L’état mental du copilote, une cause potentielle du crash de l’avion de la Chinese Eastern Airlines

3 avril 2022 15:56 Mis à jour: 3 avril 2022 15:56

Le crash de l’avion en Chine, qui aurait tué les 132 personnes à bord, a déconcerté les experts de l’aviation, qui se sont efforcés d’expliquer le piqué soudain du Boeing 737. Compte tenu de l’historique de Pékin en matière de transparence, Epoch Times a interrogé un pilote sino-américain ayant une grande expérience du Boeing 737. Celui-ci a donné un point de vue unique sur l’accident.

Gao Fei est un pilote sino-américain qui a 26 ans d’expérience de vol. Il possède une bonne connaissance du monde de l’aviation chinois. Il a piloté des avions Boeing en Chine et aux États-Unis, dont le même modèle que celui qui s’est écrasé.

M. Gao a exprimé des doutes importants quant à l’équipage. Selon lui, un des copilotes en détresse émotionnelle était potentiellement dangereux. M. Gao déclare avoir bien suivi les informations publiées par les autorités chinoises et pour des raisons inconnues, il semble que ce copilote avait été rétrogradé de son poste de contrôleur aérien.

C’est au 21 mars que l’Administration de l’aviation civile de Chine (CAAC) a confirmé qu’un vol MU5735 de la China Eastern Airlines transportant 132 personnes s’est écrasé à Wuzhou, dans le Guangxi (sud-est de la Chine). Cinq jours plus tard, le 26 mars, les autorités chinoises ont confirmé que les 123 passagers et les neuf membres d’équipage ont bel et bien été tués dans le crash. Les deux boîtes noires ont été récupérées les 23 et 27 mars respectivement, très endommagées.

Les boîtes noires (généralement peintes en orange pour être visibles) enregistrent les voix dans la cabine et les données de vol. Compte tenu de leur état, il n’était pas sûr que les boites noires allaient pouvoir jouer leur rôle.

Finalement, les données de vol ont révélé que l’avion a piqué à près de 8 000 mètres en l’espace d’environ 95 secondes, selon Flightradar24.

De nombreux experts de l’aviation ont qualifié l’accident d’étrange. Benjamin Berman, ancien enquêteur du National Transportation Safety Board (NTSB), a déclaré à Bloomberg News qu’il était encore trop tôt pour tirer une conclusion sur les causes du crash. Le 737-800, a-t-il ajouté, est conçu de manière à ne pas plonger à des angles aussi prononcés. De ce fait, il a conclu que l’accident avait été provoqué soit par un dysfonctionnement très inhabituel, soit par un effort sérieux du pilote.

Selon M. Gao et plusieurs experts, l’avion était bien entretenu et les conditions météorologiques étaient bonnes. Tout semblait normal. Seule la désignation de ce copilote parmi le personnel naviguant était problématique.

Selon les informations officielles mises à la disposition du public, Yang Hongda, le commandant de bord de l’avion, était âgé de 32 ans. Il avait 6 709 heures de vol à son actif, tandis que Zhang Zhengping, le copilote, était âgé de 59 ans. Il avait totalisé plus de 32 500 heures de vol. M. Zhang était également un capitaine cinq étoiles et avait reçu la médaille d’honneur des pilotes chinois.

M. Gao explique qu’il est vraiment étrange qu’un pilote de l’envergure de M. Zhang ait été désigné comme premier officier. Il avait effectué plus de 32 500 heures de vol et il avait travaillé pour la même compagnie toute sa vie. Enfin M. Yang avait été un de ses élèves.

Un vétéran du pilotage rétrogradé

En décembre 2018, CAAC News a publié un article sur la carrière de M. Zhang, le qualifiant de « vétéran du pilotage avec 40 ans d’expérience » et de « mentor pour les jeunes pilotes ». Selon l’article, M. Zhang était un des rares à posséder une si longue expérience au sein de la Chinese Eastern Airlines, il avait piloté quatre types d’avions différents.

Selon le site officiel de la compagnie aérienne, M. Zhang était un PVAD (pilote vérificateur agrée désigné) de la CAAC, un des postes les plus élevés qui puissent être attribués à un pilote. Cependant, toutes les informations concernant M. Zhang ont récemment été retirées du site.

Un ancien élève de M. Zhang, Li Ming, a déclaré pour l’hebdomadaire chinois Phoenix Weekly avoir été ébranlé et attristé en apprenant que M. Zhang était le copilote de l’équipage. Pour lui, du haut de ses 40 années d’expérience, M. Zhang était l’archétype du pilote expérimenté hautement décoré, et nombre de ses anciens élèves sont aujourd’hui les meilleurs de la profession.

D’après les souvenirs de M. Li, M. Zhang a occupé les postes de capitaine instructeur, de capitaine d’escadron et de contrôleur aérien.

« À part travailler pour la direction d’une compagnie aérienne, le poste le plus élevé d’un pilote pouvait être celui de pilote vérificateur agrée désigné de la CAAC. Cependant, d’une manière ou d’une autre, M. Zhang a été rétrogradé au rang de premier officier, perdant ainsi son statut prestigieux et voyant son salaire nettement réduit », explique M. Gao. Selon lui, M. Zhang était peut-être en proie à une détresse émotionnelle et de ce fait représentait un risque pour la compagnie en termes de sécurité.

