ENTRETIEN – Le capitaine de gendarmerie, président du parti Notre Nation, auteur de Vérités d’un Capitaine de Gendarmerie (Magnus, 2024) Hervé Moreau analyse pour Epoch Times les causes du phénomène des rodéos urbains.
Epoch Times : Le 10 mai, un sapeur-pompier a été percuté par un automobiliste de 19 ans alors qu’il tentait d’interrompre un rodéo urbain. Le soldat du feu âgé de 38 ans n’est pas la première victime de ce phénomène. En novembre 2024, une jeune femme de 18 ans était tuée sur le coup lors d’un rodéo urbain à Bassens en Gironde. Deux mois auparavant, une fillette de 7 ans était fauchée par un motard à Vallauris (Alpes-Maritimes). Elle n’a pas survécu. Ce phénomène n’est-il pas devenu incontrôlable ?
Hervé Moreau : Il est effectivement devenu incontrôlable, en l’état de notre législation. Les forces de l’ordre, mais aussi les pompiers professionnels et volontaires effectuent un travail remarquable et font preuve d’un sens de la mission exceptionnel, notamment pendant leurs interventions.
Mais nous en revenons toujours au même problème : l’absence de volonté et de courage politique. Ceux qui sont censés prendre des décisions fortes ont souvent peur de tout. Ils craignent les polémiques, les émeutes en cas de mise en œuvre de politiques de fermeté qui sont pourtant tellement attendues par le peuple français.
À cela s’ajoute souvent l’absence de commandement des forces de l’ordre sur le terrain. Quand j’étais en fonction, le « pas de vague » et le carriérisme régnaient en maîtres. Libre à un fonctionnaire de police ou de gendarmerie d’obéir ou pas aux injonctions qui lui sont données, lorsqu’il est confronté au danger.
Pour ma part, j’étais sur le terrain le plus souvent possible et je n’obéissais pas aux directives consistant par exemple à ne pas prendre en chasse dans le cas d’un refus d’obtempérer. Le rôle d’un chef sera toujours de montrer l’exemple et d’agir. Ceux qui sont sur le terrain en première ligne connaissent la réalité et savent ce qu’il faut faire pour lutter contre cette criminalité endémique.
À cause de l’immobilisme ou de la frilosité, de cette propension consistant pour beaucoup à toujours se couvrir, rien ne change et la délinquance prospère.
Comment avez-vous vu ce phénomène évoluer au cours de votre carrière ?
Dans le département dans lequel j’ai servi, la Côte d’or, j’ai vu des collègues être heurtés par des jeunes motards alors qu’ils tentaient de les arrêter. Un gendarme heurté très récemment près de Nancy dans les mêmes circonstances souffre de multiples fractures et a failli en mourir.
Aujourd’hui, le phénomène touche autant les zones rurales qu’urbaines. Les jeunes se sont progressivement nourris du sentiment d’impunité sacralisé par le Code de la justice pénale des mineurs.
L’individu qui a renversé le pompier à Évian-les-Bains, étant âgé de 19 ans, ne bénéficiera pas de l’excuse de minorité et aura des comptes à rendre, mais il faut bien comprendre que beaucoup d’auteurs de rodéos sont très jeunes. D’ailleurs, même si ce Charly B. est sévèrement sanctionné, la plupart ne le seront pas. C’est tout le problème…
À la source de ces rodéos urbains, vous avez des guerres de territoires entre bandes rivales et ensuite la volonté de défier l’autorité légitime de l’État et donc tout ce qui porte un uniforme, quel qu’il soit. Et quand des policiers, des gendarmes ou des pompiers interviennent dans ce que les délinquants estiment être leurs territoires, ils se montrent ultraviolents contre eux, sans en subir aucune conséquence.
On en est là. On recule et on s’écrase. Le policier ayant récemment fait usage de son arme à Drancy était acculé et il a agi à mon sens en situation de parfaite légitime défense. C’était ça ou être lynché, encore et toujours dans le cadre d’un rodéo urbain. Les lois sont faites pour protéger et servir la société. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Il est ainsi urgent de donner une présomption de légitime défense aux policiers et aux gendarmes. Dans le cadre d’un refus d’obtempérer, la loi vous permet d’ouvrir le feu, en situation de légitime défense, uniquement lorsque le véhicule fonce sur vous, en réaction réflexe. Je préconise de faire évoluer la législation afin que les forces de l’ordre puissent tirer une fois que le véhicule les a dépassés. Si cela était rendu légalement possible, on passerait de 25.000 situations de ce type chaque année à presque aucune. C’est un choix de société et il faut savoir ce que l’on veut !
Les autorités sont en permanence défiées et à chaque fois, nous franchissons un palier supplémentaire vers la barbarie et la sauvagerie. La loi du plus fort s’est substituée à la loi de la République. C’est de cela dont on parle. Nous vivons certainement les prémices d’une guerre civile, laquelle arrivera avec certitude si nous continuons de subir et de nous soumettre. Les délinquants ne respectent que la force.
