Dans le marécage des relations franco-chinoises: l’infiltration du régime chinois en France

Par Aurelien Girard
1 octobre 2020 10:23 Mis à jour: 13 septembre 2021 17:28

Quelques mois avant que le virus de Wuhan ne mette la vie de tous entre parenthèses et prépare, en plus du million de morts dans le monde, des centaines de milliers de pertes d’emplois en France, le sujet de la Chine était à l’agenda de l’Assemblée nationale française, à travers les questions posées par la révision de la loi de bioéthique. Dans celles-ci ressortait, saillante, la question des prélèvements forcés d’organes en Chine et de la possible responsabilité de la France : premièrement, a-t-elle oui ou non été associée, à travers des dizaines de partenariats hospitaliers, à la formation des chirurgiens chinois qui aujourd’hui tuent des prisonniers de conscience et s’enrichissent en vendant leurs organes à de riches demandeurs venus du monde entier ? Deuxièmement, ferme-t-elle les yeux sur le voyage en Chine de malades français qui iraient y acheter à prix d’or un organe, en provoquant la mort d’un ou d’une innocente ?

Les deux questions méritaient d’être posées et la clarté d’être faite. Pour le premier point, il eut suffi de corréler les programmes de formation de chirurgiens chinois des 20 dernières années – tous bien précisément archivés dans les registres du ministère de la Santé – et les lieux où, aujourd’hui en Chine, on assassine à tour de bras. Pour le second, d’appliquer la loi existante, qui exige une traçabilité totale du devenir des demandeurs d’organes, et expliquer alors pourquoi et comment plusieurs centaines d’entre eux disparaissent chaque année des listes d’attente des dons d’organes en France.

Pourtant, et malgré une trentaine de propositions déposées par autant de députés et soutenues par un grand nombre de leurs collègues, le gouvernement a bloqué toute évolution de la loi de bioéthique sur ces points. « On ne veut pas savoir », semble-t-il dire. Ou bien on sait déjà.

Sous la pression de tribunes publiées par des parlementaires dans de grands quotidiens nationaux, il – le gouvernement – a fini par lâcher du lest en annonçant qu’il signerait la Convention dite de Compostelle. Cette convention du Conseil de l’Europe pénalise le trafic d’organes humains et les complicités dans celui-ci. On n’aurait pu imaginer, pour un pays comme la France, de signature plus aisément acceptée. Et pourtant, le ministère de la Santé comme celui de la Recherche – et derrière eux bien sûr l’Élysée – ont freiné des quatre fers, pour finalement n’accepter un texte que si profondément modifié qu’il en est devenu inapplicable. La France n’étant pas un pays ciblé par cette Convention, pourquoi tant d’efforts pour bloquer un texte qui n’aurait dû gêner que le régime chinois ?

Des liens d’intérêts haut placés dans le gouvernement français ?

La complaisance française vis-à-vis de la Chine a été une nouvelle fois, et vivement, illustrée sur la période mars-avril 2020 : alors que les masques manquaient déjà sur le territoire et dans les hôpitaux, l’exécutif français gardait un silence de plomb. Il n’y avait plus de matériel de protection des soignants en France alors que, le 17 février, la France avait expédié – solidarité internationale légitime – 17 tonnes de matériel médical en soutien à la Chine. Un mois et demi plus tard, Pékin refusait d’appliquer la réciproque et engageait ce que certains ont pudiquement appelé « la diplomatie des masques ». Des diplomates américains de haut rang croyaient alors savoir que Pékin exigeait de Paris qu’un accord de fourniture d’équipements de 5G soit passé avec Huawei avant de débloquer les autorisations d’export de masques chirurgicaux. Si ce point n’a pas pu être confirmé par d’autres sources, il est par contre établi que des entreprises internationales de matériel médical basées en Chine avaient à cette période déjà produit des centaines de millions de masques, mais n’étaient pas autorisées à les expédier en absence d’accord du gouvernement chinois.

Ce qui aurait dû être un scandale international a été totalement passé sous silence et n’a jamais été abordé publiquement ni par l’Élysée, ni par le ministre de la Santé Olivier Véran. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’influence du conseiller de M. Véran chargé de la question du Covid-19, Antoine Tesnière. Celui-ci, sans que personne en soit choqué, cumule sa fonction au ministère avec celle de directeur général d’ILumens, une plateforme de formation médicale qui a pour grand client…. le gouvernement chinois. Il co-pilote par ailleurs la « France China Foundation ».

