Les Farc ne sont pas encore morts

4 octobre 2017 11:45 Mis à jour: 4 octobre 2017 08:22

« Les Farc sont vivantes, la guerre continue ». Aldemar cale son fusil d’assaut M-16 sur ses genoux, réajuste sa casquette verte marquée « US Army » et lance des tirs de sommation. Dans cette zone de la jungle colombienne, la paix n’est toujours pas arrivée.

Depuis qu’il a refusé de participer au processus de paix visant à mettre fin au dernier conflit armé d’Amérique, Aldemar et les guérilleros sous ses ordres sont considérés comme des dissidents et recherchés par l’armée.

« (Nous, dans la) dissidence ? Nous n’avons rien changé à notre idéologie, nous restons des révolutionnaires qui cherchent le pouvoir pour le peuple par la voie politico-militaire », explique cet homme de 32 ans dans un entretien exclusif avec l’AFP, sous une pluie battante près du fleuve Inirida, dans le département de Guaviare (sud-est).

Sans presque jamais baisser les yeux, Aldemar, vêtu d’un jean et du maillot de la sélection colombienne de football, parle à un journaliste pour la première fois depuis qu’il est officiellement recherché, mais refuse de montrer son visage devant la caméra.

Avec lui, plusieurs centaines d’hommes n’ont pas déposé les armes et continuent de s’appeler les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), même si la guérilla est officiellement dissoute.

Ils sont une minorité: la plupart des membres de la rébellion marxiste, notamment 7.000 combattants, ont renoncé à la violence et tentent désormais de poursuivre leur combat au sein d’un parti de gauche, malgré les retards et difficultés d’application de l’accord de paix signé en novembre 2016.

La formation politique, baptisée Force alternative révolutionnaire commune, a exclu décembre les rebelles qui ne voulaient pas respecter l’accord.

« Ils nous ont trahis », fulmine Aldemar, en évoquant la direction de ce qui était la plus puissante et ancienne guérilla du continent américain. Mais « même si ce sont des traîtres, nous n’allons pas les attaquer, tant qu’ils ne deviennent pas des agents de l’État (…). Dans nos zones, nous les traiterons comme un parti de plus ».

Sous son commandement, des hommes et des femmes patrouillent, fusils en bandoulière, sur les rives du fleuve.

Selon les autorités, ces groupes armés « résiduels » se consacrent au narcotrafic, à l’activité minière illégale et au recrutement de jeunes.

Les cultivateurs de feuilles de coca, ingrédient de base de la cocaïne dont la Colombie est le premier producteur mondial, les reconnaissent comme membres des Farc, une autorité de facto qui régule le trafic de drogue mais aussi la vie sociale des habitants.

Dans la jungle du département du Guaviare, aucune trace de la paix : l’armée pourchasse les guérilleros, les paysans cultivant la coca se plaignent d’être abandonnés par l’État et le gouvernement, sous pression des États-Unis, tente d’en finir comme il peut avec les cultures illégales, qui occupaient 6.838 hectares dans cette zone en 2016 selon l’ONU.

« Nous sommes toujours les Farc, mais la stratégie (militaire) a changé, car les ‘amis’ (les guérilleros qui ont noué la paix, ndlr) nous connaissent », confie Aldemar d’un ton sarcastique.

Les dissidents sont accusés d’avoir perpétré au moins sept attaques ayant fait quatre morts et 18 blessés depuis un an. Dernières victimes en date: trois policiers, tués dans une embuscade samedi dernier.

L’un des dirigeants de cette frange rebelle, Euclides Mora, avait été abattu peu avant. « Rendez-vous, sinon ce qui vous attend, c’est la prison ou la tombe », a mis en garde le président Juan Manuel Santos.

Aldemar, lui, se targue d’un déluge de demandes pour entrer dans son front dissident et réaffirme les raisons de son refus de l’accord de paix.

« La remise des armes a été précipitée, avant même que l’accord soit mis en place, il reste des organisations paramilitaires, la doctrine militaire (anti-guérilla, ndlr) n’a pas changé et il n’y a pas eu de négociations avec les paysans cultivateurs de coca ».

Il ne donne aucun chiffre, mais sourit quand on lui demande de confirmer les estimations des autorités, qui parlent de 400 guérilleros encore en armes.

« Nous redeviendrons une armée », promet-il fièrement. « Nous sommes déjà présents à Guaviare, Guainia, Nariño, Vichada, Vaupés, Caqueta, Choco, Antioquia », certains des 32 départements de la Colombie.

Escorté de très près par un autre rebelle, lui aussi tête rasée et armé d’un fusil, Aldemar assure que la guérilla regagne peu à peu le contrôle du territoire. Selon lui, elle étudie actuellement une éventuelle reprise des enlèvements et la désignation de nouveaux dirigeants.

Mais ces dissidents sont-ils intéressés par des négociations ? « S’il y a un gouvernement qui nous donne des garanties d’une sortie négociée du conflit, sans renoncer aux armes avant, nous pouvons y penser. Mais ce ne sera pas avec ce gouvernement », qui devrait quitter le pouvoir en 2018.

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