« Noël noir » au Nigeria : des attaques coordonnées font plus de 160 morts dans une zone à majorité chrétienne

Par Etienne Fauchaire
27 décembre 2023 17:43 Mis à jour: 28 décembre 2023 10:35

Au moins 160 tués, plus de 300 blessés, de nombreuses maisons incendiées. Dans le centre du Nigeria, l’État du Plateau est sous le choc devant le bilan des tueries du weekend perpétrées dans des villages à prédominance chrétienne. Pourtant, ces attaques organisées ne sont pas les premières et ne seront sans doute pas les dernières. Aussi, plusieurs commentateurs ont à nouveau dénoncé le silence de la communauté internationale sur le sort des chrétiens du Nigeria. Rongé par l’islamisme, ce pays africain recense à lui seul 90% des assassinats de fidèles du Christ commis dans le monde.

Le Nigeria a été le théâtre d’un Noël sanglant. Au moins 160 personnes ont été massacrées et plus de 300 personnes mutilées dans des attaques menées par des groupes armés entre samedi et lundi 25 décembre dans plusieurs zones à majorité chrétienne de l’État du Plateau, situé au centre du pays africain. Des crimes perpétrés au moyen de machettes et d’armes à feu, rapidement qualifiés de meurtres anti-chrétiens : un « Black Christmas » (« un Noël noir »), peut-on lire dans la presse.

Des attaques « coordonnées »

Selon Monday Kassah, le président du conseil du gouvernement de Bokkos, « au moins 113 corps ont été retrouvés » et « plus de 300 personnes » blessées ont été transférées dans les hôpitaux de Bokkos, de Jos et de Barkin Ladi. À ces 113 morts dans la circonscription de Bokkos s’ajoutent « au moins 50 personnes tuées » dans quatre villages de la circonscription voisine de Barkin Ladi, a relaté, lundi, Dickson Chollom, un membre de l’assemblée locale. « Les attaques étaient bien coordonnées », affirme-t-il : « Pas moins de 20 villages » ont été pris pour cible.

Ces attaques ont démarré dans la circonscription de Bokkos, avant de se poursuivre dans celle voisine de Barkin Ladi où « 30 morts ont été retrouvés », selon Danjuma Dakil, son président. Dimanche, le gouverneur de l’État du Plateau, Caleb Mutfwang, a qualifié cette action armée de « barbare, brutale et injustifiée ».

Selon les habitants, dont certains déplorent le fait qu’il a fallu plus de 12 heures pour que les autorités répondent aux appels à l’aide, les assaillants étaient des miliciens haoussa et fulani. Rappelons que les populations des régions du nord-ouest et du centre du Nigeria vivent constamment dans la terreur des attaques terroristes des groupes jihadistes qui pillent les villages, incendient les maisons, tuent les habitants, violent et kidnappent femmes et enfants, souvent réduits à l’état d’esclaves sexuels pour le plaisir des islamistes.

« On a fui, mais ils ont pu attraper trois personnes et ils les ont toutes tuées »

Sur son compte X, l’ONG Amnesty International a réagi à ces violences, jugeant que « les autorités nigérianes ont toujours échoué dans leurs tentatives de mettre un terme à ces fréquentes attaques dans l’État du Plateau ». Dans un court communiqué de deux phrases, le gouvernement français a, pour sa part, déclarer « condamner avec la plus grande fermeté » ces attaques et « appeler à traduire en justice » leurs auteurs.

« Des mesures proactives seront prises par le gouvernement pour freiner les attaques en cours contre des citoyens innocents », avait déclaré Gyang Bere, le porte-parole du gouverneur. Mais pour le gouverneur Caleb Mutfwang, cette criminalité à grande échelle ne semble pas près d’être mise en échec : « Tant que nous n’aurons pas coupé l’offre en matière de parrainage (de cette violence), nous ne pourrons peut-être jamais en voir la fin ».