« Mais qu’est-ce qui nous retient ? Pourquoi même de simples déclarations sur les valeurs de l’UE sont-elles retardées, édulcorées ou prises en otage pour d’autres motifs ? », s’indignait Ursula von der Leyen, la cheffe de l’exécutif européen, lors de son discours sur l’État de l’Union à la mi-septembre 2020. Mme von der Leyen a eu la délicatesse de ne pas préciser ce que tous constatent à Bruxelles : la France est devenue au niveau européen, avec dans une moindre mesure l’Italie, le pays des « petits mouchoirs » posés sur des arrangements inavouables avec le régime chinois.

Comment expliquer que, lors de sa récente tournée européenne, le ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, ait été reçu par le président de la République ? Le rôle de Wang dans l’appareil d’État chinois étant, malgré son titre, au mieux subalterne, quelques parlementaires ont demandé aux conseillers du Président les raisons de ce traitement de faveur, alors que la visite visait essentiellement à vendre la 5G de Huawei et éteindre les critiques sur l’annexion forcée de Hong Kong. Ils se sont fait vertement réprimander pour ces interrogations tout à fait inappropriées.

Dans notre navigation de ces eaux troubles, dès que la main écarte une touffe de roseaux du marécage des relations franco-chinoises, apparaît une autre figure de l’ombre. Voici donc qu’apparait le conseiller diplomatique d’Édouard Philippe à Matignon, Emmanuel Lenain, qui a cumulé sa fonction au service théoriquement exclusif de la nation à une position de cofondateur de la « France China Foundation », riche instrument du lobbying pro-chinois.

Lire aussi : La France China Foundation, outil d’ingérence plaqué or ?

« Quand Édouard Philippe s’est rendu en Chine en juin 2018, il était accompagné de nombreux membres de la France China Foundation. On peut se demander si Emmanuel Lenain ne met pas à profit sa position auprès d’Édouard Philippe pour en faire bénéficier sa fondation», s’interrogeait un diplomate interviewé par Antoine Izambard dans l’ouvrage France-Chine, les liaisons dangereuses.

Continuons avec Bruno Le Roux, ex-président du groupe d’amitié France-Chine à l’Assemblée nationale et à la tête de deux entreprises dont le premier marché est la Chine. Son successeur, Buon Tan, possède également des intérêts privés en Chine. Comment concilient-ils une fonction au service exclusif du peuple français et des intérêts personnels si évidemment biaisés en faveur d’une puissance étrangère ?  Et que dire de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui accumule depuis 15 ans les missions au service du gouvernement chinois, jusqu’à être utilisé par la propagande du Parti communiste pour louer les actions de celui-ci et sa façon de gérer les problèmes sociaux ? Le journaliste Antoine Izambard rappelle que ces casquettes multiples inquiètent les services secrets français. Selon le magazine Valeurs actuelles, elles ont attiré l’attention de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure : « On est ici confronté à ce que l’on appelle les agents d’influence », observe un ex-ponte du contre-espionnage français dans le livre France-Chine, les liaisons dangereuses. « Dans ce cas précis, on peut être amené à se demander si l’intérêt de la France l’emporte sur ceux de l’individu ou du pays tiers. »

Le serpent de mer des instituts Confucius

Parmi les innombrables outils de soft power chinois utilisant le cheval de Troie des échanges culturels pour créer des réseaux d’influence et de corruption, les instituts Confucius occupent un place à part.

«L’institut Confucius est une nouvelle cause. Après dix ans de développement rapide, nous avons ouvert 1500 instituts Confucius et classes Confucius dans plus de 130 pays », expliquait en 2016 Ma Jianfei, secrétaire général du Parti communiste du Hanban, le ministère de l’Éducation chinois, continuant ensuite : « Nous avons planté des drapeaux rouges partout dans le monde. »

Qiu Xiaoyun, Directeur de recherche sur l’sprit révolutionnaire de l’École normale du Sud de la province de Jiangxi et formateur d’enseignants des instituts Confucius, continuait en août 2018 en rappelant la mission des instituts Confucius : « Il faut intégrer l’ADN rouge dans le sang et le transmettre de génération en génération. […] Cela relève de notre responsabilité en tant qu’enseignants. »

Il reste aujourd’hui 520 instituts Confucius actifs dans le monde, beaucoup ayant été forcés de fermer pour incompatibilité avec les valeurs d’ouverture de l’enseignement occidental. Dans les universités nord-américaines, plusieurs décisions de justice leur ont été défavorables du fait de leur agenda plus proche de la propagande que de l’échange culturel : sur le Tibet, sur Taiwan, sur le Xinjiang, sur le mouvement Falun Gong, seule la position officielle de Pékin y peut être transmise, soit une vision étriquée de ce qu’est la culture chinoise.

