La diplomatie «maladroite» de la Chine tourne en faveur des démocrates hongkongais

16 mars 2015 22:06 Mis à jour: 25 octobre 2015 08:22

 

OTTAWA – Une lettre «insultante» et «brutale» de l’ambassade chinoise n’a pas eu l’effet escompté dernièrement à Ottawa. Visant à miner les défenseurs de la démocratie hongkongaise, elle leur a plutôt fait de la publicité au Sous-comité de la politique étrangère le 10 mars dernier.

L’audience, qui devait se dérouler sans fracas, a plutôt été télévisée et déplacée dans une salle plus grande à la suite de l’attention médiatique générée par la lettre que l’ambassadeur chinois, Luo Zhaohui, a envoyée aux députés siégeant sur le sous-comité. M. Luo leur avait demandé d’annuler le témoignage prévu du militant pour la démocratie hongkongaise et ex-député Martin Lee.

Avant la réception de cette lettre, la question de Hong Kong ne semblait pas très importante, affirme le député conservateur Peter Goldring.

«Je ne considérais pas qu’il s’agissait d’une priorité à aborder durant cette réunion, mais de toute évidence, c’est absolument le cas.»

M. Goldring dit espérer que les députés pourront exploiter la situation en se penchant davantage sur la question ou en demandant au Sous-comité des droits de la personne d’étudier plus en détail le cas de Hong Kong.

La lettre a eu l’effet opposé pour beaucoup de députés, indique-t-il.

La lettre se lit ainsi : «Les développements politiques à Hong Kong relèvent entièrement des affaires intérieures de la Chine. La Chine s’oppose résolument à ce que les gouvernements, les institutions et les individus interfèrent dans les affaires de Hong Kong.»

«Par égard pour la situation sensible et compliquée à Hong Kong, nous espérons que le Canada ne tiendra pas une telle audience, n’interviendra pas dans les affaires intérieures de Hong Kong d’aucune manière, afin de ne pas envoyer de mauvais signaux au monde extérieur et de ne nuire aux relations sino-canadiennes.»

M. Goldring a eu peine à croire cette formulation.

«C’est assez brutal. C’est insultant», mentionne-t-il. «Parce que la question est “sensible” et “compliquée” nous ne devrions pas en discuter? C’est insultant de penser que nous ne sommes pas en mesure de saisir et de comprendre la question.»

«C’est une diplomatie tout simplement brutale et maladroite», ajoute-t-il.

L’ex-député hongkongais Martin Lee a témoigné devant le Sous-comité des affaires étrangères le 10 mars 2015 à Ottawa. (Matthew Little/Époque Times)

Devoir moral du Canada

Témoignant le 10 mars comme prévu, Martin Lee a déclaré au sous-comité qu’une nouvelle génération de Hongkongais était devenue passionnée de démocratie.

Des dizaines de milliers d’étudiants sont descendus dans les rues l’année dernière durant un mouvement de protestation dans le quartier des affaires qui a duré trois mois et qu’on appelait «Occupy Central» ou «Umbrella Movement». Ils s’opposaient à une décision de Pékin qui permet aux Hongkongais de choisir leur dirigeant, mais seulement selon une liste préapprouvée de candidats pro-Pékin.

M. Lee affirme que le mouvement a créé une nouvelle génération de militants pour la démocratie.

«Ces jeunes gens, ayant été baptisés dans la démocratie, ont dans leur cœur le feu ardent de la démocratie et aucune main de fer ne pourra éteindre ce feu à l’avenir. Ça me donne un grand espoir», explique-t-il.

Les étudiants sont maintenant retournés à leurs classes, mais les manifestations pourraient éclater à nouveau si le régime chinois annonce – comme c’est prévu dans les prochains mois – les nouveaux règlements électoraux.

Le Canada a le devoir moral de faire entendre sa voix sur la situation de Hong Kong, estime M. Lee, puisque le Canada a appuyé la déclaration commune de Londres et Pékin de 1984 qui a ouvert la voie du retour de Hong Kong à la Chine.

Cette déclaration garantissait que Hong Kong ne serait pas soumis au système socialiste chinois. Elle stipulait également que la Loi fondamentale de Hong Kong (qui sert en quelque sorte de constitution) établirait les détails du mode de gouvernement de la ville.

«Le gouvernement canadien, sur qui la Chine a appliqué avec succès une pression pour qu’il appuie la déclaration commune, a certainement un devoir moral envers la population de Hong Kong quand les choses vont mal. Vous ne pouvez être accusé d’interférer dans les affaires intérieures de la Chine, puisque la Chine avait recherché un soutien international», affirme M. Lee.

La section 26 de la Loi fondamentale stipule que tout résident permanent de Hong Kong peut se présenter aux élections et voter. C’est l’une des clauses que Pékin s’apprête à abattre.

Moment décisif

La Chine est potentiellement à un moment décisif, estime M. Lee. Le dirigeant actuel, Xi Jinping, a amassé beaucoup de pouvoir en disposant de ses adversaires politiques. Cela signifie qu’il peut diriger la Chine à sa guise.

Xi a maintenant deux chemins devant lui et il doit choisir. Un chemin est celui des réformes qui amèneraient la Chine vers la primauté du droit et de la démocratie. L’autre est celui du pareil au même, où Xi agit comme un empereur et l’autocratie du régime demeure intacte.

Martin Lee affirme que le Canada aurait intérêt à pousser Xi vers des réformes authentiques.

«La Chine est maintenant la deuxième plus grande économie mondiale, mais comment pouvez-vous soutenir cela sans une structure politique correspondante? Comment donc? Après avoir tué tous les tigres corrompus, qu’allez-vous faire? Comment protégez-vous le pays de la corruption? Ça prend un système.»

M. Lee était accompagné par Gloria Fung du groupe Canada-Hong Kong Link. Elle affirme que le Canada a non seulement une raison morale de défendre Hong Kong, mais aussi une raison économique.

«Hong Kong est la ville asiatique la plus canadienne, avec 300 000 Canadiens et plus de 200 compagnies canadiennes qui y sont établis», souligne-t-elle.

«Sans la primauté du droit, la liberté et les libertés civiles, il n’y aura aucune garantie d’un environnement d’affaires équitable pour les entreprises canadiennes ou pour la sécurité des Canadiens à Hong Kong.»

Les Hongkongais élisent actuellement le tiers de l’assemblée, alors que le dirigeant est désigné par Pékin.

S’adressant aux journalistes après l’audience, Martin Lee a affirmé que défendre les intérêts canadiens est la meilleure manière de gagner le respect du régime chinois.

«Trop de gouvernements pensent que s’ils veulent faire affaire avec la Chine ils ne doivent pas la contredire ni discuter de questions controversées et sensibles.»

«En fait, mon expérience m’indique que cela est faux. Du moment que le gouvernement chinois considère qu’un certain gouvernement est dans sa poche, alors il peut tout simplement manquer de respect envers ce gouvernement», explique-t-il.

«Pékin peut lui offrir certaines occasions d’affaires, mais il n’obtiendra pas le gros contrat. Le gros contrat va aller à ceux qui n’ont pas encore plié l’échine.»

Version originale : China’s ‘Clumsy’ Diplomacy Gives Hong Kong Democracy Advocates a Boost: Canadian MP

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