Paul Melun : « Réduire nos dépenses nécessite un vaste plan de débureaucratisation de l’État »

Par Julian Herrero
11 avril 2024 11:42 Mis à jour: 11 avril 2024 11:42

ENTRETIENPaul Melun est essayiste et président du laboratoire d’idées Souverains Demain. Dans un entretien accordé à Epoch Times, il revient sur les différents sujets qui font l’actualité.

Epoch Times – Paul Melun, on apprenait il y a quelques semaines que le déficit de la France a atteint en 2023 5,5 % du PIB. Pour tenter de combler le déficit et faire des économies, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Il souhaite notamment réduire sa durée d’indemnisation. Est-ce selon vous une bonne mesure pour diminuer les dépenses. Les économies à réaliser se trouvent-elles ailleurs ?

Paul Melun – Je pense que le gouvernement, comme ses prédécesseurs, n’analyse pas la problématique de la dette de manière globale. Il y a beaucoup d’enjeux dont on ne parle jamais. Et à chaque fois que la dette revient dans le débat public français, on nous répète qu’il faut supprimer des postes de fonctionnaires ou s’en prendre aux prestations sociales. Pour ma part, je crois qu’il faut préserver notre État providence. Il est indispensable au pays et est consubstantiel de notre identité.

Avant de s’en prendre à notre modèle social, il y a beaucoup à faire, notamment en matière de production. Si nous sommes axés sur la recherche du PIB et de la croissance et que nos résultats économiques s’améliorent, les recettes de l’État s’accroîtront. Mais ce point n’est que rarement évoqué.

Il y a également dans le fonctionnement de l’État un certain nombre de postes et de dépenses qui me semblent tout à fait possible de réduire.

Enfin, l’État a besoin d’investir.  Il a besoin d’argent utile dans ses investissements et que cet argent ne soit pas pris au mauvais endroit. Quand vous regardez la composition de la dette française, il n’est pas normal que 50% soit détenue par des capitaux étrangers. Si elle est détenue par un certain nombre de pays avec lesquels on peut avoir  des différends géopolitiques, on se met en situation de risque et on affaiblit notre position internationale.

Par exemple, la dette japonaise est bien supérieure à la nôtre, mais elle n’a pas du tout la même structure. Donc, l’enjeu pour la France serait d’avoir une dette qui soit davantage détenue par les ménages français, via leur épargne notamment ou par les banques françaises.

La dette est une question de souveraineté. Si nous voulons agir dessus, il va falloir penser un peu plus loin que cette histoire d’assurance chômage. En plus, cette réforme risque de créer de nouvelles catégories de pauvres. Il y a un certain nombre de gens qui ne retourneront pas à l’emploi parce qu’ils ont 55 ans ou 60 ans et aujourd’hui ce n’est pas évident de trouver du travail. Nous n’avons aucun intérêt à aller vers une paupérisation supplémentaire de nos ménages. La réforme annoncée par Gabriel Attal n’est donc pas bonne.

Ne faudrait-il pas effectuer certains changements dans le secteur de la santé ? Revoir, par exemple, les emplois administratifs dans la fonction publique hospitalière ?

C’est un mal français. Il est évident que lorsque vous regardez nos services publics, qu’il s’agisse de l’hôpital, de l’Éducation nationale ou encore de la police, il y a comme une forme d’inflation administrative et normative qui a créé toutes sortes de dépenses qui n’ont aucun sens.

Je parle souvent avec des policiers ou des infirmières et quand je vois la part de l’administratif qu’il y a dans leur travail et le nombre d’emplois administratifs qui sont liés à des tâches qui pourraient et qui seront d’ailleurs reprises par l’intelligence artificielle, je me dis qu’il y a également un problème de structure et de modèle de nos organigrammes dans les fonctions publiques. Tout ceci nécessite un vaste plan de débureaucratisation de l’État. Un plan qui, paradoxalement, rendrait service à notre modèle social.

Les citoyens européens sont appelés aux urnes le 9 juin prochain pour élire leurs députés. Pour vous, ces élections européennes de 2024 sont-elles à fort enjeu ?

En tant que souverainiste, j’ai tendance à vous dire que les élections européennes ne sont pas, par essence, des élections à fort enjeu. J’ai récemment entendu le commissaire européen Thierry Breton affirmer que l’Europe était une grande démocratie. C’est faux. Le Parlement européen est l’un des parlements les moins démocratiques que je connaisse. Un Parlement qui n’a pas l’initiative de faire la loi n’est pas un parlement démocratique. Nous votons pour des députés européens qui sont réduits à un rôle subalterne par rapport à la Commission, qui elle-même est influencée par les élections nationales des chefs d’État de chaque pays membre.

