Dénoncer ses voisins qui méditent est récompensé en Chine

20 décembre 2015 03:26 Mis à jour: 20 décembre 2015 20:25

La délation contre ses voisins, une pratique qui rappelle les méthodes employées par le régime nazi, est maintenant devenue une activité lucrative qui permet d’arrondir ses fins de mois en Chine. La police secrète de la province du Hebei a récemment publié un avis dans la presse annonçant que d’importantes récompenses seraient accordées aux citoyens qui rapporteraient des informations sur les activités religieuses de leurs pairs, y compris ceux qui ont signé des pétitions pour dénoncer les abus de la police.

L’avis a été publié par le Bureau 610 de la province du Hebei, dont le nom officiel est le Bureau pour la prévention et la gestion des religions hétérodoxes. Cet organe est en fait une agence secrète du Parti communiste qui n’a aucune existence légale. C’est l’agence principale chargée d’éliminer la discipline spirituelle du Falun Gong, une méthode de méditation persécutée par les autorités depuis 16 ans.

« Afin de mobiliser pleinement les masses pour qu’elles rapportent sur les activités religieuses illégales et hétérodoxes, afin de participer activement à la sauvegarde de la stabilité sociale, le Bureau provincial pour la prévention et la gestion des religions hétérodoxes a décidé, à partir d’aujourd’hui, de récompenser les informations fournies au sujet des activités religieuses illégales et hétérodoxes », indique l’avis.

Ces activités comprennent, entre autres, tenir une bannière et distribuer des dépliants, des disques compacts et des épinglettes. Les pratiquants et les sympathisants du Falun Gong en Chine distribuent ce genre de matériel pour sensibiliser la population à la persécution dont ils sont victimes aux mains des autorités.

Accrocher des bannières – qu’elles soient verticales, horizontales, petites ou grandes – peut aussi être rapporté. Même discuter de la persécution et des trois principes de la discipline – vérité, bonté et patience– est frappé d’interdiction et peut attirer l’attention de la police.

Ceux qui pratiquent ou appuient publiquement le Falun Gong en Chine peuvent perdre leur emploi et être envoyés en prison ou dans un camp de travail forcé. Ils sont alors torturés dans le but de les forcer à abandonner leurs croyances et à prêter allégeance à la ligne du Parti.

L’avis faisant appel aux dénonciations a été publié durant le mois de novembre dans plusieurs médias du Hebei, dont des quotidiens, des stations de télévision et des sites web.

Avis publié dans un quotidien du Hebei le 1er novembre 2015 appelant les gens à dénoncer les pratiquants de Falun Gong contre une récompense en argent. (Epoch Times)
Avis publié dans un quotidien du Hebei le 1er novembre 2015 appelant les gens à dénoncer les pratiquants de Falun Gong contre une récompense en argent. (Epoch Times)

Les récompenses financières sont substantielles : 500 à 5000 yuans (70 à 700 euros) pour des rapports ordinaires et jusqu’à 10 000 yuans (1 400 euros) pour des rapports qui permettent de « résoudre des cas importants ». De tels cas concernent probablement les descentes de police qui permettent de mettre la main sur des imprimantes utilisées pour produire du matériel qui décrit les abus et la torture subis par les pratiquants de Falun Gong. A noter que le salaire mensuel moyen en Chine est de 435 euros.

La raison de la publication de l’avis à cette période de l’année reste un mystère. De telles méthodes étaient plus courantes durant les premières années de la persécution, alors que la propagande des autorités générait une atmosphère de haine incitant à la dénonciation des pratiquants de Falun Gong. La campagne s’est essentiellement déroulée en coulisses à partir de 2005 avec peu d’attention médiatique.

Les pratiquants de Falun Gong en Chine avaient repris un peu de courage ces dernières années lorsque la campagne anti-corruption du dirigeant Xi Jinping a démarré. Celle-ci s’est en effet attaquée de plein fouet à des membres de la faction de Jiang Zemin, un groupe de responsables ayant été promus par l’ex-dirigeant qui a lancé la persécution contre le Falun Gong en 1999. Ces hommes, comme Zhou Yongkang et Bo Xilai, ont bâti leurs carrières en appliquant sévèrement la directive anti-Falun Gong de Jiang Zemin.

La purge de ces individus – ainsi que la marginalisation du Bureau 610 en tant qu’instrument de politique au niveau central – a coïncidé cette année avec une vague sans précédent de plaintes criminelles contre Jiang Zemin, déposées par des pratiquants de Falun Gong et les membres de leurs familles partout en Chine.

Par exemple, dans la ville de Baoding dans la province du Hebei, 1350 individus ont déposé des plaintes contre Jiang Zemin, selon Minghui.org, un site publiant des informations de première main sur la persécution du Falun Gong en Chine.

Il est pour l’instant impossible de dire si l’avis diffusé dans le Hebei est une réponse à ces plaintes massives.

La mise en application de la persécution du Falun Gong en Chine a toujours été largement dépendante des conditions locales et de la volonté des gens responsables d’appliquer la politique. Des responsables particulièrement virulents, comme Zhou Yongkang et Bo Xilai, ont mené la campagne avec une vigueur peu commune. Dans d’autres cas, des responsables – y compris les agents d’application de la loi – ont fait le strict minimum, juste de quoi s’éviter les foudres de leurs supérieurs.

« De toute évidence, ça contrevient à la loi. Ils outrepassent leur autorité. Cela ridiculise également la ligne officielle selon laquelle le pays est dirigé selon la loi », affirme en entrevue Zhang Nanning, un professeur de droit à l’Université du Sud-Est à Nankin.

« La loi est censée punir le comportement criminel, mais le Falun Gong n’est qu’un type de qigong. Il ne nuit à personne et ne comprend pas de conduite illégale », indique M. Zhang.

Il recommande aux citoyens au courant de l’avis de rapporter plutôt les agissements du Bureau 610 lui-même à la Commission centrale pour l’inspection de la discipline du Parti communiste – l’agence d’enquête interne du Parti – pour sa « conduite illégale ».

Rona Rui a contribué à ce reportage.

Version originale : Chinese Regime Pays Neighbors to Inform on Meditators

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