La vacuité de l’idéal transhumaniste

Par David Bell
27 novembre 2023 21:20 Mis à jour: 27 novembre 2023 21:20

Le « Jeune lièvre » (Feldhase) d’Albrecht Dürer est accroché à un mur du musée Albertina de Vienne. Ce tableau a pour moi une grande importance depuis mon enfance, car j’ai grandi en aimant l’art, bien que je vivais loin de tout chefs-d’œuvre, à une centaine de kilomètres du musée d’art le plus proche et surtout à environ 10.000 kilomètres du musée de Vienne. Le Jeune Lièvre est magnifique, et Dürer aimait manifestement son sujet – les détails sont surprenants et la beauté de la nature nous dépasse. Je suis tombé dessus par hasard dans ce musée, je ne savais pas que l’original était là, mais selon moi il n’y a pas de hasard.

Le monde qui nous entourait, dans mon enfance, était quelque chose du même genre. Il y avait des coléoptères de Noël irisés, des hirondelles de montagne et des frênes qui s’élevaient à des centaines de mètres au-dessus du sol de la forêt. De vastes plages aux eaux azurées et depuis les collines situées derrière la ville, une vue sur la baie époustouflante, ainsi que sur les criques et les îles. La nuit, la Voie lactée semblait si claire qu’elle ressemblait à du lait constellé de diamants.

L’enfance, c’est aussi marcher dans la boue pour aller pêcher des anguilles dans le ruisseau, se promener toute la journée seul dans la brousse, taper dans un ballon et charrier du foin. Une enfance différente de celle des écrans. Tout comme le « Jeune lièvre » de Dürer, tout cela n’était que pur .

Il s’agissait, et il s’agira toujours, au cours des centaines de milliers d’années d’existence de l’humanité, de quelque chose de totalement différent. Nous allons à la plage parce qu’il y a quelque chose qui nous comble ; nous écoutons un concert ou regardons un paysage pour la même raison. Comme la beauté de l’amour dans les relations humaines proches, il y a des choses intouchables plus grandes que la simple survie ou l’accumulation de biens pendant ce moment éphémère sur terre.

Pourtant, on nous apprend à mépriser cette inutilité. En ce moment, dans nos rues, de nombreux manifestants réclament la mort de personnes qu’elles n’ont jamais rencontrées. Ils revendiquent leur droit à soutenir les actes de tel ou tel attaquant et condamnent ceux qui recherchent la paix. Certains font même carrière et s’enrichissent en fabriquant et des bombes et des roquettes pour tuer les autres.

Et pourtant, il est possible de rationaliser cette destruction d’autrui. Après tout, nous ne sommes que des masses de matière organique codée par de l’ADN, et la plupart des cellules qui voyagent avec nous ne appartiennnent même pas, des simples bactéries. Nous mourons et nous nous mélangeons dans la poussière, et ne survivont dans l’esprit des vivants que sous la forme d’un coucher de soleil passé ou le souvenir d’une peinture de l’enfance.

Les souvenirs des autres, quelque part, sont codés dans notre cerveau. Si la beauté n’était qu’un codage de substances chimiques qui n’existe que dans l’œil de celui qui regarde, alors elle ne serait rien. Si le corps d’un enfant tué par une bombe n’est rien d’autre que de la matière organique éphémère, alors tout l’engouement actuel autour de la mort est parfaitement justifiable, et rien de tout cela n’aurait vraiment d’importance, pas plus qu’un coucher de soleil, un poème ou un acte d’amour. Tout cela ne serait que futilité passagère.

Ainsi, chacun pourrait utiliser la vie ou la mort des autres pour arriver au sommet, et pour atteindre n’importe quelle forme d’autosatisfaction codée par son cerveau. Pourquoi ne pas chercher à vendre le plus grand nombre de médicaments possible si cette vente apporte la richesse, et pourquoi ne pas balayer d’un revers de la main les préoccupations de tous ceux qui appellent à la paix si l’on peut tirer un quelque profit de la guerre, et pourquoi ne pas tourner en dérision tous ceux prêts à se sacrifier pour la vérité ?

Ce serait un monde où la beauté n’a pas sa place et où l’amour est lié à l’égoïsme. L’allégorie du jardin d’Eden nous montre  les risques d’une telle attitude.

Dürer a vécu à une époque difficile et est mort à une époque ravagée par les guerres. Pourtant, l’artiste a créé une beauté qui traverse les générations. Il y a cent mille ans, mes ancêtres levaient les yeux et s’émerveillaient devant les étoiles, la beauté de ce qui les entourait et is ont aimé et embrassé la nature. C’est seulement plus tard qu’ils ont fini par s’en détacher et ont commencé à tuer et probablement maltraiter leurs semblables ou tous ceux qui étaient différents.

Il y a des imbéciles aujourd’hui qui nous disent que les humains évoluent vers de nouvelles hauteurs, que la fusion entre la technologie, le corps et l’esprit humains nous apportera une humanité nouvelle et meilleure.

Et à en croire ceux qui cherchent à nous guider, se mentir à soi-même est parfaitement acceptable, et il est même de notre devoir de nous convaincre nous-mêmes que nous pouvons être ce que nous avons décidé d’être; qu’il n’y a pas de vrai sens, pas de vraie vérité, rien que le moment présent. On nous dit que cette beauté n’est rien d’autre qu’une construction mentale, et l’amour rien d’autre qu’une réaction chimique, une sorte de communication entre des cellules. C’est pratique car cela permet de faire n’importe quoi, de professer n’importe quel mensonge et de justifier n’importe quelle atrocité. Cela permet de justifier l’esclavage des autres et le meurtre des enfants.

Mais tout cela n’est qu’une vision utilitariste et vide qui n’accorde aucune valeur à la vie. Les humains ont toujours pensé de la sorte et cela ne devrait pas nous étonner. Nous devrions être lucide maintenant, après ces milliers d’années de répétition, et arrêter de croire que cettte vision du monde est nouvelle ou intelligente.

Nous devons tous, à un moment donné, donner du sens à ce sentiment profond quand par exemple nous regardons un coucher de soleil ou les yeux d’un autre, ou entendons le rire d’un enfant. Il y a quelque chose qui dépasse notre moi immédiat, une expérience partagée à travers le temps, qui change tout. Cela signifie qu’il y a quelque chose de non mesurable en chacun de nous, et que nous ne pouvons plus ignorer les résultats de nos actes, ni ceux que nous tolérons chez les autres.

Le fossé ne cesse de se creuser entre ceux qui reconnaissent cette vérité et ceux qui s’évertuent à vouloir construire la tour de Babel. On ne cherche pas ce que l’on a déjà trouvé. Reconnaître la beauté en dehors du temps ne nous empêche pas d’agir comme les humains l’ont toujours fait, mais cela devrait changer la façon dont nous percevons le bien et le mal que nos êtres dévoyés continuent de faire. Cela implique également qu’il y a Un au-delà et quelque chose de plus grand que nous, et nous serions irrationnels de ne pas écouter cette voix intérieure.

De l’Institut Brownstone

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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