Pour moi, les élections nationales sont les élections à fort enjeu. On peut ainsi voir comment les partis dits « nationalistes » ou « populistes » se préparent au pouvoir, quel rapport ils entretiennent avec l’Europe de Maastricht et les enjeux européens de manière générale, quand ils arrivent au pouvoir, à l’instar de Giorgia Meloni ou de Viktor Orbán.

Néanmoins, ces élections européennes ont quand même un intérêt. C’est un sondage grandeur nature du pouls de l’opinion publique des nations européennes. On remarque que les opinions publiques ont énormément évolué depuis le traité Maastricht de 1992 et même celui de 2005 sur la Constitution. On le voit en Allemagne avec la progression de l’AFD et la création par un ancien membre de Die Linke, d’un parti de gauche populiste (le BSW, ndlr), hostile à l’immigration massive et nostalgique de la RDA. Mais également en Suède, au Danemark, en Norvège et en Finlande, où le rapport à l’immigration a complètement changé. Souvenez-vous en 2015 la Suède avait massivement accueilli des migrants.

Les Britanniques ont voté en faveur du Brexit en 2016 et enfin, si vous regardez les sondages de ces élections européennes en France, les listes RN, Reconquête ! et LR cumulées obtiennent en moyenne 40 % des voix, ce qui est considérable pour des positions hostiles à l’Union européenne d’Ursula Von der Leyen.

Il y a donc une défiance qui n’est que le prolongement de ce que ressentent les peuples, c’est-à-dire un sentiment de dépossession, de déni de démocratie et une inquiétude pour leur culture.

Selon le dernier sondage Elabe de ce mois d’avril, le RN devrait arriver largement en tête des élections européennes avec 30 % des voix. La liste macroniste menée par Valérie Hayer récolterait 16,5 %. La liste socialiste de Raphaël Glucksmann enregistre la plus forte progression en un mois et atteint 12 %, +3,5 % par rapport à l’enquête Elabe du mois de mars. Comment analysez-vous cette hausse de la liste PS-Place Publique ? Le scénario du croisement des courbes entre Raphaël Glucksmann et Valérie Hayer est-il possible ?

C’est un scénario que j’envisage. Je trouve ça très intéressant. Cette progression de Raphaël Glucksmann est assez logique, en particulier pour deux raisons.

D’une part, la Nupes s’est discréditée autour de Jean-Luc Mélenchon et de LFI, notamment sur la question du conflit israélo-palestinien et celle des violences policières. La gauche islamo-gauchiste et du bruit et de la fureur a pris un coup d’arrêt et aujourd’hui Manon Aubry a de mauvais sondages. Ajoutez à cela, des écologistes peu visibles et dont la gestion des grandes métropoles est assez calamiteuse.

D’autre part, Emmanuel Macron a délaissé son centre-gauche. On l’a vu au moment de la loi immigration ou pendant la réforme des retraites. Les représentants de l’aile gauche de la macronie, comme Clément Beaune ou Sacha Houlié, ont systématiquement perdu les arbitrages face à l’aile droite de la majorité. Cela laisse une place pour une gauche sociale-démocrate ou socialiste comme celle de Raphaël Glucksmann.

Aussi, l’essayiste et c’est tout à fait son droit, a également la chance d’être appuyé par une certaine partie des médias. Quand vous faites régulièrement la Une de certains magazines, que vous êtes bien traités par les radios de service public, etc. cela fait une sacrée différence avec la France Insoumise qui aujourd’hui, par exemple, a peu de relais médiatiques. Raphaël Glucksmann est d’une certaine manière le candidat d’un système.

Les Jeux olympiques vont se dérouler du 26 juillet au 11 août. La menace terroriste et des problèmes en matière de sécurité planent sur la France et sur cet événement ? Craignez-vous des débordements voire pire ? On se souvient du stade de France en mai 2022 et des émeutes de l’an dernier…

La question est d’abord de se demander comment nous en sommes arrivés, en France, pays jadis prospère, pacifique et paisible, à redouter une liesse, une fête nationale ou internationale comme peuvent l’être les Jeux Olympiques ? C’est extrêmement préoccupant et cela illustre l’état de déséquilibre, d’incertitude qui traverse la France. Un pays comme le nôtre, qui ne serait pas capable d’organiser décemment une cérémonie de ce niveau serait un pays qui irait bien mal.

Ensuite, je pense que nous avons plutôt intérêt à maintenir nos festivités comme nous les avons pensées, avec bien sûr tout ce que cela comporte en matière de sécurité en amont, comme un travail de renseignements et également un travail de protection des abords des lieux de filtrage. Il conviendra de le faire avec le meilleur plan sécuritaire possible.

C’est terrible parce que cela fait des décennies que nous vivons avec la menace terroriste, que nous acceptons de passer avec des badges sur tel ou tel endroit, d’avoir des policiers gendarmes et des militaires de l’opération Sentinelle qui patrouillent dans nos rues. Nous vivons sous le joug des terroristes islamistes.

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