L’histoire de deux destins juridiques : le plaidoyer de Hunter Biden et l’inculpation de Trump

ANALYSE

Par Lawrence Wilson
25 juin 2023 13:19 Mis à jour: 25 juin 2023 13:20

Beaucoup de présidents ont eu des membres de leur famille qui posaient problème.

Billy Carter, le frère de Jimmy Carter qui buvait de la bière et urinait en public, a été fiché comme agent du gouvernement lybien, ce qui a déclenché une enquête du Sénat.

Roger Clinton, le demi-frère de Bill Clinton, ex-détenu, a reçu le nom de code des services secrets « Headache » (mal de tête), sans doute en raison de ses frasques, comme le fait d’avoir accepté une Rolex de 50.000 dollars pour faire pression en faveur de la grâce de Rosario Gambino, un parrain du crime.

Il y a aussi Neil Bush, qui a fait l’objet d’une enquête, mais n’a pas été inculpé, pour son rôle dans l’effondrement d’un système d’épargne et de prêt d’un milliard de dollars pendant la présidence de son père, George HW Bush.

Lorsque George W. Bush était président, son frère Neil a conclu un accord de conseil avec une société de semi-conducteurs dirigée en partie par le fils de Jiang Zemin, alors secrétaire général du Parti communiste chinois et dirigeant suprême de la Chine.

Une différence significative dans l’affaire Hunter Biden est qu’elle se déroule concomitamment avec les accusations fédérales contre l’ancien président Donald Trump.

L’ancien président Donald Trump comparaît devant le tribunal pénal de Manhattan à New York le 4 avril 2023. (Steven Hirsch/AFP via Getty Images)

Les crimes présumés de Hunter Biden seront réglés par un plaidoyer de culpabilité pour deux délits de fraude fiscale entraînant une probation, ainsi qu’une accusation de port d’armes qui pourrait être rejetée dans le cadre d’un programme de déjudiciarisation.

Pendant ce temps, Trump – l’adversaire politique de Joe Biden en 2020 et possible candidat à l’élection présidentielle de 2024 – fait face à 37 chefs d’accusation liés au traitement de documents classifiés.

Le fait que l’accord de plaidoyer du fils Biden ait été annoncé à peine une semaine après l’inculpation de Donald Trump par un tribunal fédéral ne fait qu’accentuer le contraste.

Les critiques voient dans ces affaires la preuve évidente qu’il existe deux poids, deux mesures dans le système judiciaire américain. Pour les détenteurs du pouvoir, les méfaits et même les infractions pénales, sont passés sous silence par les autorités. Dans le même temps, le système est utilisé comme une massue pour embarrasser, harceler, voire emprisonner ceux qui s’opposent aux puissants.

Les défenseurs de Biden soulignent que les faits dans chaque cas et la gravité des infractions présumées sont extrêmement différents, et que le procureur qui a proposé l’accord a été nommé par Trump et maintenu dans ses fonctions par Biden pour éviter tout soupçon d’ingérence.

Peu importe. La perception d’un double standard pourrait avoir un impact sur l’élection présidentielle de 2024 et, selon les experts, suscitera quasi certainement une plus grande méfiance à l’égard du ministère de la Justice (DOJ), et éventuellement des changements à l’avenir.

Les républicains s’enflamment

Les dirigeants républicains ont réagi immédiatement après l’annonce de l’accord de plaidoyer de Hunter Biden le 20 juin en affirmant que l’accord prouve l’existence d’un « système de justice à deux vitesses » en Amérique, le genre que l’on ne voit généralement que dans les pays notoirement corrompus.

« Comme des dizaines de millions d’Américains, je m’inquiète (…) de l’existence d’un système judiciaire à deux vitesses, avec un ensemble de règles pour les républicains et un autre pour les démocrates », a déclaré l’ancien vice-président Mike Pence lors d’une interview télévisée le 20 juin.

« Un accord ‘en douceur’ pour Hunter [et Joe], alors qu’ils poursuivent leur quête pour ‘avoir’ Trump, l’adversaire politique de Joe. Nous sommes désormais un pays du tiers-monde ! » a écrit Trump dans un message publié le 20 juin sur les réseaux sociaux.

