JOHANNESBURG – Les dirigeants de l’économie la plus importante et la plus industrialisée d’Afrique et de la plus grande superpuissance du monde doivent se rencontrer à la Maison-Blanche mercredi, alors que les relations entre les deux pays sont apparemment au plus bas.
Le gouvernement sud-africain étant fermement ancré dans le camp des principaux ennemis géopolitiques de l’Amérique et accusé par le président américain Donald Trump de persécuter racialement les Afrikaners blancs, un analyste des relations internationales a estimé que le « potentiel de points chauds était ultra-élevé ».
Des responsables proches du président Cyril Ramaphosa ont affirmé que ce dernier était prêt à faire pression pour un nouvel accord commercial avec Washington, l’amélioration de l’accès des États-Unis aux richesses du pays en minéraux essentiels et en métaux précieux étant une « réelle possibilité ».
Mais d’abord, ont-ils ajouté, l’homme qui a négocié avec les dirigeants de l’apartheid pour mettre fin à la domination de la minorité blanche en Afrique du Sud au début des années 1990 « fera de son mieux » pour convaincre M. Trump qu’il n’y a pas de « génocide blanc » dans ce pays, comme l’a allégué le dirigeant américain à plusieurs reprises.
« Si M. Ramaphosa parvient à réparer la relation complètement brisée entre l’Afrique du Sud et les États-Unis, il aura accompli sa plus grande prouesse depuis qu’il a contribué à mettre l’Afrique du Sud sur la voie de la démocratie », a estimé la professeure Susan Booysen, directrice de recherche à l’Institut Mapungubwe pour la réflexion stratégique, un groupe de réflexion sud-africain.
« C’est loin d’être une tâche facile, et cela ne se fera pas en quelques jours, mais s’il y a quelqu’un [qui serait] capable de réussir, de restaurer le respect mutuel, c’est bien Cyril Ramaphosa », a-t-elle assuré à Epoch Times.
Pourtant, selon Steven Friedman, professeur au Centre d’étude de la démocratie à Johannesburg, l’Afrique du Sud représente l’antithèse du programme « Make America Great Again » (MAGA) de Donald Trump.
« L’Afrique du Sud garantit aux membres de la communauté LGBT certains des droits les plus solides au monde. Elle est favorable à l’avortement. Elle promeut la discrimination positive et l’émancipation économique des Noirs », a souligné M. Friedman à Epoch Times.
Les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), critiqués par le président Trump et ses hauts fonctionnaires comme étant discriminatoires, sont au cœur de la constitution libérale de l’Afrique du Sud.
Début février, le secrétaire d’État Marco Rubio ne s’est pas rendu à une réunion du G20 à Johannesburg, écrivant dans un billet sur X :
« L’Afrique du Sud fait de très mauvaises choses […] Utiliser le G20 pour promouvoir ‘la solidarité, l’égalité et la durabilité’. En d’autres termes : la DEI et le changement climatique. Mon travail consiste à promouvoir les intérêts nationaux des États-Unis, et non à gaspiller l’argent des contribuables ou à encourager l’antiaméricanisme. »
Toutefois, si M. Trump devait « interpeller Cyril sur ce point ou sur tout autre sujet », a indiqué M. Friedman, il ne s’attend pas à ce que le président sud-africain bronche.

« Je connais Cyril Ramaphosa depuis les années 1970 et je ne me souviens pas qu’il ait jamais perdu son sang-froid », a confié M. Friedman.
« C’est un diplomate et un négociateur d’une habileté et d’un calme extraordinaires. »
Selon Mme Booysen, M. Trump se concentrera probablement sur les relations du gouvernement Ramaphosa avec les adversaires de l’Amérique.
« Il est clair que Donald Trump méprise les amitiés entretenues par l’Afrique du Sud avec l’Iran, la Chine et la Russie. Cela signifie que la possibilité de points chauds est très élevée », a-t-elle souligné.
Pretoria soutient également un plan, piloté par Pékin et Moscou, visant à forger un « nouvel ordre mondial » en restructurant radicalement les instruments financiers mondiaux, en grande partie grâce à l’affaiblissement du dollar américain, un processus appelé « dédollarisation ».
En réponse, M. Trump a menacé en janvier d’imposer des droits de douane de 100 % aux pays qui « tentent de remplacer le puissant dollar américain », notamment l’Afrique du Sud et les autres membres du bloc économique des BRICS.
L’Afrique du Sud soutient également une « Palestine libre » et s’oppose à l’allié clé des États-Unis au Moyen-Orient, Israël, qu’elle accuse d’être un « État d’apartheid » et de génocide dans la guerre de Gaza en cours, déclenchée par l’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
Dans l’un des premiers décrets pris par le président Trump le 7 février, intitulé « Répondre aux actions flagrantes de la République d’Afrique du Sud », il a mis un terme à l’aide financière annuelle de 440 millions de dollars accordée à ce pays, en invoquant plusieurs raisons.
Il s’agit notamment de la signature par M. Ramaphosa d’une loi sur l’expropriation qui, selon M. Trump, vise à saisir les propriétés agricoles des Afrikaners, une minorité ethnique, sans les indemniser.
« Cette loi fait suite à d’innombrables politiques gouvernementales conçues pour démanteler l’égalité des chances dans l’emploi, l’éducation et les affaires, ainsi qu’à une rhétorique haineuse et à des actions gouvernementales qui alimentent une violence disproportionnée contre les propriétaires terriens défavorisés sur le plan racial », a écrit M. Trump.
En outre, a souligné le dirigeant américain, « l’Afrique du Sud a adopté des positions agressives à l’égard des États-Unis et de leurs alliés, notamment en accusant Israël, et non le Hamas, de génocide devant la Cour internationale de justice, et en revigorant ses relations avec l’Iran afin de développer des accords commerciaux, militaires et nucléaires ».
