La demande chinoise en bœuf bolivien favorise la déforestation et les incendies

Par Autumn Spredemann
29 octobre 2021 17:51 Mis à jour: 29 octobre 2021 17:51

La montée en flèche de la demande chinoise en bœuf bolivien entraîne des feux de forêt et la déforestation, car les éleveurs de bétail  brûlent et taillent la jungle de l’écosystème amazonien pour faire place aux pâturages.

Le problème s’est aggravé depuis avril 2019, lorsqu’Evo Morales, alors président et chef du parti Mouvement pour le socialisme (MAS), a signé un accord avec le Parti communiste chinois (PCC). L’accord triplait les exportations de bœuf bolivien.

En août de la même année, malgré un rapport officiel indiquant que 15 625 ha de la région de Chiquitania dans le département de Santa Cruz avaient déjà brûlé, Evo Morales annonçait l’expédition inaugurale de deux conteneurs de bœuf vers la Chine. Pour répondre à la demande chinoise, la culture des terres était délaissée au profit de la création de pâturages.

En décembre, le ministère de la Défense a indiqué 4 472 familles ayant subi des pertes à la suite des incendies, 98 blessés, 1 mort et 40 millions d’arbres incinérés.

Dans la municipalité de Porongo, à la périphérie de la banlieue ouest de la ville de Santa Cruz, les feux de forêt ne sont pas rares.

Le ranch de Vargas à Porongo, dans le département de Santa Cruz, le 26 septembre 2021. (Autumn Spredemann/Epoch Times)

Manuel Vargas, 44 ans, un éleveur de bovins qui vit sur une ferme d’environ 10 ha, utilise le brûlis pour pouvoir créer des pâturages.

« Les vaches ont besoin de manger et plus de vaches signifie plus de terres à défricher », explique M. Vargas pour Epoch Times, en haussant les épaules. « Cela coûte cher de garder des vaches, donc nous devons gagner de l’argent. Je suis un petit éleveur par rapport aux autres. Je n’ai pas de machines pour défricher les terres [pour les pâturages], donc le feu est le moyen le plus rapide de créer plus de terres pour les vaches. »

M. Vargas ajoute : « Je ne suis qu’un seul homme [travaillant] avec mes deux fils. Comment pourrions-nous défricher la terre d’une autre manière ? »

Les exportations de bœuf vers la Chine ont augmenté de façon spectaculaire, passant de 3 000 tonnes en 2019 à 10 000 tonnes en 2020, selon l’Institut bolivien du commerce extérieur (IBCE). La Chine a reçu 80 % de tout le bœuf exporté par le pays, selon l’IBCE.

L’ambassadeur de Chine en Bolivie, Huang Yazhong, a déclaré en 2019, que la Chine avait reçu l’autorisation de procéder à l’importation de bœuf bolivien et, en un an seulement, la Chine est devenue la destination principale des exportations de viande du pays.

Zone touchée par un incendie de forêt dans la région de Chiquitania,  Santa Cruz, en août 2019. (Cesar Calani Cosso/Epoch Times)

Selon un rapport, la hausse des exportations de bœuf a coïncidé avec deux saisons de feux de forêt qui ont détruit plus de 10 millions d’ha de forêt amazonienne en Bolivie. La perte de terrain au profit de la culture sur brûlis a connu un pic spectaculaire en 2019 et 2020, selon les données publiées par la Société de conservation de la faune et de la flore et par la Fondation des amis de la nature.

Julio, 33 ans, pompier volontaire et ancien chef d’équipe de recherche et de sauvetage de l’armée, a affirmé à Epoch Times : « Cet accord avec la Chine a tué notre jungle. »

Il a préféré ne pas révéler son nom complet étant donné qu’il travaille pour le MAS.

En août 2019, Julio a combattu des incendies dans la région de Chiquitania et a été horrifié par ce dont il a été témoin. « J’ai vu des cadavres d’animaux qui avaient essayé d’échapper au feu. Ceux qui ont survécu sont morts en 2-3 jours parce qu’il n’y avait rien [pas d’eau] pour eux nulle part. Tout était brûlé ».

Zone touchée par un incendie de forêt dans la région de Chiquitania, Santa Cruz, en août 2019. (Cesar Calani Cosso/Epoch Times)

Le département de Santa Cruz est le plus grand exportateur de viande bovine du pays, avec environ 24 000 éleveurs. En conséquence, il détient le record du nombre d’incendies de forêt de tous les États du pays. Cette année, les départements de Santa Cruz et de Beni représentaient 94 % de toutes les zones brûlées, avec 338 000 ha perdus  au mois de juillet.

Un économiste bolivien et éducateur en développement agricole, Eduardo Hoffmann, a déclaré à Epoch Times que l’accord sur le bœuf conclu par la Bolivie avec le PCC constituait « un désastre ».

« Quand on parle du pour et du contre, il n’y a vraiment pas de pour [avec l’accord d’exportation], à moins que ce soit vous qui en tiriez de l’argent », a dénoncé M. Hoffman.

Seuls l’industrie agroalimentaire et le gouvernement tirent profit de l’accord, a-t-il expliqué Et pourtant le gouvernement avait promis un rebond économique profitable pour tous. M. Hoffman a également été franc lorsqu’on lui a demandé s’il pensait qu’il y avait un lien entre l’accord d’exportation du PCC et l’augmentation des terrains sinistrés à cause des incendies de forêt depuis 2019.

« La question d’un rapport [entre les deux] ne se pose même pas. C’est absolument lié. »

La carcasse d’un capybara dans une zone touchée par un incendie de forêt dans la région de Chiquitania, à Santa Cruz, en août 2019. (Cesar Calani Cosso/Epoch Times)

Il est légal pour les agriculteurs et les éleveurs d’utiliser la culture sur brûlis grâce à une loi que Morales a promulguée le 25 avril 2019, à l’époque de la signature de l’accord commercial avec le PCC. Dans le cadre de ce qu’il appelle une « politique de gestion intégrale des incendies », le gouvernement délivre des permis de défrichage par le feu. Grâce à cette politique, le gouvernement accorde des permis valables trois ans pour les exploitations ayant des perspectives agricoles et cinq ans pour les exploitations tournées vers l’élevage. La loi prévoit également une réduction des amendes pour ceux qui brûlent des terres sans autorisation du gouvernement, à condition qu’elles soient payées en temps voulu.

De retour au ranch, M. Vargas reste équivoque quant aux incendies de forêt. « Que peut-on faire ? Sommes-nous censés refuser de l’argent ? » M. Vargas s’interroge tout en regardant les vaches paître dans son champ. « Bien sûr, ils [les incendies] sont mauvais chaque année, mais ils finissent toujours par s’éteindre« .

Epoch Times a contacté le bureau du ministre du Commerce extérieur et de l’Intégration, qui a refusé de commenter.


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