À l’instar de son prédécesseur Muhamadu Buhari, le président nigérien Bola Tinubu avait appelé à briser en juillet dernier ce cycle de violences dans la Middle Belt nigériane. En vain. Ce mardi 26 décembre, celui-ci n’a pu que condamner ces « atrocités », ordonner aux forces de sécurité d’intervenir immédiatement, et demander à ce que les responsables soient appréhender.

Cette attaque sanglante se solde ainsi par un lourd bilan humain, mais également par la destruction des biens et des logements des Nigériens en ayant réchappé. Auprès de RFI, Ousmane Mohamad, habitant de Bokkos, livre son témoignage glaçant, soulignant avoir tout perdu : « On était assis et on les a vus venir de l’autre côté de la ville. On a fui, mais ils ont pu attraper trois personnes et ils les ont toutes tuées. Nous, nous avons réussi à fuir, et nous avons réussi à nous sauver. Nous sommes allés dans d’autres villages et sommes restés là-bas. On a beaucoup souffert… » Et d’ajouter : « Pour l’instant nous n’avons reçu aucune aide. Présentement, nous n’avons pas quoi manger, ni de vêtements encore moins de maisons …Tous nos biens ont été brûlés, nos habits, nos maisons… tout a été brûlé, alors qu’il fait froid… Nous vivons dans le froid en ce moment car nous n’avons plus d’abris. »

Sur X, l’effroi a rapidement laissé place à l’indignation des internautes, qui étrillent le silence des politiques et des médias : « À Noël, il y a eu un nouveau massacre de chrétiens dans le nord du Nigeria. Il y a six ans, j’y ai rendu compte des massacres de chrétiens perpétrés par des milices musulmanes et peuls. Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi le monde s’en fiche », s’est désolé le journaliste et essayiste britannique Douglas Murray. « Le massacre des chrétiens d’Afrique (au Nigeria notamment) tués parce que chrétiens, alors qu’il est organisé, comme l’attestent des témoignages, laisse les médias et la communauté internationale muets ? Sourds ? Indifférents ? Pourquoi ? #Christianophobie / mépris », a fustigé, en France, la sénatrice Valérie Boyer (LR).

Au moins 52.250 chrétiens assassinés depuis 2009

Au Nigeria, les chrétiens sont la proie de terribles persécutions sous la main des islamistes. Selon un rapport publié le 10 avril 2023 par l’ONG nigériane Intersociety, au moins 52.250 chrétiens ont été tués au cours des 14 dernières années dans ce pays africain. Un décompte macabre qui ne cesse d’augmenter. Depuis 2009, 18.000 églises et 2.200 écoles chrétiennes ont également été incendiées ou détruites, tandis que cinq millions de chrétiens ont été déplacés dans des camps de réfugiés, après avoir fui leurs terres.

Dans son Index mondial de persécution des chrétiens pour l’année 2023, l’ONG protestante Portes Ouvertes révèle par ailleurs que près de 9 chrétiens sur 10 ont trouvé la mort au Nigeria. 90% des chrétiens kidnappés dans le monde le sont aussi dans ce pays, les victimes masculines servant généralement de rançon et les victimes féminines d’esclaves sexuels. « La violence et l’insécurité pour les chrétiens dans le Nord et la Ceinture centrale du pays prennent des proportions qui dépassent l’entendement », s’alarme-t-elle. Ce « dans un climat d’impunité ».

Depuis l’index 2015, le Nigeria est le premier pays où les chrétiens sont assassinés en raison de leur foi pour la neuvième année d’affilée (l’année précédente, le Nigeria étant à la seconde place derrière la Syrie victime des exactions de Daech). C’est pourquoi « régler le problème de la persécution des chrétiens au Nigeria reviendrait ainsi théoriquement à faire chuter de 90 % le nombre de martyrs », peut-on lire dans le rapport.

Plus globalement, il est à noter que les chrétiens constituent le groupe religieux le plus en proie aux persécutions : 360 millions fidèles du Christ sont aujourd’hui fortement persécutés et discriminés dans le monde, soit 1 chrétien sur 7. En 30 ans, le nombre de pays touchés par la persécution des chrétiens a presque doublé, passant de 40 à 76, et la tendance est, note Portes Ouvertes, à l’aggravation.

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