Les individus responsables de ces actes ne semblent plus craindre quoi que ce soit. L’individu ayant renversé le pompier à Évian-les-Bains a fait demi-tour pour cracher sur la victime…
Il y a aujourd’hui en France, environ 1500 crimes et délits chaque jour. Dans cette folie criminelle, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains sont une forme de manifestation exacerbée de ce refus d’autorité.
Ces jeunes qui se rendent coupables de tels actes sont animés par une psychologie relevant de l’impunité absolue. Ils se disent qu’ils peuvent conduire sans permis, sans assurance tout en étant sous l’emprise de stupéfiants et d’alcool sans qu’ils ne soient inquiétés de quoi que ce soit.
En effet, la justice ne punit pas et ils ne sont presque jamais incarcérés. Je vous le répète, aussi longtemps que nous serons jugés faibles, il n’y a aucun progrès ou changement à attendre et à espérer. Ceux qui ne respectent rien, ni la loi, ni la vie humaine continueront d’aller toujours plus loin.
À l’hyperviolence on ne peut répondre que par l’hyper-répression. Tout le reste, c’est du verbiage et de l’idéologie émanant de décideurs qui ignorent tout des réalités et des souffrances du peuple puisqu’ils n’y ont jamais été véritablement confrontés.
« On ne réglera pas le problème de l’hyperviolence, notamment des mineurs, sans une réforme, au-delà d’une réforme, une révolution pénale », déclarait la semaine dernière Bruno Retailleau au Sénat. Partagez-vous ce terme de « révolution pénale » ?
Oui, il n’y a en effet aucun doute. Une révolution pénale s’impose. Il ne s’agit pas encore de rejoindre la logique qui prévaut au Salvador. Nous n’avons pas encore atteint le niveau de criminalité de ce pays avant que des mesures drastiques n’y soient prises contre les gangs mais nous l’atteindrons très vite si rien n’est fait. Ce sera toujours pire et une vraie politique sécuritaire, répressive et inflexible doit être bâtie, pensée et mise en œuvre.
Nous devons revenir au respect de la hiérarchie, de la loi et de l’autorité. Et ceci ne pourra se faire sans une justice véritablement répressive. À Notre Nation, nous estimons que les peines planchers doivent être remises en place et nous prônons un abaissement de la majorité pénale à 15 ans. Sortons de la logique Taubira-Belloubet-Dupond-Moretti qui ne conduit qu’au laxisme judiciaire et à l’irresponsabilité pénale des malfrats. Et cela pour le plus grand malheur des victimes et de tous ceux qui souffrent au quotidien, pris en otage par les trafiquants et les gangs dans toujours plus de zones de non droit.
Le parti que je préside a accueilli beaucoup de policiers et de gendarmes retraités. Et même des militaires d’active, qui malgré leur devoir de réserve ont sauté le pas parce qu’ils ne supportent plus de voir notre pays sombrer. La politique, c’est servir le peuple et agir avec courage, parfois au risque de déplaire aux idéologues. Il faut sortir de l’incantation et du jeu politicien que j’observe actuellement à l’Assemblée nationale ou de la part de la grande majorité des membres du gouvernement.
Il faut également faciliter le travail des forces de l’ordre…
Faciliter le travail des policiers et des gendarmes suppose, encore une fois, du volontarisme politique.
J’imagine que si nos dirigeants étaient issus des forces de l’ordre ou des forces armées, c’est-à-dire des individus qui ont été confrontés à la réalité du terrain et qui ont risqué leur vie, ils agiraient différemment.
Je note toutefois que certains ouvrent les yeux sur la réalité. Je pense notamment à Bruno Retailleau dont je félicite l’élection à la tête des Républicains.
La peur doit changer de camp. En 2024, 15.000 policiers, 10.000 gendarmes et 60 pompiers ont été blessés pendant leur service. Ces chiffres ne sont pas tolérables. Nous devons sonner la fin de la récréation pour les délinquants, sinon très vite ce sont les morts qui succèderont aux blessés. Personne n’a oublié notre regretté camarade Éric Masson, notre sœur Mélanie Lemée ou notre frère Éric Comyn et les mots de sa veuve, si lourds de sens : « La France a tué mon mari » ! Non, c’est l’absence d’actes de la part de ceux qui auraient pu agir et qui n’ont rien fait. Mais je l’affirme, ici et maintenant, ils sont morts pour rien ! Si rien ne change c’est que rien n’est fait.
Pour ce qui est des rodéos urbains, les véhicules saisis doivent être systématiquement détruits. Cette mesure radicale permettrait de contourner une faille juridique très contraignante. Les délinquants s’échangent les véhicules entre eux. Ainsi, les auteurs de rodéos interpellés ne sont jamais propriétaires des véhicules avec lesquels ils commettent ces actes. Les enquêteurs sont empêchés de faire leur travail.
Le droit doit servir la société et non l’inverse. Nous sommes confrontés à un carcan juridique qui provoque une impuissance et une soumission à la loi du plus fort. Cela n’est plus tenable.
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