Les persécutions de l’ancien dirigeant Jiang Zemin ont posé les bases de la dictature numérique chinoise actuelle, expliquent les observateurs

Par Venus Upadhayaya
8 décembre 2022 16:51 Mis à jour: 8 décembre 2022 16:51

L’ancien dirigeant chinois Jiang Zemin a orchestré une répression religieuse inégalée dans l’histoire (à l’encontre du Falun Gong notamment). Selon les spécialistes et les militants, il a pour cela déployé des outils et des méthodes qui ont posé les fondements de la dictature numérique chinoise actuelle.

Jiang Zemin est décédé le 30 novembre à l’âge de 96 ans à Shanghai, des suites d’une leucémie et d’une défaillance multiviscérale, selon les médias d’État chinois.

Si certains analystes établissent un bilan positif de ses prétendues contributions au développement économique de la Chine, d’autres rappellent ses ambitions hégémoniques dangereuses, ses méthodes discutables sur la scène internationale pour faire avancer le pays communiste au détriment des États‑Unis et de l’Occident.

Parallèlement, les défenseurs des droits de l’homme et les observateurs attirent l’attention sur ses violations massives des droits de l’homme (en commençant par le massacre de Tiananmen).

Défilé de pratiquants de Falun Gong devant l’ambassade de Chine à New York, le 3 juillet 2015, pour soutenir l’effort mondial de poursuites contre de Jiang Zemin. (Larry Dye/Epoch Times)

Violations

« Son plus grand crime reste bien sûr la persécution du Falun Gong, qui a débuté en 1999 par des ‘pogroms’, et le fait d’avoir gouverné la Chine par la corruption et l’éradication de toute déontologie », déclare Frank Lehberger, sinologue établi en Europe et analyste de la politique menée par le Parti communiste chinois, dans un courriel adressé à Epoch Times.

La pratique spirituelle du Falun Gong, qui allie des exercices de méditation à des enseignements moraux reposant sur les principes de vérité, compassion et tolérance, a gagné en popularité dans les années 1990. Considérant cette pratique comme une menace pour son pouvoir, Jiang Zemin a lancé une persécution dans tout le pays qui a conduit à l’arrestation de millions de pratiquants pour leurs croyances. (Suivre la persécution sur faluninfo.net)

Jiang Zemin a également ordonné le prélèvement forcé d’organes sur les groupes persécutés. Les pratiquants de Falun Gong sont la principale source d’organes d’un trafic alimentant le vaste marché chinois des transplantations.

La politique d’oppression généralisée déployée par l’ancien dirigeant a ainsi jeté les bases d’autres campagnes de répression à l’encontre des Tibétains, des Ouïghours, des Mongols et de Hong Kong.

Jiang Zemin est le premier dirigeant du PCC à faire l’objet de poursuites devant des tribunaux nationaux et internationaux.

En 2009, la Audiencia Nacional (« Cour nationale ») espagnole a entamé des poursuites contre Jiang Zemin et d’autres dirigeants chinois pour « crimes de génocide et de torture » à l’encontre des pratiquants de Falun Gong. Plus tard, en 2014, la Cour suprême espagnole a lancé un mandat d’arrêt international contre Jiang Zemin et quatre autres dirigeants chinois pour génocide au Tibet.

En 2003, trois groupes de soutien au Tibet avaient déposé conjointement une plainte auprès de la Cour suprême espagnole, accusant Jiang Zemin et Li Peng, respectivement ancien secrétaire général du PCC et ancien premier ministre, de génocide et de crimes contre l’humanité.

Tsering Passang, fondateur et président du groupe de défense de Global Alliance for Tibet and Persecuted Minorities, rappelle le rôle de Jiang Zemin dans la destruction de la foi bouddhiste tibétaine.

Le Panchen Lama, deuxième personnalité religieuse la plus importante du bouddhisme tibétain après le Dalaï Lama, a disparu à l’âge de 6 ans en mai 1995, alors que Jiang Zemin était au pouvoir. Il aurait été enlevé par le régime. Depuis lors, aucune nouvelle de lui ni de sa famille. En 2018, le département d’État américain a demandé, dans une déclaration officielle, sa libération immédiate.

« Dans la tradition tibétaine, le Panchen Lama et le Dalaï Lama ont pour rôle essentiel de reconnaître la réincarnation de l’autre. Pékin a nommé son propre Panchen Lama six mois plus tard, en novembre 1995. Tout cela s’est passé sous le règne de… Jiang Zemin qui jouissait d’une autorité absolue », écrit Tsering Passang à Epoch Times.

Le 17e Karmapa lui‑même, chef spirituel de la branche Karma Kagyu du bouddhisme tibétain, ancienne de 900 ans, a dû s’échapper du Tibet dans des conditions dramatiques en 2000 sous le régime de Jiang Zemin et abandonner son éducation bouddhiste au Tibet.

Jiang Zemin a également ordonné la mise en place du Grand Pare‑feu chinois, le vaste appareil de censure et de surveillance Internet du régime. Il a ainsi jeté les bases de la dictature numérique chinoise, perfectionnée sous l’actuel dirigeant du PCC, Xi Jinping. Rappelons que cette surveillance numérique a également préparé le terrain pour la dictature sanitaire du Covid en cours actuellement.

