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Racisme antiblanc : « Ce phénomène s’exporte et grignote peu à peu tout le territoire », s’inquiète François Bousquet

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Photo: Crédit photo : François Bousquet

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Durée de lecture: 13 Min.

ENTRETIEN – L’essayiste, directeur de la rédaction de la revue Éléments, directeur de la Nouvelle Librairie, vient de publier Le racisme antiblanc : l’enquête interdite (La Nouvelle Librairie, 2025). Dans un entretien accordé à Epoch Times, il revient sur ce phénomène de société occulté par le monde universitaire, journalistique et une partie du monde politique.
Epoch Times : François Bousquet, dans votre ouvrage, vous analysez le racisme antiblanc comme un phénomène qui est inexistant pour les sciences sociales. Pourquoi le monde des chercheurs nie-t-il son existence et le qualifie souvent de concept « inventé par l’extrême droite » ?
François Bousquet : Depuis une dizaine d’années, la théorie du racisme systémique constitue un verrou mental redoutablement efficace qui empêche toute prise en compte du racisme antiblanc. Selon elle, le racisme ne peut émaner que du groupe social dominant, en l’occurrence les Blancs. Par conséquent, elle exclut par définition toute possibilité d’un racisme dirigé contre eux.
Les élites – universitaires, judiciaires, médiatiques et une frange significative de la classe politique – nient l’existence de ce phénomène parce qu’y consentir reviendrait à ébranler le récit dominant. Ce récit repose sur un postulat : le multiculturalisme serait intrinsèquement pacifique. Or, ce récit ne tient pas : le multiculturalisme produit de la conflictualité, pas de l’harmonie.
Je compare cet échafaudage idéologique à un jeu de mikado : il suffit de retirer la baguette du racisme antiblanc pour que l’ensemble vacille. C’est un point de bascule. Dans mon livre, je m’appuie notamment sur les travaux de l’universitaire Éric Kaufmann, qui démontre que pour fonctionner, le multiculturalisme suppose une asymétrie structurelle. Il repose sur une dichotomie irréductible : le Blanc occupe forcément la position du dominant, le « racisé » celle de la victime.
Pour corriger ce déséquilibre fonctionnel propre aux sociétés multiculturelles, ses promoteurs recourent à la discrimination positive – de manière explicite aux États-Unis, de façon plus implicite en Europe – avec pour conséquence l’émergence du racisme antiblanc.
Peut-on imaginer que le politiquement correct joue également un rôle dans le déni de ce racisme ? Certains croient en son existence, mais n’osent pas le dire par peur d’être ostracisés. Quel est votre point de vue sur le sujet ?
Il existe des mécanismes de déni, souvent liés à des biais cognitifs profondément ancrés en nous, mais qui sont particulièrement puissants dans le monde universitaire, où l’on ne recense, à ce jour, qu’un seul travail consacré au racisme antiblanc.
À cela s’ajoutent, comme vous le soulignez, des phénomènes d’opportunisme, de carriérisme et de peur. J’en suis venu à penser que nombre d’universitaires ou de journalistes procèdent à un calcul coût-bénéfice : ils préfèrent s’aligner sur la position dominante, moralement gratifiante et socialement protectrice, afin d’éviter toute mise au ban.
Le conformisme est une stratégie d’ascension sociale : s’aligner sur le récit officiel permet d’accéder aux instances de consécration, qu’il s’agisse du CNRS, des médias dits « mainstream » ou des centres de production du discours dominant.
Mais ce qui frappe chez cette élite de gauche, c’est l’écart entre le discours et les actes. L’incohérence est flagrante. Le député LFI du nord de Paris, Aymeric Caron, a inscrit sa fille dans un établissement privé à Versailles. Même duplicité chez Pap Ndiaye, ancien ministre de l’Éducation nationale et chantre du décolonialisme, qui a scolarisé ses enfants à l’École alsacienne.
Cette élite tient des discours d’ouverture, mais pratique au quotidien la fermeture.
Le cœur du problème reste cependant leur déni tenace de l’existence du racisme antiblanc et de la faillite du multiculturalisme. Ce déni n’est pas feint, ils y croient avec la ferveur de croyants. Ils pensent réellement que le monde de demain abolira les appartenances premières et que notre amour de l’autre est par essence réciproque.
Ils n’imaginent pas un instant que l’universalisme qu’ils professent puisse ne rencontrer, en face, qu’hostilité, parce qu’il se heurte à des identités solides, enracinées, exclusives.
Ils s’emmurent dans une vision du monde qui est suicidaire. Quand vont-ils se réveiller ? Cette question s’était posée à l’époque pour les Soviétiques. L’historien américain Martin Malia, spécialiste de l’Union soviétique, disait du communisme qu’il n’est pas une attaque contre les abus du capitalisme, mais contre la réalité. Tentative condamnée sur le long terme, mais qui peut fonctionner un certain temps. On en est là.
Cette foi quasi religieuse dans un modèle qui ne fonctionne pas rend inaudibles les voix dissidentes dans les salles de rédaction, les universités et les centres de recherche. C’est le cas de mon dernier ouvrage sur le racisme antiblanc, mais aussi de travaux portant sur la submersion migratoire ou sur les liens entre immigration extra-européenne et insécurité : ils n’ont pas droit de cité.
Le réel, pour ces élites, n’a plus de prise.
Vous parliez de « verrou mental ». N’est-il pas en train de sauter dans les médias, notamment depuis l’arrivée de CNews ?
