Les talibans sont une réelle menace pour le patrimoine culturel de l’Afghanistan, selon un cinéaste

Par Venus Upadhayaya
7 septembre 2021 17:21 Mis à jour: 7 septembre 2021 17:21

Brent E. Huffman, le réalisateur de Saving Mes Aynak, un documentaire salué par la critique sur les efforts déployés pour préserver un site vieux de 5 000 ans contenant des statues de Bouddha, des peintures et d’autres artefacts près de Kaboul, s’inquiète du sort réservé au patrimoine culturel afghan par les talibans.

Le site archéologique de Mes Aynak se trouve au-dessus du deuxième plus grand gisement de cuivre du monde, dont la concession a été accordée à des sociétés chinoises il y a plus de dix ans, mais qui n’a pratiquement pas été exploité en raison de la menace des insurgés. Avec l’arrivée au pouvoir des talibans et l’allusion du PCC à un soutien à leur gouvernement, la situation pourrait bientôt changer.

M. Huffman a dit à Epoch Times dans un courriel que ce qui se passe en Afghanistan est la plus grande menace pour le patrimoine archéologique dans le monde aujourd’hui.

« Les personnes qui travaillent dans le domaine du patrimoine culturel pourraient être tuées par les talibans, et les sites anciens pourraient tous être pillés et détruits. L’histoire de l’Afghanistan pourrait être perdue à jamais », a dit M. Huffman.

Les anciens vestiges de Mes Aynak se trouvent sur une étape de l’ancienne route de la soie, au-dessus de mines de cuivre dont les réserves minérales se chiffrent en milliards de dollars. Le site se trouve à environ 40 km de Kaboul, dont les talibans ont pris le contrôle le 15 août.

Fin 2007, deux sociétés chinoises, China Metallurgical Group (MCC) et Jiangxi Copper Company Limited, ont obtenu un bail de 30 ans pour la mine de cuivre, pour un montant de 3 milliards $. Le documentaire de Brent E. Huffman suit le parcours d’un archéologue afghan qui, au cours des premières années du bail, a mené une « course contre la montre » pour sauver le site d’une « démolition imminente ».

Les travaux d’exploitation minière ont été interrompus et le site n’a donc toujours pas été développé. L’année dernière, 8 agents de sécurité afghans ont été tués à un poste de contrôle de la mine lors d’une attaque des talibans. Il s’agissait de la troisième attaque des talibans contre le site.

Pour assurer sa sécurité contre les insurgés, y compris les talibans, le gouvernement afghan avait déployé 1 750 policiers sur le site, avec 84 points de contrôle et tours de sécurité.

De nombreux archéologues internationaux, des experts afghans et des centaines d’ouvriers ont participé à la fouille du site et ont mis au jour des centaines d’objets, mais la majorité du contenu du site reste à découvrir.

Après que les talibans ont pris le contrôle de la province de Logar, où se trouve le site, M. Huffman s’est inquiété du fait que le monde allait perdre définitivement ces énormes trésors archéologiques et ce patrimoine culturel.

« Toutes les forces de sécurité dirigées par la police de Kaboul à Mes Aynak ont fui, laissant le site ouvert aux pilleurs. Cette ville ancienne est désormais entièrement sous le contrôle des talibans. Les talibans ont une longue histoire de destruction du patrimoine bouddhiste, comme les bouddhas de Bamiyan en 2001 et le bombardement du musée national de Kaboul la même année », a dit M. Huffman, ajoutant que les archéologues afghans qui ont risqué leur vie pour étudier et sauver la ville de Mes Aynak ont également quitté le site.

« Les talibans s’associent actuellement à la Chine pour exploiter Mes Aynak le plus rapidement possible. Mes Aynak contient plus de 100 milliards $ de cuivre, et une société minière appartenant au gouvernement chinois prévoit d’exploiter le site à ciel ouvert, un processus qui détruira complètement l’ancienne cité. »

Toutefois, dans un article intitulé « La Chine va offrir une aide ‘authentique’ à la reconstruction économique de l’Afghanistan au milieu d’une transition chaotique », le Global Times, média d’État chinois, cite un employé du consortium minier chinois exprimant l’espoir que l’exploitation minière commencera sous le régime dirigé par les talibans.

