Dans le quartier Seestadt, Vienne donne les clés de la ville aux femmes

Par Epoch Times avec AFP
19 juin 2021 15:40 Mis à jour: 19 juin 2021 15:40

Un quartier pensé par et pour les femmes: aux confins de son territoire, la ville de Vienne cherche à rétablir un peu de parité urbaine en rendant justice à l’architecture féminine, longtemps marginalisée.

Depuis 2012, elle fait sortir de terre tambour battant 12.000 nouveaux logements dans des immeubles bigarrés souvent dessinés par des femmes, sur le site d’un ancien aéroport de 240 hectares.

Ce chantier pharaonique campe au beau milieu des champs, autour d’un lac, et d’ici à 2030, plus de 20.000 nouveaux résidents y auront leur adresse contre 8.300 aujourd’hui.

« Les femmes construisent la ville »

A Seestadt, « les femmes construisent la ville »: la devise s’affiche en lettres capitales sur les murs.

Et elles donnent aussi leurs noms aux rues. La philosophe Hannah Arendt, la chanteuse Janis Joplin et même Fifi Brindacier, personnage de la romancière suédoise Astrid Lindgren, y sont mises à l’honneur.

Des lampadaires plus lumineux aux trottoirs plus larges qui font de la place aux poussettes, les femmes architectes et designers sont à l’origine du changement. Photo de Joe KLAMAR / AFP via Getty Images.

« 92% des artères de Vienne rendent hommage à des hommes », regrette au pied du métro Wojciech Czaja, le commissaire d’une exposition sur 18 femmes architectes, installée depuis le 10 mai sur une place du quartier.

« Cela ne reflète en rien la société et c’est un beau concept que de réserver à des politiciennes, à des musiciennes ou à des sportives les noms des nouveaux espaces citadins », affirme-t-il.

Deviennent rarement des stars

Si à Seestadt, on annonce la couleur haut et fort, des femmes construisent depuis longtemps des zones habitées sur les cinq continents et le métier s’est largement féminisé. Mais elles deviennent rarement des stars.

En 1912, un projet de cité-jardin remportait par exemple un concours international pour concevoir Canberra, la capitale de l’Australie.

Les aquarelles de l’Américaine Marion Mahony Griffin avaient séduit le jury, se démarquant de la masse des croquis masculins. Or c’est son associé de mari qu’on honora publiquement.

« Les femmes sont souvent retirées de la photo », ironise Katja Schechter, l’autre commissaire de cette exposition. « En 2012, seul l’époux de Lu Wenyu a reçu le prix Pritzker, alors que le couple a toujours travaillé à quatre mains ».

Il a fallu attendre 2004 pour voir une femme, l’anglo-irakienne Zaha Hadid, récompensée par cette prestigieuse décoration, avant que le rythme ne s’accélère (Kazuyo Sejima en 2010, Carme Pigem en 2017, Yvonne Farrell et Shelley McNamara en 2020, Anne Lacaton en 2021).

Russie, Pakistan, Brésil… partout, les femmes sont à l’œuvre comme à Téhéran, où une passerelle piétonne de 270 mètres de long créée par l’Iranienne Leila Araghian a accueilli 4 millions de visiteurs l’année de son inauguration en 2014.

« Besoin du regard de tous ceux qui composent la société »

« On a simplement besoin du regard de tous ceux qui composent la société », explique l’architecte paysagiste Carla Lo, qui a imaginé une cour intérieure végétalisée à Seestadt Aspern.

Il faut aussi veiller à la mixité tout au long de la chaîne de décision, prévient Sabina Riss, une universitaire viennoise étudiant les liens entre urbanisme et genre.

-Un projet visionnaire à Vienne, avec une banlieue de la capitale autrichienne, Seestadt, conçue par et pour les femmes. Photo de Joe KLAMAR / AFP via Getty Images.

« La place réservée aux femmes dans le processus de réalisation se situe toujours vraisemblablement entre les 5 et 10% », note la chercheuse. Élus, promoteurs, fournisseurs, banquiers… à tous les étages, ce sont encore souvent les hommes qui tranchent.

« Encourager d’autres à exprimer leur vision »

Au conseil municipal de Vienne pourtant, une femme détient pour la première fois le portefeuille du logement. Kathrin Gaal, citée au détour de la présentation de l’exposition, dit tenir à « mettre en lumière les femmes puissantes et leurs contributions ». 

Impliquée dans la planification de Seestadt, elle veut en « encourager d’autres à exprimer leur vision » pour demain.

« J’ai remarqué que depuis que Mme Gaal est là, tout à coup on évoque les besoins spécifiques des mères célibataires dans les appels à projets », se félicite l’architecte Carla Lo.

Des appartements sont ainsi regroupés autour d’une pièce commune qui sert d’espace de vie partagé pour garder les enfants en alternance et faire baisser le prix du loyer.

En renforçant l’éclairage, en élargissant les trottoirs pour les poussettes et en installant des toilettes publiques bien entretenues, Vienne incite aussi les femmes à utiliser l’espace autant que les hommes.

 

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