Pourquoi l’inflation plombe le sentiment de bien-être des Français ?

Fin 2022, les grandes dimensions du bien-être subjectif retrouvaient des niveaux similaires à ceux enregistrés pendant la crise des «gilets jaunes». Illustration.
Photo: Pixabay
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L’inflation ne pèse pas seulement sur le pouvoir d’achat des Français, mais aussi sur leur bien-être.
Depuis le premier trimestre de l’année 2022, l’indicateur de satisfaction des ménages de l’Observatoire du bien-être, rattaché au Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap), est en effet en baisse.
À la fin de l’an passé, les grandes dimensions du bien-être subjectif ont retrouvé ainsi des niveaux similaires à ceux enregistrés pendant la crise des « gilets jaunes ». Elles sont identifiées grâce à vingt questions invitant les enquêtés à donner des notes entre 0 et 10, par exemple, « dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre santé ? », 0 valant pour « pas du tout satisfait » et 10 pour « complètement satisfait ».

Ensuite, l’inflation crée de l’incertitude et brouille les anticipations que peuvent former les ménages concernant l’avenir. Enfin, les ménages sont très inégalement exposés à l’inflation, en particulier face aux prix de l’énergie et de l’alimentation, ce qui conduit à un impact disproportionné sur certains budgets.
Une inquiétude face à l’avenir
En d’autres termes, la perte de bien-être en 2022 paraît d’abord liée, pour la grande masse des ménages, à des inquiétudes quant à l’avenir.
Ainsi, l’indicateur de bien-être subjectif qui a le plus souffert dans l’année correspond à la question : « quand vous pensez à ce que vous allez vivre dans les années à venir, êtes-vous satisfait de cette perspective ? » Il a chuté de concert avec l’indice synthétique de confiance des ménages de l’Insee qui agrège différentes variables tel que l’opinion sur les niveaux de vie passés et anticipés, sur les perspectives de chômage ou sur l’opportunité d’épargner ou non.


Notons qu’au cours des semaines récentes, nous avons assisté à une forte augmentation des expressions de colère, en parallèle avec la contestation de la réforme des retraites.
Les Français de plus en plus éco-anxieux
Au-delà de l’inflation et de la guerre en Ukraine, la menace climatique affecte également le bien-être de la population. Alors que moins de la moitié des Français plaçaient le réchauffement climatique parmi leurs deux premières préoccupations en 2016, c’est maintenant le cas de 60% d’entre eux. Cette progression régulière illustre la prise de conscience grandissante par les Français de l’urgence de la crise climatique en cours.
Cette éco-anxiété pousse aujourd’hui les Français à agir : 61% de la population déclare ainsi participer activement à la lutte pour la protection de l’environnement. Plus d’un tiers des répondants estiment pouvoir faire davantage et seule une très faible fraction pense qu’il n’est pas vraiment utile d’agir individuellement. Notons d’ailleurs que les personnes qui indiquent la nécessité d’un investissement individuel maximal déclarent également un niveau de satisfaction dans la vie plus élevé que ceux qui évoquent un manque de moyens pour agir.

Les motivations entraînant l’action pro-environnementale des individus sont plus diversement réparties. Si 40% de la population pense avant tout à laisser aux générations futures un environnement de qualité, la protection de la santé (25%) ainsi que de la nature et des espèces animales et végétales (22%) constituent ainsi des motifs d’action également.
Une nostalgie du passé
Comme nous l’avions relevé dans notre précédent baromètre qui portait sur l’année 2021, l’inquiétude face à l’avenir a pour contrepartie le repli vers le passé. Nous posons depuis le début de notre enquête la question suivante : « certaines personnes aimeraient bien vivre dans une autre époque en France. Si vous aviez le choix, laquelle choisiriez-vous ? ».
Nous laissons à cette question la possibilité de répondre « l’époque actuelle », et de fait 27% des répondants la choisissent. Les deux tiers des répondants choisissent des périodes passées, tandis que l’avenir n’attire que moins de 3% des répondants. Or, on note un net décrochage des réponses en faveur des époques passées depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Enfin, comme l’an dernier, nous relevons que la sphère proche (familles, amis, relations professionnelles) constitue un autre refuge face aux inquiétudes. Les relations avec les proches et le sentiment de pouvoir en attendre du soutien restent ainsi des points de satisfaction importants. Au sein de notre jeu de questions, celles-ci attirent régulièrement les scores moyens les plus favorables.
Mathieu Perona, directeur exécutif de l’Observatoire du bien-être du Cepremap, et Claudia Senik, directrice de l’Observatoire, ont rédigé les rapports 2020 et 2021 « Le Bien-être en France ». Le rapport 2022 sera présenté lors d’une conférence en ligne le 21 avril 2023.
Article écrit par Claudia Senik, Directrice de l’Observatoire du bien-être du CEPREMAP, Professeur à Sorbonne Université et à Paris School of Economics, Sorbonne Université
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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