Femme enceinte tuée en forêt : que disent les professionnels habitués à s’occuper des chiens ?

Par Paul Tourège
24 novembre 2019 02:27 Mis à jour: 24 novembre 2019 10:36

Habitués à côtoyer des canidés, des vétérinaires, des éleveurs et des comportementalistes se sont exprimés sur l’affaire dans les colonnes de Midi Libre.

Le 16 novembre, Élisa Pilarski était retrouvée morte sur un chemin forestier de la forêt domaniale de Retz, victime d’une hémorragie massive après avoir été mordue par un ou plusieurs chiens « aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu’à la tête », selon les résultats de l’autopsie pratiquée par l’institut médico-légal de Saint-Quentin.

Âgée de 29 ans, la jeune femme était sortie promener l’un de ses chiens prénommé Curtis lorsqu’elle a appelé Christophe Ellul, son compagnon, pour lui demander de la rejoindre.

« J’étais au travail, je captais mal, il me fallait 45 min pour revenir. Je l’ai cherchée, j’ai vu son 4×4, j’ai croisé des chiens de chasse, un cavalier. J’ai appelé Curtis et c’est là qu’il m’a prévenu en aboyant. Quand je vais pour regarder dans le précipice, je vois une trentaine de chiens arriver sur moi, donc je m’écarte. […] Je me suis rapproché, j’ai vu le ventre de ma femme car elle a été déshabillée entièrement. […] J’ai pris Curtis dans la voiture et j’ai été voir des voisins qui ont appelé la police », a expliqué M. Ellul pendant un entretien accordé aux journalistes de BFMTV.

Des prélèvements génétiques sur 67 chiens

Le parquet de Soissons a ouvert une information judiciaire et ordonné des prélèvements génétiques sur 67 chiens – et non pas 93 comme il l’avait d’abord déclaré : les 5 American Staffordshire d’Élisa Pilarski et de son compagnon, ainsi que 62 chiens appartenant à l’association Le Rallye La Passion qui organisait une chasse à courre dans les bois le jour du décès de la jeune femme.

Les résultats des analyses ne devraient toutefois pas être connus avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Si le procureur de la République de Soissons avait d’abord confié l’enquête à la section de recherches de gendarmerie d’Amiens, dans la Somme, il a finalement préféré dessaisir les gendarmes au profit du service régional de police judiciaire de Creil.

Un revirement qui pourrait être lié à la présence du commandant du groupement de gendarmerie de l’Aisne Jean-Charles Métras parmi les veneurs qui traquaient le chevreuil en forêt de Retz le jour du décès d’Élisa Pilarski.

« Une situation particulièrement délicate »

Dans un article publié le 23 novembre, les journalistes de Midi Libre ont donné la parole à des vétérinaires, des éleveurs et des comportementalistes pour tenter de mieux comprendre le comportement des chiens.

Selon le quotidien, si les professionnels ne disposent pas de suffisamment d’éléments pour évaluer précisément la situation, ils se sentent pourtant concernés par l’affaire et suivent de très près son évolution.

« Il s’agit vraiment d’une situation particulièrement délicate. Nous sommes toujours dans le flou. Mais j’avoue que cela me paraît très suspect. Cela dit, un chien peut mordre un homme. De là à mordre son propriétaire, c’est autre chose », confie Sylvain Ranson, docteur vétérinaire à Montpellier.

« Tous les chiens sont agressifs parce que cela fait partie de leur patrimoine génétique. Tous les chiens sont agressifs parce que ce sont des prédateurs. Cela ne veut pas dire qu’ils agressent. Mais ils ont ce tempérament d’agressivité en eux. La socialisation et l’éducation vont permettre aux chiens de faire la part des choses. Cela montre tout l’intérêt d’avoir des chiens parfaitement éduqués depuis le plus jeune âge », ajoute Jean-Claude Bisen, comportementaliste-médiateur et éducateur canin dans l’Aveyron.

Pendant sa carrière, il a rencontré plusieurs personnes mordues par des chiens. « C’est souvent la conséquence de gestes malencontreux. Ce sont souvent des chiens qui ont une cohabitation fondée sur la contrainte et sur la frustration avec une conduite très, très autoritaire des propriétaires. Ce sont souvent des animaux qui n’ont pas eu la possibilité de s’adapter à leur environnement », souligne M. Bisen.

« Aucun chien n’est méchant. C’est une question d’éducation »

Responsable de l’élevage des OPS de Lune-Viel, dans l’Hérault, Stéphanie Combes s’occupe d’une vingtaine de Rottweiler.

« J’ai commencé par des American Staffordshire [la même race que les chiens détenus par Élisa Pilarski et son compagnon, ndlr], mais j’ai arrêté car ces chiens vivent mal dans des structures d’élevage », observe-t-elle.

Si l’éleveuse estime que les chiens appartenant au groupe des terriers – dont font partie les Rottweiler et les American Staffordshire – jouissent parfois d’une réputation usurpée, elle considère toutefois qu’ils présentent un caractère particulier.

« Ils ne sont pas méchants, mais lorsqu’ils commencent à mordre, ils ne s’arrêtent pas. À ce moment-là, ils sont véritablement déconnectés de leur environnement. Ils perdent leurs repères. Ils sont dans leur propre bulle. Ils ne savent plus quelle est la personne qu’ils sont en train de mordre. Cela fait partie de leurs gènes. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit du monde animal. »

« Aucun chien n’est méchant. C’est une question d’éducation. Si l’animal reçoit une éducation correcte, nous aurons un gentil chien », poursuit Stéphanie Combes.

Une opinion partagée par Caroline Escaffre, comportementaliste à Rodez (Aveyron), qui a reçu plusieurs propriétaires ayant été victimes de morsures de la part de leur chien.

« Dans ces cas-là, je commence à explorer le côté médical de l’animal pour écarter des soucis de thyroïde ou de tumeur cérébrale. Ensuite, je mène une enquête comportementale. Un chien n’est pas méchant. Il le devient par des mauvaises expériences ou une éducation inappropriée », conclut Mme Escaffre.

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