Livres : Patricia Chagnon démontre la forte influence du Qatar au sein des institutions européennes avec la « diplomatie du carnet de chèques »

Par Julian Herrero
5 décembre 2023 16:50 Mis à jour: 15 avril 2024 12:53

Qatargate : Le résultat de plus de vingt ans d’ingérence, de complaisance idéologique et financière. C’est le titre du dernier livre de la députée européenne RN Patricia Chagnon. De la stratégie de Doha aux compromissions financières et idéologiques de leaders occidentaux, en passant par le soft power du pays du Golfe, la parlementaire décortique la stratégie mise en œuvre par le Qatar depuis des décennies pour imposer progressivement son modèle culturel islamiste au vieux continent.

Les Frères musulmans et la stratégie de Doha ou la genèse de l’offensive

Patricia Chagnon revient en grande partie dans son ouvrage sur la matrice intellectuelle de la stratégie qatarie pour déstabiliser l’Europe. Elle indique notamment que grâce aux bonnes relations qu’entretiennent depuis longtemps les pays du Golfe et particulièrement le Qatar avec l’organisation des Frères musulmans, le petit émirat a su s’imposer comme un acteur majeur de la diffusion de l’islam rigoriste à l’international. « Les liens entre les Frères musulmans et les États du Golfe ne datent pas d’hier. Les persécutions du dirigeant égyptien — panarabe et laïc — Nasser, et celles des autres dirigeants nationalistes arabes arrivés au pouvoir au Moyen-Orient au XXe siècle les ont en effet poussés à chercher l’asile auprès des pétromonarchies dont ils partagent le conservatisme », écrit-elle. La députée précise également que si à partir des années 1990-2000, certains pays du Golfe vont prendre leur distance avec les Frères musulmans, le Qatar va quant à lui « renforcer ses relations » avec l’organisation islamique et prend en exemple le lancement de la chaîne de télévision Al-Jazeera en 1996. Une association entre les deux acteurs permettant à Doha de « développer sa puissance et son influence, aussi bien dans le monde arabo-musulman qu’ailleurs ».

Un gain de puissance et d’influence qui a entre autres permis au petit émirat d’organiser en 2000 sous l’égide de l’Organisation du monde islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO) une conférence au cours de laquelle il fait adopter par « plus de 50 pays musulmans un document pour consolider et « venir en aide » aux communautés musulmanes en Occident ». Ce document, appelé la « Stratégie de Doha », que Patricia Chagnon a ajouté à la fin de son livre, propose un contre modèle aux musulmans vivant notamment en Europe et explique point par point les détails de « l’offensive » qui doit être menée sur le vieux continent. La députée met notamment en garde contre le « communautarisme islamique comme objectif affiché », la « charia comme code civil espéré » « l’action culturelle comme priorité » ou encore « le multiculturalisme comme subterfuge ». La parlementaire s’inquiète d’une stratégie déjà à l’œuvre depuis plus de vingt ans et cite comme exemples (parmi d’autres) les assauts sur la liberté d’expression avec le concept d’islamophobie, les menus dans les cantines scolaires et le burkini en France.

Pour le géopolitologue et fondateur du site Le monde décrypté Gérard Vespierre, il faut davantage s’inquiéter du pouvoir de nuisance de la Turquie sur l’Europe. « Le Qatar est un confetti en termes de population. On parle de 3 millions d’habitants. En outre, il y a plus de 80 millions de Turcs et des communautés turques puissantes en Europe, particulièrement en Allemagne et en France », nous confie-t-il.

« Le sport comme outil d’affirmation culturelle » 

Avec son nouveau livre, l’élue au Parlement européen critique aussi l’image que le pays du Golfe essaye de se donner en étendant son influence dans le monde du sport. « Sous couvert d’une prétendue modernité, et alors même qu’il réprime les libertés chez lui, le Qatar se donne en France une (trompeuse) image de progrès », dénonce-t-elle, avant de fustiger plus loin une « image à des années-lumière du modèle culturel qu’il défend à travers les […] réseaux fréristes en Occident […] ». Elle raconte par ailleurs que Doha s’est largement affirmé dans le sport à partir des années 2000, en accueillant de plus en plus de compétitions sportives prestigieuses telles que les jeux asiatiques (2006), le Championnat du monde masculin de handball (2015) et la Coupe du monde de football (2022). Pour elle, le rachat du Paris Saint-Germain par un fonds d’investissement qatari est « l’évènement qui, en France, marque symboliquement de son empreinte la relation entre le Qatar et le sport ». Mais pour Gérard Vespierre, « le fait que le Qatar soigne son image et organise par exemple en 2022 la coupe du monde de football ne met pas en danger l’équilibre à l’intérieur de l’Europe ». « Il s’agit ici de l’image du Qatar et non pas d’un rapport de force », ajoute-t-il.

« Compromissions idéologiques et financières » et « les idiots utiles » 

La parlementaire européenne RN s’en prend également dans son ouvrage à certains leaders européens, des institutions ou des courants politiques. Patricia Chagnon dénonce à plusieurs reprises les « compromissions idéologiques de la gauche et financières de la droite ». Elle considère les militants d’extrême-gauche et wokistes comme des « idiots utiles de la stratégie de victimisation » des Frères musulmans. La députée est aussi revenue sur l’attitude de la France Insoumise après les attaques du 7 octobre 2023 qui avait refusé de qualifier le Hamas de mouvement terroriste. Pour ce qui est de la droite, l’élue européenne RN revient régulièrement sur les liens qu’entretient l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy avec Doha depuis plusieurs années et s’interroge sur son rôle dans les conditions d’attribution de la Coupe du monde de football au Qatar en 2010.

Enfin, la parlementaire s’arrête sur l’affaire qui a secoué le Parlement européen en décembre 2022. Le « Qatargate ». Il s’agit pour elle d’« éveiller nos consciences » et de démontrer la forte influence de l’émirat au sein des institutions européennes avec la « diplomatie du carnet de chèques ». « Le Qatar a agi par ses moyens financiers en soft power sur le haut de la pyramide, donc sur les institutions nationales et européennes à coup de valises de billets », analyse Gérard Vespierre. Des centaines de milliers d’euros en provenance du Qatar avaient été retrouvés au domicile de la députée européenne grecque et vice-présidente socialiste du Parlement européen, Eva Kaïli. Six personnes avaient été interpellées, dont quatre inculpées.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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