« Las Vegas au Laos » : la criminalité au grand jour dans le Triangle d’or
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Le 8 avril 2015, le casino chinois Kings Romans à Ton Pheung, une zone économique spéciale située dans le nord-ouest du Laos, le long du Mékong, à la frontière avec la Thaïlande et le Myanmar.
Photo: CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP via Getty Images
Au milieu des rizières endormies du Laos, a poussé un casino en forme de fleur de lotus visible depuis la Thaïlande voisine, autour duquel s’est développée ce que les analystes décrivent comme une capitale de la cybercriminalité.
La zone économique spéciale du Triangle d’or (GTSEZ) regroupe un amas de constructions éclectiques, qui transportent le visiteur dans un dédale architectural évoquant à la fois la Grèce antique, les villes chinoises, l’Espagne et les parcs de loisirs.
Le 26 mai 2025, un ouvrier du bâtiment passe devant un chantier en cours le long du Mékong dans la province thaïlandaise de Chiang Rai, devant le casino Kings Romans (à g.) et des immeubles de grande hauteur (à dr.) dans la zone économique spéciale du Triangle d’or au Laos. (STR/AFP via Getty Images)
Des tours d’habitation en construction matérialisent les ambitions de cette ville nouvelle, où la plupart des transactions s’effectuent en yuan, des cigarettes aux bijoux de jade ou sacs Christian Dior de contrefaçon.
Le 26 mai 2025, le casino Kings Romans (à g.) et des immeubles de grande hauteur (à dr.) dans la zone économique spéciale du Triangle d’or au Laos, de l’autre côté du Mékong, depuis la province thaïlandaise de Chiang Rai. (STR/AFP via Getty Images)
Plaque tournante pour le trafic de drogues et le blanchiment d’argent
Présentée à son lancement en 2007 comme un projet de développement urbain consacré au tourisme et aux échanges, la GTSEZ fonctionne aujourd’hui comme « l’une des enclaves criminelles les plus grandes et visibles d’Asie du Sud-Est », a rapporté l’an dernier l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
La proximité avec la Birmanie et la Thaïlande a contribué à transformer le site en une plaque tournante pour le trafic de drogues et le blanchiment d’argent, qui génère des milliards de dollars par an pour les réseaux mafieux.
Les triades continuent de proliférer
En Asie du Sud-Est, Pékin a soutenu des opérations de police visant des centres d’escroqueries en ligne, qui emploient et ciblent principalement les Chinois. Mais les triades continuent de proliférer, en exploitant des lacunes dans la loi de même que l’intelligence artificielle, a signalé un rapport de l’ONUDC en avril.
Dans la ville de Van Pak Len, située dans la région laotienne de Bokeo (ouest), l’activité a évolué pour attirer des travailleurs du monde entier avec des salaires plus élevés que ceux qu’ils toucheraient chez eux, ont noté les experts.
Le 26 mai 2025, une vue générale des bâtiments architecturaux à thème chinois situés dans la zone économique spéciale du Triangle d’or, le long du Mékong, dans la province de Bokeo, au Laos. (STR/AFP via Getty Images)
La combinaison du sinistre et du bling-bling
« C’est la combinaison du sinistre et du bling-bling qui rend l’endroit si étrange », explique à l’AFP Richard Horsey, expert auprès de l’International Crisis Group.
Devant le casino Kings Romans, le joyau de la ville, trône une Rolls-Royce.
Le 26 mai 2025, une Rolls-Royce garée devant l’entrée principale du casino Kings Romans, dans la zone économique spéciale du Triangle d’or, le long du Mékong, dans la province de Bokeo, au Laos. (STR/AFP via Getty Images)
Une « impression d’opulence sous-tendue par la « sinistre réalité »
Il existe une « impression d’opulence, une sorte de Las Vegas au Laos », mais elle est sous-tendue par la « sinistre réalité » des travailleurs victimes de la traite des êtres humains, développe l’expert.
Le 26 mai 2025 des femmes passent devant les attractions touristiques Little Venice et Diamond Plaza dans la zone économique spéciale du Triangle d’or, le long du Mékong, dans la province de Bokeo, au Laos. (STR/AFP via Getty Images)
« Les Chinois sont pour la plupart propriétaires de commerces »
Des femmes et hommes originaires de plusieurs régions d’Asie traînent en pyjamas devant un temple chinois.
« Il y a des gens de plein de pays différents ici », lance un guide local. « Indiens, Philippins, Russes, et Africains. » « Les Chinois sont pour la plupart propriétaires de commerces », développe-t-il.
Trafics d’êtres humains, de drogues et de faune sauvage et prostitution des enfants
L’homme d’affaires à l’origine du casino Kings Romans s’appelle Zhao Wei, un Chinois réputé pour ses connexions avec le gouvernement laotien qui lui a remis des prix pour ses projets de développement.
En 2018, les États-Unis ont imposé des sanctions contre M. Zhao et trois de ses associés, en raison de leur implication présumée dans les trafics d’êtres humains, de drogues et de faune sauvage, ainsi que la prostitution des enfants. Le Royaume-Uni l’a aussi sanctionné en 2023.
Sous le contrôle de la Chine
Mais face à des réseaux aussi puissants, la Chine a renoncé à leur éradication totale, bien que des scandales autour de Chinois kidnappés pour travailler de force dans ce genre d’endroit aient récemment choqué l’opinion publique.
Pékin peut « prendre le téléphone » pour appeler Zhao Wei, et lui dire « ne fais pas ça, limite ça, ne cible pas des Chinois », estime Richard Horsey. Une telle influence « a plus de valeur », assure-t-il.
Arnaques en ligne
Les usines de cyberarnaques emploient environ 85.000 petites mains au Laos, a indiqué l’Institut américain pour la paix en 2024.
Des représentants de la GTSEZ et du casino Kings Romans n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
En 2023 puis en août 2024, les autorités chinoises et laotiennes ont arrêté des centaines de suspects lors de descentes dans la GTSEZ visant les opérations de cyberarnaques. Le gouvernement laotien a assuré en août dernier son engagement pour « éradiquer les arnaques en ligne » dans la région, a rapporté l’agence de presse nationale.
« La violence ne paie pas toujours »
Les trafics et les sévices dans la GTSEZ ont diminué à mesure que le modèle économique évoluait et s’agrandissait, explique M. Horsey.
« Si vous essayez de développer et de produire une grande entreprise, la violence ne paie pas toujours », développe-t-il.
Le 9 avril 2015 montre des employés du casino chinois Kings Romans assistant à une réunion d’information avant le début de leur service à Ton Pheung. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP via Getty Images)
« Il est préférable d’avoir des travailleurs motivés qui n’ont pas peur, qui ne regardent pas par-dessus leur épaule et qui sont libres de faire leur travail. »
