Dans l’Atlantique sud, la traque au « matériel fantôme » qui décime la faune marine

Par Epochtimes.fr avec AFP
6 novembre 2019 06:48 Mis à jour: 6 novembre 2019 06:57

Pascal Van Erp le redoutait, il ne s’est pas trompé. De sa plongée dans les eaux froides de l’Atlantique sud, à 1.600 km au nord-ouest de la ville sud-africaine du Cap, il a ramené à la surface un piège à homards noirci par les algues.

Dûment répertoriée, la petite cage de plastique vert va rejoindre la longue liste des pièces à conviction du procès de la pollution des océans instruit contre la pêche industrielle.

« On est à un millier de milles des côtes de l’Afrique du Sud et on y trouve quand même du matériel de pêche abandonné », fulmine l’océanologue Thilo Maack, de Greenpeace. « Dans un endroit aussi isolé,  c’est vraiment dégoûtant ».

A bord d’un des navires de l’ONG, le Arctic Sunrise, lui et son équipe patrouillent autour du Mont Vema, une montagne sous-marine dont le sommet affleure à une vingtaine de mètres de la surface, pour y documenter l’ampleur de la pollution.

640.000 tonnes de matériel de pêche abandonnées chaque année en mer

Des millions de filets, de lignes ou de cages en tous genres flottent dans les océans de la planète. Perdus ou simplement jetés par les entreprises de pêche.

Les Nations unies estiment que 640.000 tonnes de matériel de pêche sont abandonnées chaque année comme autant de déchets au fond de l’eau. Le poids de 50.000 bus à impériale, insiste Greenpeace, jamais à court de comparaisons saisissantes.

Dans un rapport publié en 2009, le Programme de l’ONU pour l’environnement (PNUE) et son organisation pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) ont évalué à 10% la part des matières plastiques issues de la pêche qui polluent les mers.

-Illustration- Un homme vide un sac livré par un canoéiste qui a ramassé les sacs de plastique et autres déchets ramassés par des plongeurs de la baie lors d’une campagne de « nettoyage » de l’océan au large de la capitale, Dakar, le 15 septembre 2019. Photo SEYLLOU / AFP via Getty Images.

Ces équipements, continuent à capturer poissons et crustacés etc.

« Le matériel de pêche constitue plus de 85% des déchets plastiques retrouvés sur les fonds ou les reliefs sous-marins », a renchéri Greenpeace dans un rapport publié mercredi.

Même abandonnés, ces équipements, non biodégradables, continuent à capturer poissons et crustacés et menacent même les grands mammifères comme les dauphins.

Thilo Maack les range dans la catégorie du « matériel fantôme » car, dit-il, « tels des zombies tapis au fond de l’eau, ils continuent à capturer (des poissons), même si personne ensuite ne se préoccupe du produit de ces captures ».

L’an dernier, plus de 300 spécimens d’une espèce menacée de tortues ont ainsi été retrouvés morts au large du Mexique, prisonniers d’un filet de pêche apparemment oublié.

600 ans avant de commencer à se désintégrer en petites particules

Selon l’ONG World Animal Protection basée au Royaume-Uni, ces filets abandonnés tuent chaque année 100.000 baleines, dauphins, otaries, phoques et tortues.

« C’est un énorme problème car ils sont conçus pour capturer et tuer la faune marine et continuent à le faire tant qu’ils restent au fond », souligne Bukelwa Nzimande, de Greenpeace.

A cause de sa solidité et de sa longévité, le plastique est l’un des matériaux privilégiés de l’industrie de la pêche.

Il faut attendre au moins 600 ans avant qu’il ne commence à se désintégrer en petites particules qui sont d’abord ingérées par les poissons, avant de l’être par les humains qui les consomment à leur table.

Au terme d’une semaine de plongées, l’équipage de l’Arctic Sunrise n’a mis la main que sur un seul piège à homards.

Les plus optimistes veulent y voir l’effet du moratoire sur la pêche autour du Mont Vema imposé en 2007 par l’Organisation régionale chargée des questions de pêche pour le sud-est de l’Atlantique (SEAFO).

64% des océans échappent à la souveraineté des pays

Mais ce type d’institutions ne couvre encore que 1% de la surface des océans de la planète, laissant leur quasi-totalité sans protection, à la merci de la pêche illégale.

Depuis des années, les ONG pressent l’ONU de mettre en place un système de gouvernance en mesure d’y protéger, à terme, la faune et la flore marines. A ce jour, 64% des océans échappent à la souveraineté des pays.

 

Un tel système pourrait notamment contraindre les entreprises de pêche à récupérer leur matériel, voire leur imposer des pénalités financières en cas d’oubli.

En attendant, plusieurs ONG ont déjà entamé leur propre chasse à cette forme de pollution marine.

« Partout où il y a une mer ou un océan, on en trouve (du matériel fantôme) », regrette Pascal Van Erp, fondateur d’une association précisément baptisée Ghost Fishing, établie aux Pays-Bas, qui nettoie les fonds marins depuis 2012.

« Nettoyer le matériel abandonné me motive au plus haut point, quand j’en trouve je suis sincèrement heureux », ajoute le plongeur en remontant sur le Arctic Sunrise, combinaison ruisselante. « Sinon, il continue à fonctionner », insiste-t-il, « comme une sorte de machine de mort ».

 

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