Le lavage de cerveau subtil de la génération post-Tiananmen

8 juin 2015 11:00 Mis à jour: 6 septembre 2015 09:14

 

Le 4 juin 1989, lorsque des milliers de manifestants sont tombés au centre-ville de Pékin – sous les rafales de balles ou écrasés par des chars d’assaut – leurs corps de chair n’ont pas été les seules victimes.

Vingt-six ans après que l’Armée populaire de libération a sauvagement fait taire les voix populaires sur Tiananmen, ce qui a changé ne touche pas seulement les aspirations des Chinois, mais bien la manière qu’ils perçoivent le régime.

Selon un sondage réalisé par le New York Times, la majorité des Chinois, y compris ceux qui habitent à l’étranger, sont d’accord avec la perspective occidentale que la Chine est non démocratique, non libre et qu’elle viole les droits de la personne.

Ce qui est dérangeant, c’est qu’ils ne s’en préoccupent plus. Alors que seulement 5,7% des Chinois à l’étranger, selon un autre sondage du New York Times, estiment que la Chine est un pays démocratique, et bien que près de la moitié d’entre eux croient que la situation des droits de la personne en Chine est «mauvaise» ou «très mauvaise», près de la moitié pensent que la démocratie provoquerait «l’instabilité sociale» et plus de la moitié se disent «satisfaits» ou «très satisfaits» avec la mise en œuvre des politiques.

Faux gentilhomme, honnête vaurien

À l’époque où la philosophie confucéenne classique guidait la société, on enseignait aux Chinois de cultiver la vertu et de devenir un junzi, soit un gentilhomme. À l’opposé du junzi, il y avait le xiaoren, littéralement une personne petite ou insignifiante – un vaurien qui ne connaît que le gain personnel et qui ignore la vertu dans son comportement.

Si le massacre très visible et symbolique sur Tiananmen a révélé que le Parti communiste chinois (PCC) était un régime hypocrite ou un «faux gentilhomme» (terme littéral en chinois moderne pour dire «hypocrite»), alors les réformes économiques de Deng Xiaoping, qui ont remplacé la planification centrale de type soviétique par le capitalisme d’État, ont enfoncé le dernier clou dans le cercueil de l’utopie marxiste du PCC.

Alors que le Parti communiste demeure la seule autorité politique en Chine continentale, les vieilles théories du marxisme – accompagnées par l’organisation du pouvoir léniniste – ont depuis longtemps été invalidées par les économies de marché. Un vide moral et éthique est survenu avec le rejet de l’idéal communiste, un vide encouragé dans le système d’éducation chinois post-1989.

Chang Ping, un journaliste chinois dissident habitant en Allemagne, affirme que les changements majeurs apportés au système d’éducation après Tiananmen ont formé une génération de jeunes gens qui «semble avoir la faculté de penser par eux-mêmes», mais elle joue en fait le rôle qu’on lui a assigné dans une époque où les enseignements de Marx et de Mao n’offrent plus de légitimité au Parti, a rapporté la chaîne NTD.

Cette vision du monde, établie par le Département du Front uni du PCC, est inculquée aux enfants dès la maternelle.

Entre en scène ce que M. Chang appelle le zhenxiaoren, soit l’«honnête vaurien».

Selon M. Chang, Tiananmen a forcé le régime à revoir ses prétentions d’être juste, démocratique, libre, prospère et glorieux, celles-ci pourraient être facilement qualifiées d’hypocrites. Il fallait donc changer de stratégie: la nouvelle ligne du Parti est devenue la propagation d’«étape initiale» (du socialisme), qui admet que la Chine n’est pas absolument juste, démocratique ou libre.

Du même coup, M. Chang souligne que bien que les gens éduqués après Tiananmen ne se fassent plus enseigner que le Parti est infaillible, ils se font marteler l’adage que «sous le soleil toutes les corneilles sont noires, que chaque pays a ses propres problèmes et que personne ne devrait prétendre à la défense de la justice ou de la droiture».

Cette vision du monde, établie par le Département du Front uni du PCC, est inculquée aux enfants dès la maternelle, estime M. Chang.

Une réunion du Département central du Front uni s’est tenue le 18 mai dernier – neuf ans après la précédente – c’est la première depuis la prise du pouvoir par Xi Jinping. Durant la rencontre, Xi a dicté comment le département devrait focaliser ses efforts en matière d’éducation sur trois groupes: les étudiants à l’étranger, les représentants des nouveaux médias et les enfants de l’élite chinoise fortunée.

Xi a indiqué que les étudiants étrangers avaient besoin d’une attention particulière, car ils devraient former le noyau de gens talentueux [devant servir le Parti].

Le régime chinois utilise également l’internet pour faire avancer son programme d’endoctrinement. Tang Jingyuan, analyste politique indépendant, estime que les nouvelles campagnes pour faire la promotion d’un usage politiquement correct de l’internet visent à transformer les enfants en véhicules pour énoncer en ligne des opinions favorables au Parti.

«Ces enfants, qui ne peuvent distinguer le bien du mal et qui n’ont pas de concept de valeurs universelles, vont devenir les défenseurs du Parti communiste, c’est-à-dire les propagandistes bénévoles du régime sur l’internet», affirme M. Tang à Epoch Times.

Manifestation pour la démocratie le 25 mai 1989 à Pékin, avant le massacre (Catherine Henriette/AFP/Getty Images)
Manifestation pour la démocratie le 25 mai 1989 à Pékin, avant le massacre
(Catherine Henriette/AFP/Getty Images)

La voie de l’honnête vaurien

Chen Guangchen, le dissident chinois non voyant qui a échappé à l’arrestation à Pékin et qui habite maintenant aux États-Unis, a écrit un article pour le Washington Post dans lequel il décrit qu’il y a moins de liberté dans la Chine d’aujourd’hui qu’en 1989.

«Les contes fantastiques de la puissance économique chinoise et du développement rapide éblouissent le monde, mais ces histoires cachent une dure réalité: les connexions, la corruption et la fraude ont canalisé la richesse du pays entre les mains de l’élite», écrit M. Chen.

Selon Chang Ping, l’État chinois a formé un groupe de gens qui ne peut distinguer le bien du mal et qui croit dans le concept que les vainqueurs doivent être couronnés et les perdants diffamés.

Il semble que Chen Guangchen serait d’accord avec le point de vue de Chang Ping à propos de l’honnête, voire fier vaurien dont on fait la promotion en Chine.

«“Le voleur furtif est devenu le braqueur fanfaron” est une phrase qui a pris racine dans la société chinoise après le massacre de la place Tiananmen. Cela veut dire que la corruption s’est accélérée et la morale a dégénéré. En employant la violence, le message du Parti communiste aux privilégiés était: “Ne vous en faites pas, savourez la corruption! Nous avons les fusils et le pouvoir de l’État. Quiconque s’oppose à nous sera réprimé”», déplore M. Chen.

Version originale: The Subtle Brainwashing of China’s Post-Tiananmen Generation

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.