M. Trump a écrit que les « pratiques injustes et immorales » du gouvernement sud-africain, notamment les violations présumées des droits de l’homme, nuisent à la politique étrangère des États-Unis.
Il s’est engagé à « promouvoir la réinstallation des réfugiés afrikaners qui fuient les discriminations raciales soutenues par le gouvernement, notamment la confiscation de biens à des fins de discrimination raciale ».

L’administration Ramaphosa a répondu le 8 février par un communiqué publié par son Département des relations internationales et de la coopération, déclarant que « le principe fondamental de cet ordre manque d’exactitude factuelle et ne reconnaît pas l’histoire profonde et douloureuse de l’Afrique du Sud en matière de colonialisme et d’apartheid ».
Le département a affirmé que le décret de M. Trump « prévoit le statut de réfugié » pour « un groupe d’Afrique du Sud qui reste parmi les plus privilégiés sur le plan économique ». Il a également critiqué la politique d’immigration des États-Unis visant les personnes entrées illégalement dans le pays, affirmant que « des personnes vulnérables […] sont expulsées et se voient refuser l’asile en dépit de réelles difficultés ».
Quelques jours plus tard, dans son discours sur l’état de la nation, M. Ramaphosa a critiqué les politiques MAGA de M. Trump.
« Nous assistons à la montée du nationalisme et du protectionnisme, à la poursuite d’intérêts étroits et au déclin de la cause commune. Mais nous ne nous laisserons pas intimider », a déclaré M. Ramaphosa aux Sud-Africains, ajoutant que le pays soutenait « l’égalité des droits pour les femmes, les personnes handicapées et les membres de la communauté LGBT ».
M. Ramaphosa a également assuré que son administration « s’efforcera de renforcer [leurs] relations commerciales dans le monde entier et de tirer parti de [leurs] alliances mondiales solides et diversifiées pour rendre notre économie plus résistante ».
Des analystes ont interprété ces propos comme le refus du président sud-africain d’abandonner les liens historiques de l’ANC avec Pékin, Moscou et Téhéran, qui ont soutenu la lutte de son parti contre l’apartheid.
Pour Mme Booysen, les États-Unis et l’Afrique du Sud s’accusent mutuellement « des mêmes choses : le racisme, la corruption et les violations des droits de l’homme ».
« Le président Trump a lancé des critiques sans précédent contre l’Afrique du Sud, d’une intensité bien plus grande que celles qu’il a réservées aux ennemis plus traditionnels de l’Amérique », a-t-elle ajouté.
« [Les dirigeants sud-africains] ne le disent pas en public, mais Cyril Ramaphosa et les siens considèrent l’administration Trump et le mouvement MAGA comme des suprémacistes blancs. »
C’est devenu évident, selon elle, lorsque l’ambassadeur de Pretoria à Washington, Ebrahim Rasool de l’ANC, a qualifié l’administration Trump de « suprémaciste » lors d’un webinaire. M. Rubio a fini par expulser M. Rasool suite à ces remarques.
Les tensions ont atteint leur paroxysme la semaine dernière lorsque M. Trump a fait venir 59 Afrikaners blancs à Washington, ses représentants affirmant que les demandeurs d’asile fuyaient les persécutions raciales et les violences perpétrées par le gouvernement de M. Ramaphosa.
Dans ce contexte, un face-à-face dans le Bureau ovale entre M. Trump et M. Ramaphosa semblait impossible il y a encore quelques jours, a estimé M. Friedman, alors que l’animosité entre Washington et Pretoria atteignait son paroxysme.
Des représentants du gouvernement sud-africain, sous couvert d’anonymat car ils ne sont pas autorisés à parler aux médias, ont indiqué que des discussions sur les « profondes divergences » avaient eu lieu avec des représentants de Donald Trump « d’un niveau relativement bas » lorsque, soudainement, une rencontre avec le président américain s’est trouvée « sur la table », négociée par la personne la plus riche d’Afrique du Sud, le magnat de l’industrie du luxe Johann Rupert. News24 a été le premier à faire état de l’implication de M. Rupert.
Epoch Times a contacté M. Rupert pour obtenir des commentaires.
« Nous ne nous soucions pas de savoir comment nous sommes arrivés ici, mais nous sommes ici », a déclaré un ministre de haut rang à Pretoria. « Et maintenant, nous devons espérer le meilleur et faire en sorte que nos minutes avec M. Trump comptent. »
Commentant l’implication potentielle de M. Rupert, Mme Booysen a estimé que le fait qu’il ait fallu l’intervention de cet homme d’affaires pour que la rencontre ait lieu est « très significatif » et « montre à quel point les choses sont tombées au plus bas ».
Dans la perspective de la rencontre, rien n’indique que l’Afrique du Sud ait l’intention d’abandonner ses relations avec des pays comme la Chine, l’Iran et la Russie, ou de rejeter les politiques désapprouvées par les États-Unis.
Le ministre sud-africain des Relations internationales et de la Coopération, Ronald Lamola, a déclaré à Epoch Times : « Tout comme les États-Unis, l’Afrique du Sud a le droit de choisir ses propres amis. Nous avons le droit souverain de choisir nos propres orientations politiques. »
Quelle que soit l’issue de la rencontre de mercredi, a conclu Mme Booysen, M. Trump et M. Ramaphosa « n’en sortiront pas amis ».
« Le mieux que nous puissions espérer, c’est que les deux parties fassent preuve de pragmatisme », a-t-elle continué, « et que les températures élevées auxquelles nous avons assisté ces derniers mois baissent pour laisser place à une paix difficile qui, espérons-le, débouchera sur des victoires qui profiteront aux Sud-Africains et aux Américains ».
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