Tulsi Gabbard, l’ancienne députée d’Hawaï qui a quitté le parti démocrate en 2022, est allée plus loin.

« Chaque république bananière ou dictature dispose d’un système judiciaire à deux niveaux. Les ‘branchés’ comme Hunter Biden, se font taper sur les doigts tandis que les dictateurs utilisent les forces de l’ordre fédérales et les institutions gouvernementales comme leur propre escouade de gorilles pour s’en prendre à leurs opposants politiques », a écrit Mme Gabbard sur Twitter le 21 juin.

Selon les analystes, cette idée, qu’elle soit exacte ou non, devrait animer la rhétorique républicaine pendant un certain temps.

« Les candidats républicains vont probablement s’en donner à cœur joie », a affirmé Matt Shoemaker, analyste gouvernemental et ancien officier de renseignement de la marine, à Epoch Times.

« Il est probable que les candidats républicains de tout le pays en parleront pendant la campagne électorale. »

L’ancien vice-président Mike Pence s’exprime à Las Vegas, Nevada, le 19 novembre 2022. (Wade Vandervort/AFP via Getty Images)

Malgré les sermons, l’impact le plus probable de l’accord Biden sur l’élection est une aubaine de collecte de fonds pour les républicains, selon certains experts.

Lorsqu’on lui a demandé si l’accord de plaidoyer de Hunter Biden nuirait aux chances de réélection du président, le chef de la minorité à la Chambre, Hakeem Jeffries (Parti démocrate – New York) s’est contenté de répondre « Non » à Epoch Times.

Hakeem Jeffries a inversé le narratif, affirmant que la tentative républicaine de destituer Biden se retournerait probablement contre lui. « Tout ce que cela fera, c’est souligner qu’ils n’ont aucun plan, aucune vision, aucun programme », a-t-il indiqué.

La députée Diana Harshbarger (Parti républicain –Tennessee), qui est convaincue que l’accord de plaidoyer démontre un double système de justice, est moins certaine que cela changera les mentalités. « Eh bien, vous savez, c’est à voir. Je ne peux pas prédire l’avenir », a-t-elle déclaré à Epoch Times.

« Il n’y a absolument aucune incidence de l’accord de Hunter Biden sur la campagne présidentielle de 2024 parce que seuls les républicains MAGA s’intéressent à Hunter ou à ses crimes », a expliqué l’analyste politique Andrew Lieb à Epoch Times.

Les démocrates et les indépendants sont indifférents à la question, a-t-il ajouté. La véritable valeur de l’accord réside dans la collecte de fonds.

« Seuls les républicains s’intéressent à cet accord, qui ne peut donc être utilisé que comme un sujet de discussion pour stimuler leur base et collecter des fonds », a affirmé M. Lieb.

En effet, Trump a récolté plus de 6,6 millions de dollars à la suite de son inculpation pour des charges fédérales, selon un mail de campagne adressé le 14 juin à ses partisans.

Des soupçons confirmés

L’effet le plus immédiat de l’accord de plaidoyer, juxtaposé à l’inculpation de M. Trump, est qu’il tend à confirmer la croyance largement répandue selon laquelle il existe réellement deux niveaux de justice en Amérique.

Cette perception existe dans tout le spectre politique, selon Marie Eisenstein, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Indiana, spécialisée dans la confiance sociale et son impact sur les élections.

Une femme se tient debout avec une pancarte sur laquelle on peut lire « No Justice No Peace » (« Pas de justice, pas de paix ») lors d’une manifestation à St. Paul, Minn. le 24 juin 2020. (Brandon Bell/Getty Images)

« Dans ce pays, on a l’impression d’avoir un système judiciaire à deux vitesses, et que l’orthodoxie acceptée – quel que soit le sujet – se trouve être plus à gauche du centre qu’à droite du centre », a déclaré Marie Eisenstein à Epoch Times.

« Et si vous allez à l’encontre de cela, vous êtes beaucoup plus susceptible d’être traité durement sur le plan politique, dans les médias et éventuellement sur le plan juridique », a-t-elle ajouté.