L’article du Global Times, publié le 24 août, indique que l’exploitation minière de Mes Aynak n’a pas pu se faire comme prévu en raison de « la nécessité de retirer les mines terrestres ».

Un des trésors de Mes Aynak. (Brent E. Huffman/German Camera Productions)

Le patrimoine de l’Afghanistan menacé

Pays totalement enclavé, l’Afghanistan a accueilli de nombreuses étapes de l’ancienne route de la soie. Situé à la croisée des chemins de la civilisation humaine, son patrimoine culturel et archéologique se compose principalement d’histoires islamiques, bouddhistes et zoroastriennes.

« L’Afghanistan possède l’un des plus importants et incomparables patrimoines culturels au monde, notamment des centaines d’anciennes villes bouddhistes et de centres religieux, les plus anciennes peintures à l’huile jamais découvertes, ainsi que les plus anciens manuscrits et statues en bois préservés, pour n’en citer que quelques-uns », a déclaré M. Huffman, ajoutant qu’après le 15 août, ce n’est pas seulement Mes Aynak, mais des centaines d’autres sites archéologiques répartis dans tout le pays qui sont menacés.

« Bamiyan, où il y a encore des grottes bouddhistes et des peintures à l’huile anciennes, est également sous le contrôle des talibans. Un projet de reconstruction des bouddhas et de construction d’un musée y a été abandonné. »

Les talibans ont fait exploser et détruit les statues géantes du Bouddha de Bamiyan en mars 2001, ce qui leur a valu une condamnation mondiale.

En temps de paix, des sites comme Mes Aynak devraient être protégés et devenir des destinations touristiques, mais le bilan des talibans en la matière n’est pas bon, selon M. Huffman.

« Comme je l’ai mentionné, cela se passait déjà à Bamiyan avec un plan de reconstruction et un musée. Cela fournirait un revenu durable à la région, et les gens du monde entier pourraient s’émerveiller de leurs propres yeux devant les trésors uniques de l’Afghanistan. Malheureusement, cette idée semble désormais impossible. »

Préoccupée par les récents développements à l’intérieur de l’Afghanistan, l’UNESCO a également appelé à la protection du patrimoine culturel afghan et à un environnement sûr pour les artistes et les professionnels du patrimoine culturel.

« Tout dommage ou perte du patrimoine culturel n’aura que des conséquences négatives sur les perspectives de paix durable et d’aide humanitaire pour le peuple afghan », a dit l’UNESCO dans une déclaration le 19 août, ajoutant que ce patrimoine fait partie de l’histoire et de l’identité afghanes et revêt une importance pour l’ensemble de l’humanité.

Mes Aynak sur l’ancienne route de la soie (Brent E. Huffman/German Camera Productions)

« Cela inclut des sites tels que la vieille ville d’Herat, les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO du minaret et des vestiges archéologiques de Jam, et du Paysage culturel et des vestiges archéologiques de la vallée de Bamiyan, où l’UNESCO travaille depuis plusieurs décennies, ainsi que des musées, notamment le Musée national de Kaboul. Il est crucial pour l’avenir de l’Afghanistan de sauvegarder et de préserver ces sites », a dit un porte-parole de l’UNESCO.

Lorsqu’on lui a demandé s’il existait un moyen de faire pression sur les talibans pour qu’ils préservent ce patrimoine culturel, Mme Huffman a dit : « Les talibans ont été responsables de tant d’effusions de sang et de destruction qu’il est difficile d’espérer un quelconque résultat positif, indépendamment de la pression internationale. »

Pendant ce temps, un employé de la MCC a déclaré au Global Times que l’entreprise « évalue les éventuelles sanctions » des États-Unis et d’autres pays du G-7, car les sanctions peuvent couper les entreprises chinoises du système bancaire mondial.

Venus Upadhayaya traite d’un large éventail de sujets. Son domaine d’expertise est la géopolitique de l’Inde et de l’Asie du Sud. Elle a réalisé des reportages à la frontière très instable entre l’Inde et le Pakistan et contribue à la presse écrite traditionnelle en Inde depuis une dizaine d’années. Les médias communautaires, le développement durable et le leadership restent ses principaux centres d’intérêt.

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