de marche.

Uniforme de soldat napoléonien du second Empire, illustré par JOB, dans un manuel pour enfant. Où mettre la baguette? ( domaine public )
Uniforme de soldat napoléonien du second Empire, illustré par JOB, dans un manuel pour enfant. Où mettre la baguette? ( Domaine publique )

La dernière version est que la baguette a été inventée durant la construction des métros parisiens, autour de 1900. À l’époque, le chantier était si colossal que des ouvriers affluaient de toute la France pour participer à sa construction. Dans les galeries souterraines, la promiscuité n’était pas au goût de tous : les Auvergnats et les Bretons en venaient souvent aux mains. Les couteaux étaient indispensables pour couper les miches de pains (base de l’alimentation pour les ouvriers), et devenaient à l’occasion des armes. Pour résoudre le problème, Fulgence Bienvenüe, maître d’œuvre du chantier aurait demandé aux boulangers de créer un pain que l’on pourrait rompre sans couteaux – ce qui permettrait d’interdire l’outil à l’entrée du chantier.

Une tradition en déclin jusqu’en 1993

Les événements suivants sont plus clairs pour les historiens. Depuis 1920, la baguette détrône la miche de pain sur les tables françaises. Sa forme longue et sa farine blanche en font un pain de fantaisie, comparé aux boules se conservant des jours durant. La baguette incite le consommateur à se rendre quotidiennement à la boulangerie.

Cependant, les Français se détournent peu à peu du pain. Celui ci n’a plus très bonne réputation et est perçu comme mauvais pour la santé. Sa piètre qualité durant la Seconde Guerre mondiale n’arrange rien au phénomène. C’est durant les années 60 que le pain retrouve son chemin dans le coeur des Français : des études rassurent sur ses qualités.

Pains à l'étalage d'une boulangerie ( pixabay )
Pains à l’étalage d’une boulangerie ( pixabay )

Avec la modernité, les boulangers se mettent à la baguette de pain blanc. Celui ci est source de prestige et pouvoir – une réputation datant semble t-il de l’époque des rois, où les pains blancs qui se conservaient moins longtemps étaient agrémentés de lait et servis aux nobles. Cependant, les boulangers peinent à retrouver la recette ; les boulangeries industrielles se développent, mais le pain reste de piètre qualité gustative.

Il faut attendre les années 80 pour que les artisans boulangers se penchent sur la question, et remettent en question les pratiques courantes. Certains meuniers, désespérant de voir d’une part la consommation chuter, et d’autre part l’immobilisme des boulangers, prennent les choses en main. Banette est créé, et un nouveau savoir faire refait surface. Le succès de la banette incite les pouvoirs publics à créer, en 1993, le décret  » pain de tradition française « .

Seuls ingrédients autorisés pour ce pain : un mélange de farines de blé, de l’eau potable, du sel. Il doit être fermenté à l’aide d’une levure de fermentation et/ou de levain. Et ne comporter aucun additif.

À Paris, capitale du pain depuis Charlemagne, la majorité des boulangers ont adopté le pain de tradition. Et se plaisent à redonner au pain ses qualités gustatives et organoleptiques, pour le plaisir de tous.

Un conseil pour bien reconnaître la qualité d’une baguette ; si vous l’écrasez, et que celle ci reprend sa forme, c’est un gage de bonne qualité.

 

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