«L’Europe est une passoire»: le discours pro-frontières de Jacques Attali surprend

Par Etienne Fauchaire
28 septembre 2023 12:41 Mis à jour: 28 septembre 2023 12:41

Après avoir affirmé sur le plateau de C ce soir que « la question des frontières est essentielle », notamment sur le plan économique et commercial, Jacques Attali se retrouve depuis sous le feu des critiques, accusé d’incohérence et de retournement de veste.

Figure incontournable de la vie politique et intellectuelle française de ces dernières décennies, Jacques Attali a surpris ce mercredi 20 septembre dans l’émission C ce soir. L’intellectuel de 79 ans s’est en effet lancé dans une diatribe contre « l’idéologie ultralibérale de la concurrence qui a interdit à l’Europe d’avoir une politique industrielle », dénonçant au passage le fait que le Vieux continent soit devenu « une passoire » notamment « aux investissements et aux produits étrangers ». « La question des frontières est essentielle. Dans l’idéologie européenne depuis 1958, on a tout fait pour détruire les frontières internes, très bien, mais aussi externes », a-t-il martelé.

Armée, industrie, immigration : les conséquences du sans-frontiérisme

Simple fulgurance ? Le lendemain de l’émission, le septuagénaire persiste et signe. Dans une note publiée sur son blog, l’énarque pointe du doigt les « lacunes majeures » du projet européen mises en lumière par la crise migratoire de Lampedusa, à ses yeux au nombre de trois. Tout d’abord, l’absence de tarif extérieur commun et l’érection de la concurrence interne en « règle absolue ». Conséquence, selon lui : cela « rend impossible le regroupement, entre elles, des entreprises européennes pour leur permettre d’atteindre la taille nécessaire pour résister à leurs prédateurs américains ». Et d’alerter : « Si nous continuons comme ça, c’est toute notre industrie qui disparaitra très bientôt. »

Ensuite, l’absence de défense européenne : « L’insistance américaine pour maintenir, par l’Otan, leur contrôle total sur la défense du continent, interdisait aux Européens de prendre conscience de la nécessité de se défendre eux-mêmes : pas de frontières, pas d’armée. »

Et enfin, l’absence de frontières clairement définies pour permettre à l’Europe de se protéger contre l’immigration illégale. Évoquant « le refus obstiné des pères fondateurs de définir des frontières, et de se donner les moyens de les faire respecter », il interroge : « Comment définir la frontière de l’Europe, quand il est question d’y admettre la Géorgie et l’Arménie, qui ont sans doute des raisons légitimes de l’espérer ? »

Revirement

« Quel réveil ! il ne faut désespérer de rien », s’est exclamé le patron des députés Les Républicains Olivier Marleix, à la suite du passage de Jacques Attali sur France Télévisions. Celui « qui a toujours défendu la mondialisation, soudain, ouvre les yeux », s’est réjoui de son côté l’ancien candidat souverainiste à l’élection présidentielle Nicolas Dupont-Aignan.

En revanche, l’un des commentaires les plus incisifs vient du journal Marianne : « Retourner sa veste à 79 ans demande une agilité rare. Après avoir voué toute sa vie à la mondialisation, voilà que Jacques Attali chante les louanges des frontières et condamne ceux qui ont « tout fait pour [les] détruire », comme s’il était parfaitement étranger à ce phénomène. »

Face aux accusations d’incohérence, Jacques Attali a décidé de répliquer sur X. « Si vous faisiez l’effort de me lire, vous sauriez que j’ai toujours défendu l’idée de frontières externes de l’Europe et d’une politique industrielle commune ». 

Pourtant, l’écrivain s’est depuis longtemps illustré pour son discours anti-frontières. Comme le relève Marianne, en 1992, l’économiste argumentait déjà dans les colonnes du Monde en faveur d’une démocratie sans frontière : « Pour que la démocratie ne soit pas un frein au développement, elle doit être sans frontières sinon on aura la frontière sans la démocratie. Telle est la nouvelle utopie, le nouveau projet de civilisation, démocratie sans frontières, où les institutions n’exigent ni État fort ni frontière limitative. »

En 2015, rapporte aussi l’hebdomadaire, en pleine crise migratoire européenne, Jacques Attali s’opposait à la renégociation des accords de Schengen en déclarant notamment : « Quand il s’agit d’avancer, il faut d’abord ne pas reculer dans la réinstallation des frontières, là où on a réussi à les faire disparaître. »

Et enfin, en 2019, l’idéologue avait même établi un lien douteux entre souverainisme, haine des musulmans et antisémitisme dans un article publié sur son blog en 2019.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.