Pourtant, sous le noble couvert d’apprentissage de la langue chinoise, 17 instituts Confucius ont récemment ouvert en France. Parmi les derniers en date, celui de Pau, en septembre 2019, une volonté affirmée du maire de la ville, François Bayrou : « Nous avons plaidé notre cause auprès des autorités chinoises et nous sommes allés en Chine », expliquait celui-ci dans nos colonnes. Un an après, M. Bayrou a été promu Commissaire au Plan et donc chargé de programmer la France des trente prochaines années. Avec ou sans biais pro-chinois ?

Espions à gogo et nids d’hirondelles

C’est ce même goût de la stratégie et de la programmation nationale qui fait que 40% des investissements français en Chine ont été centrés sur la ville de Wuhan, plaçant la France en première ligne de la contamination par le Covid-19 du fait de sa longue hésitation à fermer les lignes aériennes ce début d’année car, n’allait-on pas froisser Pékin ? Parmi ces grands groupes industriels français implantés à Wuhan, l’équipementier aéronautique Safran, immédiatement scruté par le régime chinois. Las, la collaboration entre le FBI américain et la DGSI française a heureusement permis de détecter un espionnage massif, à la fois par piratage informatique et par des agents chinois infiltrés.

L’objectif, indiquait fin 2018 le ministère de la Justice américain (le gouvernement français ayant choisi de rester silencieux) était le vol « de données, de propriété intellectuelle et d’informations commerciales confidentielles concernant notamment un moteur utilisé par des compagnies aériennes. » À la même période, le magazine Challenges révélait que des données confidentielles d’Airbus avaient été volées par un groupe de pirates informatiques chinois, qui avait réussi à s’infiltrer dans le système informatique du sous-traitant Expleo, en France.

Dans tous ces exemples, un objectif unique : profiter de la naïveté occidentale pour attirer les entreprises technologiques en Chine ou faire entrer des espions sur des sites stratégiques français. Capter l’information, l’utiliser, puis prendre une position dominante mondiale dans le secteur.

En France et sans que le gouvernement ne réagisse, plusieurs emplacements stratégiques sont ainsi devenus les terrains de jeu de l’espionnage chinois : à Brest par exemple, siège de l’escadre de l’Atlantique, de la Force océanique stratégique et avec la base de l’île Longue qui abrite la composante sous-marine de la dissuasion nucléaire stratégique française, l’implantation chinoise est impressionnante. Autour des écoles d’ingénieurs et des 400 entreprises qui travaillent pour l’industrie de l’armement, de grands vols d’« hirondelles », jeunes étudiantes chinoises, se posent chaque année. Le journaliste Antoine Izambard cite un rapport confidentiel du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), dans lequel il est relevé « le nombre accru de mariages entre militaires basés en Bretagne et étudiantes chinoises ».

La Bretagne n’est pas la seule concernée, continue l’ouvrage d’investigation… L’amiral Morio de l’Isle a admis au cours d’une audition à l’Assemblée nationale avoir constaté une implantation étrangère « de plus en plus forte autour » des quatre Centres de transmission [CTM] de la Force océanique stratégique [FOST]. Par exemple, dans les environs de celui de Rosnay [Indre], la Chine a installé une université près de l’aéroport de Châteauroux. À cela s’ajoute entre autres l’achat de terrains agricoles à proximité de ce site militaire…  là aussi sans opposition ni frein visible du gouvernement français.

***

Le stratège militaire chinois Sun Tzu avait expliqué, il y a plus de 2500 ans, que le summum de l’art de la guerre est de soumettre l’ennemi sans verser une goutte de sang. Dans ses relations avec la France aujourd’hui, le régime chinois déploie cette stratégie en manipulant avec une immense efficacité des intérêts privés, une vision surannée de la diplomatie et une grande collection de « tigres en papier », menaces virtuelles censées empêcher l’émergence de toute idée de courage politique. La crise du Covid-19 servira-t-elle de leçon comme on veut nous en convaincre, ou le même fonctionnement continuera-t-il, ancrant toujours davantage l’inféodation nationale ?

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