Le narco-banditisme et la violence qu’il génère, gagnent les villes moyennes et petites

Par Vincent Solacroup
17 février 2024 14:40 Mis à jour: 17 février 2024 14:49

La drogue n’est plus uniquement le problème des grandes métropoles urbaine mais gangrène également les villes moyennes et petites avec tout un maillage du territoire. La guerre des territoires fait rage avec qui des victimes parmi les trafiquants mais aussi des victimes civiles et policières collatérales.

Rue du râteau, au cœur d’Avignon, une plaque annonce un square en « souvenir du commandant Éric Masson », abattu le 5 mai 2021. Mais le trafic de stupéfiants n’a pas faibli depuis et la violence s’est même exacerbée dans le Vaucluse, département gangréné par la pauvreté.

À 200 mètres de là, le meurtrier présumé de ce policier sera jugé aux assises à partir de lundi. Mais en attendant ce procès, qui va se pencher sur « une plaie difficile à refermer », selon les mots de la procureure de la République d’Avignon, Florence Galtier, les audiences de comparutions immédiates, celles des délits du quotidien, témoignent de la réalité du trafic de drogue sur ce territoire.

Le président lit le procès-verbal de la BAC, la brigade anticriminalité : 9h45, surveillance place du Viguier, connue pour abriter un gros point de deal. C’est le matin et déjà ils assistent à plusieurs transactions. Le cannabis et la cocaïne conditionnés pour la vente sont cachés près d’une poubelle devant une épicerie, sous un tapis près d’un boucher ou dans un bac à fleurs, empoisonnant la vie quotidienne des habitants.

« Des guerres de territoires »

Dans le box, deux prévenus. Le gérant présumé, un habitant du quartier déjà très connu de la police et qui a interdiction de paraître à Marseille, où il est mis en cause dans une autre enquête liée aux stupéfiants. Et le guetteur, un Marocain employé à peu de coût (50 euros la demi-journée dit-il), une sorte d’intérimaire de la drogue, étranger, donc facilement exploitable pour faire tourner ces points de deal très lucratifs.

Sur Avignon, ils peuvent rapporter jusqu’à 30.000 euros par jour et donc « on a des guerres de territoires comme à Marseille », illustre Florence Galtier, interrogée par l’AFP. Résultat : six narchomicides dans le Vaucluse en 2023, deux fois plus qu’en 2022. Loin de la cinquantaine de morts recensés dans la cité phocéenne, mais pour ce département « c’est un chiffre très important », soulignait il y a quelques jours la préfète, Violaine Demaret.

« Narco-cités »

Claude Simonetti, représentant vauclusien du syndicat de policiers Unité SGP Police FO, a vu depuis 20 ans ces trafics prendre de l’ampleur et s’implanter à Cavaillon, Carpentras, Orange, Sorgues, même dans des villages. Et les consommateurs sont issus de toutes les classes sociales.

Le trafic de drogue ne touche plus uniquement les grandes métropoles urbaines mais se diffuse sur tout le territoire en réalisant un maillage, nous apprend le reportage de Cnews. Les villes moyennes et petites, comme Avignon, Nîmes ou Lorient par exemple, sont également concernées. Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire, parle de « narco-cités ». Mais il ne s’agit pas de réseaux locaux, mais « d’équipes très mobiles qui viennent de l’extérieur pour s’accaparer des part de marché dans des zones du territoire. »  Dans dans le cas de Lorient, ces réseaux sont issus de Rennes, de Nantes ou de la région parisienne. Leur manière de pratiquer est la même que dans la grande ville, ce qui amène plus de violence en général, une guerre de réseaux et des victimes policières et civiles qui n’appartiennent pas au trafic.

La responsabilité du consommateur est pointée dans cette expansion qui tend à être au plus près du consommateur. Gérald Darmanin avait évoqué une réflexion sur le durcissement des sanctions à l’égard du consommateur qui sont « un petit peu responsables » des règlements de comptes car ils alimentent le trafic. Comme autres facteurs de développement, Gabrielle Cluzel, Directrice de la rédaction à Boulevard Voltaire, pointe la bienveillance à l’égard de la drogue qui est considérée comme « récréative dans certains milieux ». Il n’y a pas de campagne comme pour l’alcool alors que la prise de drogue peut être très dangereuse au point de vue psychiatrique, un sujet non abordé. Ensuite, l’ouverture des frontière facilite le trafic de drogue, nous dit-elle. Il y a également la connaissance et l’utilisation par les trafiquants de toutes « nos failles juridiques » comme le recours aux mineurs.

Claude Simonetti précise que les vendeurs sont attirés par le mirage de l’argent facile : « Quand vous rapportez une paie plus importante que votre père, il y a un problème d’éducation et d’argent ». Car les trafics prospèrent sur le dos d’un des départements les plus déshérités, avec des poches de difficultés extrêmes comme au Pous du Plan à Carpentras où le taux de pauvreté dépasse les 70%.

53 points de deal

Sur le papier pourtant, la stratégie nationale de pilonnage porte ses fruits : les autorités décomptent 53 points de deal sur le Vaucluse, contre 84 il y a trois ans. Mais « le nombre ne veut pas dire grand-chose (..) il y a des points de deal éphémères qui durent deux heures, et vous allez avoir des points de deal qui fonctionnent 24h/24 avec trois ou quatre implantations à proximité », souligne Emmanuel Desjars de Keranrouë, directeur interdépartemental de la police dans le Vaucluse. Sans compter les réseaux de livraison type Uber-coke.

Ici tout le monde regarde aussi ce qu’il se passe dans les départements limitrophes, à Valence (Drôme) ou Nîmes (Gard), où cette guerre de la drogue a emporté un enfant de 10 ans cet été. Et à Marseille bien sûr, un des épicentres du fléau en France.

Pour l’instant, « chacun de ces départements a sa propre autonomie en la matière, avec des réseaux anciens, implantés. Mais il n’en reste pas moins qu’on peut parfois détecter sans pouvoir toujours l’établir véritablement, des relais entre les uns et les autres, pour ne pas dire parfois de la coopération », conclut Jean-François Mayet, vice-procureur d’Avignon, pour qui ce problème, qui « dépasse très largement le Vaucluse », doit s’appréhender au niveau « régional ou national ».

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