Chine : (Ne pas) parler de révolution

26 juillet 2016 12:34 Mis à jour: 25 septembre 2016 21:55

Il y a 50 ans, le 16 mai, commençait la Révolution culturelle en Chine. Cependant, ne vous attendez pas à une grande considération de la Chine au regard de cet évènement. Dans la réalité, malgré la persistance du statut iconographique de Mao Zedong, ses successeurs au sein de l’élite dirigeante du pays ne sont pas très à l’aise quant à la manière de traiter son héritage.

On devine aisément pourquoi. Durant le mouvement du « Grand bond en avant » de 1958 à 1961, supposé moderniser l’économie chinoise à travers l’industrialisation et les regroupements agricoles, des dizaines de millions de citoyens chinois sont morts, principalement de la famine.

Mao a finalement été critiqué pour son rôle dans cette catastrophe, qui aurait pu être entièrement évitée. C’est cette menace envers son pouvoir qui le conduira à déclencher la Révolution culturelle.

Ces deux épisodes historiques majeurs sont méticuleusement ignorés en Chine aujourd’hui. L’imposant musée national de Pékin, par exemple, ne contient absolument aucune référence à la Révolution culturelle, malgré le fait qu’elle conduisit, de façon plus ou moins directe, à quelque million de morts de plus.

Le plus frappant au sujet de cette période, en revanche, n’est pas l’amnésie collective dont font preuve les élites du gouvernement au sein du Parti communiste chinois, mais le fait qu’elle a complètement inversé les valeurs sociales qui existaient en Chine depuis des millénaires.

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Bien sûr, des dynasties s’étaient déjà effondrées auparavant. Cependant, même la révolte des Boxers au 19è siècle n’avait pas provoqué un tel bouleversement et certainement pas à une telle échelle.

L’une des principales caractéristiques de la Révolution culturelle, décrite en détail par Ji Xianlin dans « L’Étable » , a été le rôle joué par les jeunes Gardes Rouges, qui ont été les soldats impériaux de la contre-révolution de Mao. Le respect confucéen de l’apprentissage et les traditions de hiérarchie sociale ont été les outils d’un renversement brutal des classes, qui s’est délecté de l’humiliation et la torture de ses « ennemis ».

Ji détaille les horreurs qui lui ont été infligées, à lui et nombre de ses collègues de l’université de Pékin, par ses anciens étudiants, soudainement soulevés et emportés par la mégalomanie de Mao. Des passages à tabac et humiliations publiques devinrent monnaie courante parmi les punitions infligées aux potentiels « partisans du capitalisme » et traîtres aux classes sociales.

Beaucoup de ces jeunes gens à avoir joué un rôle prédominant et malveillant dans ces « épisodes de lutte » sont devenus eux-mêmes les victimes de la révolution. Certains ont été envoyé à la campagne pour apprendre de la paysannerie. D’autres devinrent les victimes des guerres de factions au sein même de la Garde Rouge.

C’est seulement maintenant que certaines de ces histoires sont racontées, malgré l’impact profond de ces évènements tant sur les jeunes que les plus âgés durant cette période.

Le gouvernement du Parti communiste chinois considère toujours cette période comme sensiblement difficile à gérer. Malgré la reconnaissance du fait que Mao aurait pu avoir fait des erreurs, son portrait domine toujours la place Tiananmen. L’actuel président Xi Jinping a embrassé certains aspects de son héritage.

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De manière inquiétante, Xi à également concentré plus de pouvoirs qu’aucun leader chinois depuis Mao. Xi a également commencé à ravivé des éléments du maoïsme, dans le but de légitimer la pérennité de la domination du PCC – qui n’en possède aucune autre dans la Chine autoritaire.

Pourtant cet échec collectif à reconnaître ou à confronter les réalités de la Révolution culturelle démontre comme les importantes leçons de l’histoire échappent aux générations suivantes. Une absence fondamentale de maturité politique, combinée à celle d’un réel sens auto-critique ou de débat interne, sont les raisons pour lesquelles les régimes totalitaires ont toujours été si instables et la proie de chute soudaine, comme celle de Ceaucescu en est un exemple.

C’est ce fort potentiel de bouleversements sociaux, sur lesquels la Chine est devenue experte au cours de son histoire, qui permet d’expliquer pourquoi l’administration actuelle arrive à maintenir de façon si extraordinairement durable le contrôle sur les médias sociaux et sur les discussions politiques internes. Les programmes de chaînes comme la BBC seraient vraisemblablement interrompus si elles diffusaient des émissions sur la Révolution culturelles aujourd’hui.

Rien de cela ne présage donc que la domination du PCC ne s’éteigne avant longtemps. Au contraire, le PCC est devenu le pivot central des promotions de carrières et le foyer de connections politiques et commerciales essentielles.

De manière plutôt ironique, les partisans du capitalisme ont finalement triomphé en Chine, et sont souvent aujourd’hui des membres prépondérants et bien installés du PCC lui-même. Mao doit se retourner dans son mausolée.

C’est ce paradoxe qui est au cœur des difficultés qu’éprouve aujourd’hui le PCC dans la gestion de Mao et de son héritage. Une société pluraliste et plus ouverte – telle que l’Allemagne par exemple – pourrait reconnaître et comprendre que des évènements terribles peuvent se produire, en tirer des leçons, puis avancer. Aucun débat de la sorte n’est possible en Chine sans éveiller les questions très sensibles de savoir au juste ce pour quoi existe le PCC et pourquoi il devrait rester au pouvoir non-élu.

La prochaine fois que je fais une demande de visa pour la Chine, il se pourrait qu’on me rappelle la portée envahissante et quelque peu paranoïaque des services de sécurité de la Chine. Peut-être verrons nous quelques expressions « spontanées » d’indignation en réponse à cet article.

Et pourtant, une société qui a besoin d’exercer un tel degré de contrôle social pour maintenir une identité collective selon ses préférences et une vision officielle de son histoire, une telle société a l’air d’être tout sauf sécuritaire.

Mark Beeson est professeur en politique internationale à l’université d’Australie Occidentale. Cet article a été publié initialement par The Conversation.

Les points de vue exprimés dans cet articles sont les opinions de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position d’Epoch Times.

Version anglaise : China: (Not) Talking About a Revolution

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