Le paradoxe des travailleurs pauvres en Chine

Par Yuan Bin
28 avril 2025 12:24 Mis à jour: 1 mai 2025 16:25

Le Parti communiste chinois (PCC) se trouve pris au piège d’un déséquilibre économique qu’il s’est lui-même infligé : une production excessive et une faible demande des consommateurs. Sous la surface se cache une contradiction plus profonde : une population exceptionnellement travailleuse mais dont les salaires sont dérisoires.

En 2023, la Chine était en tête du classement mondial de la valeur ajoutée manufacturière – une mesure clé de l’activité manufacturière – atteignant 4,8 billions de dollars. Cela représentait près de 29 % de la production mondiale et dépassait le total combiné des quatre plus grandes économies manufacturières suivantes : les États-Unis (17,2 %), le Japon (5,1 %), l’Allemagne (5,1 %) et l’Inde (2,8 %), selon les données de la Division des statistiques des Nations unies.

Ce niveau de productivité est imputable aux employés chinois, dont les journées de travail sont parmi les plus longues au monde. En 2024, les travailleurs chinois ont travaillé en moyenne 46,1 heures par semaine, contre 38 heures pour les travailleurs américains, selon l’Organisation internationale du travail. En Chine, l’expression « 996 » est devenue un raccourci bien connu pour désigner la culture du travail exténuant – de 9 heures à 21 heures, 6 jours par semaine – qui est particulièrement répandue dans les secteurs de la technologie et de l’industrie manufacturière.

Ces chiffres mettent en évidence une réalité indéniable : le peuple chinois n’est pas seulement travailleur – il est, d’après les statistiques, l’un des plus industrieux au monde. Pourtant, cet effort inlassable ne s’est pas traduit par un revenu proportionnel ou une sécurité économique.

En 2020, le Premier ministre de l’époque, Li Keqiang, a reconnu publiquement que 600 millions de Chinois, soit près de la moitié de la population, vivaient avec un revenu mensuel moyen d’à peine 1000 yuans (environ 120 euros).

Une étude réalisée en 2019 par l’Institut chinois pour la distribution des revenus de l’Université normale de Pékin a révélé que, parmi ces citoyens à faible revenu, 220 millions gagnaient moins de 500 yuans (environ 55 euros par mois), ce qui met en évidence la gravité de la pauvreté qui touche un segment important de la population.

Pendant ce temps, selon les dernières données officielles, les personnes âgées vivant dans les zones rurales reçoivent une pension moyenne de 123 yuans (environ 14 euros) par mois, ce qui est à peine suffisant pour couvrir les frais de subsistance les plus élémentaires.

Il est important de noter que la vague de touristes chinois affluant dans les magasins de luxe aux États-Unis et en Europe avant la pandémie de Covid-19 ne représentait qu’une petite fraction des 1,4 milliard d’habitants de la Chine ; même un petit pourcentage se chiffre en millions, et suffit à créer l’illusion que la plupart des citoyens chinois sont devenus riches.

Alors comment un pays qui génère le deuxième PIB mondial et dont les habitants sont parmi les plus travailleurs de la planète peut-il encore avoir près de la moitié de sa population qui vit dans la pauvreté ?

La réponse réside dans la répartition des richesses. Selon l’annuaire statistique de la Chine 2024, la masse salariale totale en 2023 était de 19,74 trillions de yuans (environ 2 trillions d’euros), répartis entre environ 740 millions de personnes employées. Cela représente un salaire annuel moyen d’environ 3644 dollars. La même année, le PIB de la Chine a atteint 129,43 billions de yuans (environ 14 billions de dollars), ce qui signifie que les salaires ne représentaient que 15,3 % du PIB, soit un niveau bien inférieur aux ratios observés dans les économies développées et plus proche des niveaux observés dans les pays africains à faible revenu.

Cette disparité frappante indique que la richesse générée par les travailleurs chinois ne leur revient pas. Au contraire, une part disproportionnée est absorbée par l’État.

Et où va cette richesse ?

Une part importante est dépensée à l’étranger sous forme d’aide étrangère.

Ces dépenses sont largement considérées comme une démarche stratégique visant à s’assurer le soutien diplomatique des pays du Sud, d’autant plus que le PCC est confronté à des critiques croissantes concernant ses violations des droits de l’homme et ses manquements aux normes internationales.

Les dépenses militaires constituent une autre destination majeure des fonds publics. La Chine dispose du deuxième budget de défense au monde, officiellement fixé à 1,78 trillion de yuans (environ 250 milliards d’euros) pour 2025. Toutefois, les analystes estiment que le chiffre réel pourrait être beaucoup plus élevé, entre 450 et 670 milliards de dollars. À titre de comparaison, le budget de la défense des États-Unis pour 2025 devrait atteindre environ 850 milliards de dollars. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est l’augmentation des dépenses de sécurité intérieure – appelées « maintien de la stabilité » dans le discours du PCC – qui ont déjà dépassé les dépenses militaires.

Selon une étude menée par l’Institut taïwanais de recherche sur la défense et la sécurité nationales, depuis 2009, la Chine a alloué des sommes considérables à la surveillance intérieure, à la censure, au maintien de l’ordre et au contrôle social, les dépenses consacrées à la « stabilité » dépassant systématiquement les budgets de la défense dans les années qui ont suivi.

Les coûts administratifs sont également gonflés, les dépenses bureaucratiques de la Chine étant parmi les plus élevées au monde.

Selon les données du Bureau national des statistiques de Chine, les employés du secteur public – y compris les fonctionnaires – représentaient environ 18 % de la main-d’œuvre en 2013, et ce chiffre est passé à 23 % en 2021. En d’autres termes, en 2021, près d’un salarié sur quatre en Chine tirait ses revenus de fonds publics. Il convient de noter que ces dernières années, la Chine a cessé de publier des données sur la taille de ses effectifs dans le secteur public, une décision qui, selon les analystes, vise à éviter de susciter l’inquiétude de l’opinion publique.

Dans le même temps, la corruption généralisée et l’accaparement des élites continuent de drainer les richesses publiques.

En résumé, alors que le peuple chinois est l’un des plus industrieux au monde et qu’il contribue à la deuxième économie mondiale, une grande partie de la richesse qu’il crée est détournée par le PCC, une entité qui ne génère elle-même aucune valeur économique. Ce déséquilibre fondamental est au cœur de l’écart persistant des revenus en Chine : environ 600 millions de citoyens vivent avec un revenu mensuel moyen inférieur à 140 dollars, et on estime à 220 millions le nombre de ceux qui vivent avec moins de 3 dollars par jour.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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