De l’hôpital au cimetière: en Argentine mourir est devenu un luxe

Par Epochtimes.fr avec AFP
30 décembre 2019 14:10 Mis à jour: 30 décembre 2019 14:33

Personne n’échappe à la crise économique qui secoue l’Argentine, pas même les morts: dans ce pays où près de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, les enterrements et l’entretien des tombes sont devenus un luxe

« Le problème est économique. Les gens n’ont pas d’argent pour se payer un service funéraire, ils s’aident entre proches ou ils empruntent, certains viennent payer avec des dollars qu’ils avaient mis de côté ou gardé sous le matelas », raconte à l’AFP Juan Tapia, un des propriétaires des pompes funèbres Cocheria Tacuari.

« Nous proposons des services toujours moins chers car, malheureusement, les gens n’ont plus le pouvoir d’achat d’il y a quelques années. Devoir en payer un, cela pourrait revenir pour certaines familles à ne pas manger durant un mois », ajoute-t-il.

La prestation la plus accessible qu’offre cette maison, fondée il y a 60 ans à Buenos Aires, est la crémation sans veillée funèbre, à 25.000 pesos (quelque 376 euros). De l’hôpital, le défunt va directement au cimetière, dans un cercueil basique en bois de peuplier.

En fonction de la qualité du cercueil et des prestations, la facture d’un enterrement peut atteindre les 180.000 pesos (2.700 euros environ).

Le service « direct » est devenu le plus populaire

« Près de 90% (des clients) optent pour la crémation. Les jeunes ne veulent rien savoir d’une tombe, ni d’une case dans un columbarium, ni d’un caveau », fait valoir M. Tapia.

En 2018, sur le total des décès enregistrés à Buenos Aires, 78,5% ont abouti à une crémation, selon les calculs de l’AFP à partir des registres officiels. Il s’agit du chiffre le plus élevé de la dernière décennie.

« Pour louer un espace dans un cimetière il faut payer une certaine somme par an et beaucoup ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire, alors ils optent pour la crémation », qui n’entraîne pas de frais sur le long terme, décrypte cet expert, dans un pays qui traverse sa plus grave crise économique depuis 2001 et dont le nouveau gouvernement vient d’adopter des mesures d’urgence.

En cas d’inhumation ou si l’urne contenant les cendres est déposée dans un columbarium, les cimetières municipaux de la capitale argentine facturent des droits annuels et des frais d’entretien qui vont de 400 à 2.000 pesos (de 6 à 30 euros).

Dans les cimetières privés, les parcelles sont vendues à partir de 55.000 pesos (830 euros) et le coût d’entretien revient, au minimum, à 500 pesos (7 euros) par mois.

Il y a quelques mois, Patricia Alvarez, traductrice, a mis une annonce sur internet pour revendre une case achetée par sa famille dans le cimetière municipal de la Chacarita, en plein Buenos Aires.

Les tombes abandonnées sont nombreuses

« Je la vends, car cela n’a plus de sens » d’en posséder une, explique-t-elle à l’AFP. Pour l’heure, elle n’a reçu aucun appel.

« La dépense n’est pas si élevée, il s’agit de quelque 500 pesos par mois, mais quand ça s’accumule, ça peut être gênant et cela s’ajoute à d’autres frais en ce moment », confie-t-elle.

La case de la famille Alvarez est en bon état, mais d’autres semblent accumuler des dettes, comme l’indiquent les panneaux priant les propriétaires de « passer voir l’administration » du cimetière.

Dans les allées, les tombes abandonnées, envahies par la végétation, ou détruites, sont nombreuses.

Debout à côté de la tombe de sa mère, gants et sécateur en main, Maria ne préfère pas donner son nom de famille par crainte des représailles du personnel du cimetière.

Ces nouvelles pratiques correspondent à un changement culturel

« Je ne pense plus payer (l’entretien) 1.500 pesos (22 euros) par mois pour couper l’herbe. C’est trop! Je préfère venir et le faire moi-même », raconte-t-elle.

Pour Jorge Bonacorsi, président de la fédération argentine des services funéraires (FADEDSFYA), ces nouvelles pratiques correspondent à un changement culturel et s’inscrivent dans une tendance globale.

« Ce qui prime désormais, c’est un certain côté pratique au niveau des sentiments. Les gens veulent en finir (rapidement) avec ce problème », explique M. Bonacorsi.

De son côté, Daniel Ferreyra, un des responsables du groupe de cimetières privés Grupo Jardin del Pilar, situés en banlieue nord de la capitale, met en garde: « le service direct de l’hôpital au cimetière a un effet psychologique très fort, car il ne permet pas aux proches de faire leur deuil ». 

 

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