Les « prix planchers » d’Emmanuel Macron ne convainquent pas au sommet de l’écosystème agricole

Par Epoch Times avec AFP
26 février 2024 12:50 Mis à jour: 26 février 2024 13:53

Au lendemain de l’engagement d’Emmanuel Macron de « déboucher » sur des « prix planchers » pour mieux rémunérer les agriculteurs français, le syndicat majoritaire et les coopératives se montrent très réservées, laissant présager un recalibrage de l’ambition présidentielle.

Samedi, au début de sa visite mouvementée du Salon de l’agriculture, le chef de l’État a formulé l’objectif « qu’on puisse déboucher » sur « des prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole ».

Ces « prix planchers », a-t-il esquissé, seront fondés sur des indicateurs déterminant ce que coûte à un agriculteur la production d’un kg de viande bovine ou mille litres de lait. « C’est la chose la plus engageante qu’on ait jamais faite, ce qu’on est en train de se dire », a vanté Emmanuel Macron. Il a ajouté qu’il s’agissait de rendre ces indicateurs « opposables » dans les négociations entre les acteurs de l’alimentation.

Dans le cadre des lois Egalim, censées protéger le revenu des agriculteurs, les organisations fédérant producteurs, industriels et distributeurs – aussi appelées interprofessions – doivent mettre au point un indicateur de coût de production qui fasse référence. Ces indicateurs ont des fortunes diverses.

Par exemple, l’interprofession Interbev publie un indicateur pour les producteurs d’agneaux, censé garantir que l’éleveur puisse se rémunérer à hauteur de deux Smic par mois : entre 9,61 et 11,49 euros le kg en 2022. Mais cette même interprofession ne communique pas d’indicateur pour la viande bovine.

La Confédération paysanne, classée à gauche, a immédiatement salué une mesure s’apparentant à sa revendication d’un prix minimum garanti. « Il faut qu’on m’explique les yeux dans les yeux comment on peut être contre ça », a déclaré la porte-parole de l’organisation, Laurence Marandola, samedi lors d’une conférence de presse.

Mais elle se dit « ultra vigilante » sur la manière dont va se traduire la parole présidentielle. La Confédération paysanne veut que ce prix plancher permette de couvrir non seulement les coûts de production mais aussi la protection sociale des agriculteurs (santé, retraites).

Un procédé soviétique ?

La France insoumise (LFI) y a aussi vu  un lien direct avec sa proposition visant à encadrer le prix d’achat des matières premières agricoles aux producteurs.

« Le truc de LFI, c’est (…) le gouvernement décide du prix du lait (…) ça c’est un truc du système soviétique », a rétorqué dimanche le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, sur CNews/Europe 1.

« On est pour le principe des prix planchers mais on attend de voir », dit de son côté à l’AFP Véronique Le Floc’h, à la tête de Coordination rurale, deuxième syndicat derrière l’alliance FNSEA/JA.

Le terme de « prix plancher » hérisse le patron du syndicat majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, par ailleurs président du conseil d’administration du géant des huiles Avril (Lesieur, notamment). « Ça laisse entendre qu’il y a une sorte de conférence annuelle ou trimestrielle où on dirait ‘‘la viande, elle vaut tant’’ », a-t-il déclaré samedi sur RTL et M6. « Je ne pense pas que le souhait du président, vu la politique économique qu’il a menée depuis le début, soit de soviétiser l’économie », a remarqué le responsable, qui a « demandé quelques éclairages ».

« Désolé », lui a rétorqué sur X Bruno Dufayet, l’ex-président de la fédération nationale bovine, association spécialisée de la FNSEA, « les éleveurs demandent un prix minimum à hauteur du coût de production rémunération comprise c’est donc bien un prix plancher. Il n’y a pas de sujet de soviétisation mais bien de revenu vital pour maintenir des éleveurs ».

Comment faire fonctionner des prix planchers ?

Les lois Egalim posent un problème en encadrant les ventes de produits alimentaires aux grandes surfaces mais pas aux autres débouchés (grossistes, supermarchés, restaurateurs, cantines, mais aussi l’export…) dans une économie « libérale, ouverte, mondialisée » où les acheteurs arbitrent en fonction du prix, rappelle Dominique Chargé, le patron de la fédération rassemblant 2100 coopératives agricoles, rassemblant 40% du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français.

« Je n’ai pas le mode d’emploi, je n’ai pas la baguette magique qui me permette de faire fonctionner des prix planchers », déclare à l’AFP M. Chargé, lui-même agriculteur en Loire-Atlantique. « Pour garantir des prix planchers », il faut être en mesure de les répercuter dans le prix de vente, « ou qu’une puissance publique vous garantisse de couvrir la différence », dit-il, estimant qu’il y a d’autres moyens de fournir des prix « très rémunérateurs » pour les agriculteurs à condition de coller aux besoins du marché.

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