« Le niveau de confiance dans ce pays n’a jamais été aussi bas… Nous avons moins confiance les uns dans les autres, nous faisons moins confiance à notre gouvernement que nous ne l’avons jamais été. Et je pense que cela est dû en partie au fait que nous ne pensons pas avoir le même poids sur la balance de la justice », a-t-elle expliqué.

Cette perception dépasse les frontières politiques et sociales, selon Mme Eisenstein. Elle souligne que de nombreux Noirs américains, qui ont tendance à être politiquement libéraux, voient des inégalités dans le système judiciaire, et que de nombreux chrétiens blancs conservateurs font de même.

« Ils l’appliquent tous à des questions différentes, mais c’est la perception que l’on en a », a déclaré Mme Eisenstein.

Réparer le système

L’effet à plus long terme de l’accord de plaidoyer de Biden et de l’acte d’accusation de Trump pourrait se faire sentir davantage au DOJ et au FBI que dans les urnes.

Sur la base de ces affaires et du manque de confiance général dans le système judiciaire américain, certains candidats ont promis de prendre des mesures correctives s’ils étaient élus.

« Si j’ai le privilège de retourner à la Maison-Blanche, je vous promets que nous ferons le ménage à tous les niveaux du ministère de la Justice et du FBI », a déclaré l’ancien candidat Pence lors d’une interview télévisée le 20 juin.

« Nous allons réunir un groupe d’hommes et de femmes intègres, respectés des deux bords pour leur dévouement à l’égalité de traitement devant la loi. »

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, a pris un engagement similaire juste après avoir annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2024.

« Je ne garderais pas Chris Wray comme directeur du FBI. Il y en aurait un nouveau dès le premier jour », a-t-il affirmé lors d’une interview télévisée le 24 mai.

« Je pense que le DOJ et le FBI se sont égarés. Je pense qu’ils ont été instrumentalisés contre les Américains qui pensent comme vous et moi, et je pense qu’ils sont devenus très partisans. Cela s’explique en partie par le fait que les présidents républicains ont accepté l’argument selon lequel le DOJ et le FBI sont indépendants », a expliqué M. DeSantis.

Le siège du Bureau Fédéral d’Investigation (FBI) à Washington, le 11 juillet 2018. (Samira Bouaou/ Epoch Times)

« Ce ne sont pas des agences indépendantes. Elles font partie du pouvoir exécutif. Elles répondent devant le président élu des États-Unis. »

Le conseiller spécial John Durham, qui a récemment publié un rapport sur son examen de la gestion par le FBI de l’enquête Trump-Russie de 2016, a déclaré qu’il devrait y avoir des changements de règles au FBI afin que les agents soient licenciés lorsqu’ils mentent dans l’objectif d’abuser des pouvoirs d’espionnage du gouvernement dans le cadre d’enquêtes.

Pourtant, tout cela pourrait être plus facile à dire qu’à faire.

La décision revient au peuple

« La vraie difficulté, à mon avis, est d’essayer de comprendre comment rendre les gens responsables de leur conduite. Ce n’est pas un problème simple à résoudre », a indiqué M. Durham devant le comité judiciaire de la Chambre des représentants le 21 juin.

Les tentatives précédentes d’exercer un contrôle direct sur le DOJ et le FBI ont souvent eu l’effet inverse, les faisant apparaître davantage partisans.

En 1973, au plus fort de l’enquête sur l’effraction et la dissimulation du Watergate, le président Richard Nixon a ordonné le renvoi du procureur spécial Archibald Cox, qui avait délivré une citation à comparaître pour obtenir les enregistrements des conversations du Bureau ovale.

Trump lui-même a été accusé d’ingérence politique au sein du FBI en renvoyant le directeur James Comey en 2017, apparemment en raison de sa gestion de l’enquête sur l’ingérence présumée de la Russie dans l’élection de 2016 et de sa collusion avec la campagne de Trump.

En fin de compte, c’est au peuple américain qu’il revient de garantir l’égalité de la justice, selon Diana Harshbarger. Faisant référence à l’accord de plaidoyer de Hunter Biden, elle a déclaré : « Ils ne feraient pas cela pour vous et votre famille. Ils ne le feraient pas pour moi et ma famille. »

« Le peuple américain doit examiner ses choix et ses options et se demander si cela sera bénéfique pour son avenir. »

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