Sur le plan économique, la politique de Jiang Zemin a donné le coup d’envoi au vol effréné de la propriété intellectuelle, donnant naissance à des contrefaçons chinoises bon marché qui ont inondé le marché mondial. Selon Frank Lehberger, Jiang Zemin est également responsable de la destruction généralisée de l’environnement en Chine et du capitalisme prédateur chinois.

Le problème de la démocratie

Selon l’historien et auteur français Claude Arpi, Jiang Zemin a toujours fait preuve d’une incapacité totale à comprendre la démocratie lors de ses visites à l’étranger. Partout où il était invité, les gouvernements devaient nettoyer soigneusement le terrain et repousser les manifestants mobilisés pour dénoncer ses crimes.

« Le 25 mars 1999, Jiang Zemin était en visite officielle en Suisse. Ce jour‑là, à son arrivée au Parlement de Berne, il a vu des manifestants pro‑tibétains devant le bâtiment munis de banderoles ‘Free Tibet’. Il s’est mis très en colère », a relaté Claude Arpi, aujourd’hui installé en Inde.

« Au sein du parlement, il s’est adressé aux parlementaires suisses et a déclaré : ‘Aujourd’hui, la Suisse a perdu un ami.’ »

Quelques années après cet incident, un diplomate suisse a confié à Claude Arpi que la colère de Jiang Zemin s’était prolongée toute la soirée jusqu’au banquet auquel était convié le président suisse.

« Jiang Zemin était encore tellement en colère qu’il a refusé de dîner au grand embarras de ses hôtes, qui tentaient d’expliquer ce qu’était la ‘démocratie’. En vain ! »

Tsering Passang a participé aux manifestations lors de la visite de Jiang Zemin à Londres en 1999. Il a finalement a été détenu par la police britanniques pendant plus de six heures.

« À Cambridge (je n’ai pas assisté à la manifestation), les services secrets et de sécurité chinois ont été aperçus en train d’ordonner à la police britannique de contenir les manifestants tibétains. »

« Il n’y a aucun doute sur le fait que le maintien de l’ordre allait au‑delà du raisonnable – c’était très stricte. »

La police lui a ensuite présenté des excuses.

Xi Jinping et Jiang Zemin, le 24 octobre 2017. (Wang Zhao/AFP via Getty Images)

Diverses factions au sein du régime

Certains spécialistes rappellent que Jiang Zemin était le chef d’une des factions les plus importantes du PCC, surnommée le « gang de Shanghai ». (Jiang Zemin avait été le maire de Shanghai.)

Le régime était clivé, aux prises avec diverses factions, et ces divisions avaient un énorme impact sur les orientations politiques et économiques du gouvernement. Selon l’analyste Srijan Shukla de l’Observer’s Research Foundation dans un article publié en 2021 et intitulé « Rise of Xi Gang », [Ascension du gang de Xi], tant que Jiang Zemin était au pouvoir, le gang de Shanghai dominait non seulement la politique nationale, mais la ville de Shanghai elle‑même bénéficiait globalement d’un traitement économique plus avantageux que Pékin, capitale et haut‑lieu du pouvoir central, et toute autre ville.

« Une étude en 2002 a montré comment pendant…12 ans (1990‑2002), Shanghai a reçu 19,8 milliards de yuans de plus en subventions et prêts de l’État que son principal concurrent national, la ville de Tianjin. Ce traitement préférentiel a également entraîné des flux d’investissements directs étrangers (IDE) plus importants vers Shanghai que vers toute autre ville chinoise », a écrit Srijan Shukla, ajoutant qu’entre 1978 et 2002, 86% des flux d’IDE en Chine allaient vers la côte est.

Après avoir quitté le pouvoir, Jiang Zemin continuait à contrôler partiellement le PCC en coulisse, en tant que chef de la faction de Shanghai.

Selon Frank Lehberger Jiang Zemin a manipulé et saboté le travail de son successeur Hu Jintao jusqu’en 2012. Pourtant Jiang Zemin a officiellement quitté toutes ses fonctions en 2004.

Lorsque Xi Jinping est arrivé au pouvoir en 2012, Jiang Zemin pensait que sa faction pourrait « le manipuler comme une sorte de ‘marionnette’ », explique Frank Lehberger.

Selon Tsering Passang la mort de Jiang Zemin est sans doute très avantageuse pour Xi Jinping : « Sa mort peut être préjudiciable à ceux qui le soutenait au sein du Parti, ce qui signifie une parfaite opportunité pour Xi Jinping. »

Pour Frank Lehberger une rumeur circulait déjà depuis la mi‑novembre sur le fait que Jiang Zemin était mort. Selon lui, Xi Jinping a décidé d’attendre. Il a finalement décider d’annoncer sa mort au moment des manifestations contre la politique zéro Covid. Toutefois, il n’y a aucun moyen de confirmer cette hypothèse.

L’analyste pense que Xi Jinping va désormais s’atteler à éliminer les dernières personnalités influentes de la faction de Shanghai. « Parce qu’il semble que Jiang Zemin avait conclu un accord tacite avec Xi Jinping pour qu’il se tienne tranquille, reportant les attaques majeures, jusqu’à sa mort. »

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