Sicile: le mouvement populiste mise sur l’écœurement des électeurs face à la corruption

3 novembre 2017 08:36 Mis à jour: 3 novembre 2017 08:38

Les constructions abusives qui dominent la plage de Bagheria, près de Palerme, offrent une vue imprenable, mais elles sont aussi l’enjeu d’une formidable lutte politique autour de la corruption, thème central de la campagne électorale en Sicile, avant celle à venir dans le reste de l’Italie.

L’île méditerranéenne vote dimanche à l’occasion d’un scrutin que beaucoup en Italie considèrent comme une sorte de répétition générale avant les élections législatives début 2018. Seule différence, en Sicile, les populistes du Mouvement Cinq étoiles (M5S) sont au coude-à-coude avec la droite emmenée par l’ex-chef du gouvernement Silvio Berlusconi, assez loin devant le Parti démocrate (PD, centre-gauche) emmené par l’ancien chef du gouvernement Matteo Renzi, qui pèse bien davantage au niveau national.

En attendant 2018, le M5S compte bien gagner en Sicile sa première région en jouant la carte de l’honnêteté face aux partis traditionnels tous plus ou moins englués dans des affaires de corruption; une stratégie qui lui a permis de faire une entrée fracassante au Parlement en 2013.

C’est en tout cas ce que Patrizio Cinque, le maire Cinq Étoiles de Bagheria, essaie de faire dans sa ville, véritable concentré des problèmes de la Sicile entre mafia, constructions illégales et gestion des déchets.

La police y a arrêté cette semaine quelque 16 personnes, dont un boss mafieux ayant ordonné l’exécution de sa propre fille, coupable d’avoir fréquenté un policier.

Mais l’enjeu à Bagheria, comme dans le reste de l’île, n’est pas tant le problème des « vendettas » (vengeances) de Cosa Nostra, que celui de savoir si la mafia sicilienne, surnommée aussi « la pieuvre » a le contrôle de ces élections régionales, comme cela a été le cas tant de fois dans le passé de l’île.

Et rien ne semble prouver que les choses ont fondamentalement changé.

En Sicile, « je pense que la présence de la mafia dans la sphère politique est plus importante que jamais », explique ainsi à l’AFP Ambrogio Cartosio, procureur en Sicile, qui combat la mafia depuis quelque 35 ans.

 Des candidats douteux

Cette élection, comme les précédentes, a son lot de candidats « douteux », toutes tendances politiques confondues, surnommés ainsi pour leur lien supposé avec la mafia.

Nello Musumeci, candidat pour le parti de droite de Silvio Berlusconi, Forza Italia, s’efforce ainsi tant bien que mal de prendre ses distances avec certains de ses collègues candidats, dont un en particulier accusé de pas moins de 22 délits.

Silvio Berlusconi lui-même est au centre d’une enquête ouverte cette semaine après des accusations le reliant à une campagne d’attentats perpétrés par la mafia sicilienne en 1993.

Le M5S, et son candidat Giancarlo Cancelleri, ont donc logiquement joué à fond la carte de l’honnêteté face à la corruption mafieuse, en réclamant par exemple l’implication de l’OCDE dans la surveillance du scrutin, après que la commission parlementaire anti-mafia a déclaré qu’elle ne pouvait garantir la « pureté » des listes de candidats à ces élections.

Le danger d’élections corrompues est bien réel: près de deux millions d’Italiens se sont vus offrir de l’argent ou des faveurs en faveur de leur vote au moins une fois dans leur vie, a révélé en octobre l’agence nationale des statistiques, l’Istat.

Pour en finir avec ce système, le M5S a promis un arsenal juridique extrêmement dur contre la corruption, mais sur le terrain les choses sont plus compliquées.

Le maire de Bagheria, qui a promis de démolir en premier les constructions abusives associées à la mafia parmi les 8.000 répertoriées dans sa ville, est lui-même l’objet d’une enquête pour abus de pouvoir et détournement de fonds, autant d’accusations qu’il nie.

Patrizio Cinque, 32 ans, est persuadé que l’ouverture d’une enquête à son encontre est surtout destinée à ternir la réputation du M5S peu avant le scrutin.

Mais en Sicile comme dans le reste de l’Italie, le mouvement populiste et anti-système est persuadé que l’écœurement des Italiens face à une classe politique jugée inefficace ou corrompue lui permettra de l’emporter.

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