Selon les chiffres officiels, le salaire annuel moyen d’un capitaine ou d’un contrôleur aérien en Chine est d’au moins 110 000 €, tandis que celui d’un copilote est d’environ 42 000 €, moins de la moitié.

Selon les déclarations pour Epoch Times d’un initié du secteur de l’aviation en Chine, M. Zhang était un pilote de longue date de l’ancienne compagnie appelée Yunnan Airlines, qui a ensuite été contrainte de fusionner avec China Eastern Airlines. Après la fusion, les anciens employés de Yunnan Airlines, dont M. Zhang, avaient des relations tendues avec la compagnie.

Conflits de toujours entre China Eastern Airlines et la branche du Yunnan

Selon un article publié en 2008 par le site d’information touristique chinois TravelDaily, les conflits entre China Eastern et Yunnan Airlines ont commencé dès leur fusion forcée par le gouvernement en 2002. Yunnan Airlines était une des compagnies aériennes les plus rentables de Chine, et ses pilotes étaient globalement bien traités. Mais les pilotes ont subi d’importantes réductions de salaire et un mauvais accueil après la fusion.

« [À cause du régime chinois,] Yunnan Airlines a dû fusionner de force avec China Eastern Airlines. La fusion d’une compagnie rentable avec une compagnie déficitaire était sans précédent. Cette mesure a entraîné un grand mécontentement parmi les employés de Yunnan », a déclaré un ancien employé de Yunnan Airlines à TravelDaily.

Du 31 mars au 1er avril 2008, pleins de ressentiments, les pilotes de l’ancienne Yunnan Airlines se sont mis à manifester. De nombreux pilotes refusaient d’atterrir aux endroits désignés, prétextant « le mauvais temps » et ramenant finalement les passagers à leur point de départ. Au bout du 21e vol refusant d’atterrir, la compagnie a décidé de prendre les devants en sanctionnant 13 pilotes et en clouant au sol un capitaine.

La détresse émotionnelle du pilote, une cause potentielle du crash

M. Gao estime que la rétrogradation d’un pilote décoré sans motif raisonnable a pu gravement affecter son état mental et poser un risque pour la sécurité. La plupart des compagnies aériennes prennent la santé mentale de leur personnel navigant très au sérieux. Ce type de rétrogradation est très inhabituel.

« Aux États-Unis, les pilotes peuvent facilement changer d’emploi, mais les changements d’emploi en Chine sont très limités et généralement assortis d’amendes énormes », poursuit M. Gao. « Dans le monde libre, avec les qualifications de Zhang, n’importe quelle compagnie aérienne lui aurait offert un salaire élevé. Mais je crains que, [dans son cas], il ait été difficile pour lui de pouvoir changer de poste. »

En novembre 2014, 42 compagnies aériennes chinoises ont signé la « Convention sur le flux ordonné des pilotes de ligne », un pacte stipulant que le taux de sortie des pilotes de chaque compagnie ne devait pas dépasser 1 %, limitant sérieusement le nombre de pilotes pouvant changer d’emploi. Par conséquent, les pilotes chinois qui demandent un changement d’emploi doivent généralement passer par un long processus assez couteux pour signaler des litiges et ils n’ont aucune garantie de succès.

Par exemple, en 2017, Ma Qiang (pseudonyme), un ancien pilote de la branche Yunnan a été poursuivi par la China Eastern Airlines pour un montant de 780 000 € en raison de sa demande de démission. En juin 2019, le tribunal a condamné M. Ma à dédommager China Eastern Airlines à hauteur de 550 000 €.

« Pour un pilote, toute détresse émotionnelle peut poser un risque pour la sécurité, en affectant sa concentration, ses réflexes et sa vitesse de réaction pendant le vol », souligne M. Gao.

Selon TravelDaily, les émotions des pilotes ont un impact important sur la sécurité aérienne. L’article suggère que c’est de la responsabilité de la compagnie aérienne de surveiller l’état mental des pilotes et de tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des vols.

Selon Li Jiaxiang, ancien directeur de l’Administration de l’aviation civile de Chine (CAAC), les pilotes ont un comportement professionnel caractéristique. Ils doivent être attentifs aux détails, faire preuve de calme, gérer de nombreux calculs. Les exigences de leur profession les rendent particulièrement vulnérables aux revers de leur vie personnelle, d’où la nécessité de les surveiller de près.

« L’état mental de l’équipage constitue un élément important dans ce type d’enquête. Je l’ai analysé en regardant le personnel navigant technique. J’espère que les autorités chinoises pourront divulguer les véritables résultats de l’enquête et fournir une explication raisonnable au lieu de dissimuler les faits », ajoute M. Gao.

« Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’explication officielle concernant la rétrogradation de M. Zhang. Nous ne savons pas pourquoi il se trouvait sur ce vol en tant que copilote. »

Au moment de la rédaction de cet article, China Eastern Airlines n’a pas encore répondu à une demande de commentaires de la part d’Epoch Times.

Joyce Liang a contribué à cet article.


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