CNews constitue une anomalie dans le paysage audiovisuel français, mais si l’on met cette chaîne à part, l’écosystème médiatique demeure globalement inchangé. L’accès aux « médias centraux », comme je les appelle, reste verrouillé.
Pire : ces médias se raidissent d’autant plus qu’ils prennent conscience de leur position minoritaire dans l’opinion. D’où, chez eux, une crispation croissante et des pulsions de censure qui n’étaient pas aussi marquées il y a encore quelques années.
La pluralité affichée cache mal un entre-soi de plus en plus étanche et liberticide.
Vous avez recueilli des témoignages pour votre ouvrage et la partie consacrée au « choc raciste ». Aujourd’hui, le racisme antiblanc que vous dénoncez est présent sur l’ensemble du territoire ? Des zones rurales sont-elles épargnées ?
Pour l’heure, le monde rural reste relativement épargné. La majorité des témoignages que j’ai recueillis font état d’un racisme antiblanc concentré dans les banlieues et dans les cités ouvrières désindustrialisées. Ce sont des zones marquées par une forte concentration de populations immigrées, où s’est installé un rapport de force ethnique quotidien.
Mais ce phénomène n’est pas cantonné à ces périphéries urbaines. Il s’exporte et grignote peu à peu tout le territoire. Pourquoi ne le ferait-il pas ? Il n’est ni nommé, ni reconnu, donc encore moins sanctionné. Ce déni institutionnel crée un vide où tout devient possible.
Plusieurs témoins m’ont ainsi rapporté des scènes de harcèlement verbal dans les transports scolaires en zones rurales. Il suffit, pour certains adolescents blancs, de s’asseoir à l’arrière d’un bus, faute de place à l’avant, pour se faire invectiver, insulter, voire intimider par d’autres jeunes issus de l’immigration. Ce sont des signaux faibles, mais révélateurs : le monde rural commence lui aussi à être touché. L’assassinat de Thomas, à Crépol, est là pour le rappeler.
Peut-on affirmer que les jeunes écoliers sont en première ligne de ce phénomène ?
Tout à fait. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les adultes le perçoivent mal. Le racisme antiblanc se développe principalement dans les univers adolescents, où il s’exprime de manière décomplexée.
Pour en saisir la logique, il faut établir un parallèle entre deux mondes a priori très éloignés : celui des prisons, où l’on observe un processus de décivilisation, et celui de l’adolescence, où s’apprennent justement les premiers codes de la vie en société. Dans ces deux univers, les logiques de solidarité reposent fréquemment sur des appartenances tribales, religieuses ou ethniques.
Des ex-collégiens et des enseignants m’ont rapporté l’existence de véritables mécanismes de ségrégation dans les cours d’école. Les élèves se regroupent selon la couleur de peau ou l’appartenance religieuse.
Le premier témoignage que j’ai recueilli, et qui a agi sur moi comme un véritable déclencheur, est celui d’un jeune homme me racontant qu’une dizaine d’années auparavant, dans un collège du Val-de-Marne, régnait dans la cour une forme de hiérarchie « ethnosexuelle ». Au sommet : le mâle extra-européen ; tout en bas : l’Européen. Et au cœur de cette hiérarchie, comme trophée ultime, la femme blanche.
Les nombreux témoignages que j’ai recueillis par la suite n’ont fait que confirmer cette réalité : celle d’un rapport de force ethnoculturel installé dès l’adolescence dans l’indifférence de l’institution scolaire.
Estimez-vous qu’aujourd’hui, au sein de la classe politique, le racisme antiblanc fait encore l’objet d’un tabou ? « Il existe un racisme antiblanc », déclarait en mars Bruno Retailleau. Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel reconnaissait également quelques jours plus tard son existence à l’antenne de CNews.
Fabien Roussel reste extrêmement isolé à gauche. Même constat pour la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, qui a également reconnu l’existence de ce racisme, tout en se retrouvant marginalisée dans son propre camp.
Quant à Bruno Retailleau, lorsqu’il affirme qu’il existe un racisme antiblanc, je ne peux qu’approuver. Mais je constate surtout que ces prises de parole relèvent de l’effet d’annonce. Elles ne s’accompagnent d’aucune traduction politique concrète. Il ne suffit pas d’énoncer une vérité dans l’espace médiatique ; il faut s’en emparer sur le terrain législatif et institutionnel.
Fabien Roussel ou Sophie Primas restent des exceptions. Songez à Aurore Bergé qui a avoué en début d’année avoir été traitée de « sale Blanche » et couverte de crachats, mais qui se refuse à y voir du racisme antiblanc, comme si le mot lui brûlait les lèvres.
Ces pudeurs de langage rappellent le traitement de l’affaire de Crépol : le procureur de Valence a refusé de retenir la circonstance aggravante de racisme dans le meurtre du jeune Thomas, tout comme il a refusé de communiquer sur les prénoms des agresseurs, pourtant majoritairement arabophones, alors même que le racisme antiblanc est au cœur de cette tragédie.
Nous avons donc encore un long chemin à parcourir avant que ce racisme cesse d’être nié ou euphémisé. Il est urgent d’en parler, d’autant plus que je continue, depuis la parution de mon enquête, à recevoir un flot de témoignages. Je prépare d’ailleurs un second volume.
Le racisme antiblanc n’est pas un épiphénomène : c’est un symptôme lourd, révélateur de la crise profonde que traverse notre pays. La question n’est plus de savoir s’il faut agir, mais jusqu’où le déni peut encore tenir.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.