ANALYSE : L’administration Biden poursuit l’héritage trouble des États-Unis en matière de manipulation météorologique

Par Autumn Spredemann
21 mai 2023 13:11 Mis à jour: 21 mai 2023 13:11

Cela ressemble à de la science-fiction. Empêcher la lumière du soleil d’atteindre la terre, créer de la pluie et changer la trajectoire d’un ouragan. Voilà qui est généralement associé aux vilains au cinéma.

Pourtant, depuis des décennies, y compris cette année, le gouvernement américain investi des millions de dollars dans ce domaine.

Les États-Unis ne sont pas les seuls. Les préoccupations relatives aux changements climatiques ravivent l’intérêt de nombreux pays pour la géoingénierie. Les pays du monde entier, y compris la Chine, ont officiellement emboîté le pas de la géoingénierie ou de l' »intervention climatique ».

Depuis plus d’un demi-siècle, plane l’idée de manipuler la météo et le climat. Deux grandes catégories structurent le domaine de la géoingénierie : la gestion du rayonnement solaire et l’élimination du carbone. La manipulation des conditions météorologiques, par le biais de l’ensemencement des nuages par exemple, relève également de cette catégorie. Ce dernier vise à créer ou modifier des précipitations de pluie ou de neige, ou même des tempêtes.

En mars, la Southern Nevada Water Authority a reçu une subvention gouvernementale de 2,4 millions de dollars (1,6 million d’euros) pour ensemencer des nuages dans les États de l’Ouest, y compris dans les réservoirs du fleuve Colorado. « Ce financement réclamé est merveilleux. Il reste à déterminer le détail de ses bénéfices », a déclaré à la presse Andrew Rickert, coordinateur des opérations d’ensemencement des nuages pour le Colorado Water Conservation Board (Conseil de conservation de l’eau du Colorado).

Le fleuve Colorado fournit des millions de mètres cubes d’eau chaque jour pour faire tourner les turbines hydroélectriques du barrage Hoover, le 16 janvier 2023. (Allan Stein/Epoch Times)

Cette annonce fait suite à celle de la Maison-Blanche l’année dernière au sujet du financement d’une étude quinquennale portant sur la modification du climat et la géoingénierie.

Une « évaluation scientifique des interventions solaires et autres interventions climatiques rapides dans le contexte des risques et dangers climatiques à court terme » ferait partie du rapport final, qui se concentrera sur « la recherche associée à l’intervention climatique », déclare le Bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison-Blanche.

La Maison-Blanche n’a pas répondu à une demande de commentaire d’Epoch Times.

Le moment pourrait être bon. La Chine affirme déjà disposer d’un programme de modification du climat couvrant plus de 2 millions de kilomètres carrés, soit une superficie plus grande que l’Inde.

Selon une déclaration du Conseil d’État du régime communiste, d’ici à 2025, la Chine disposera d’un « système de modification de la météo avancé », grâce à des percées en recherche fondamentale et de technologies clés.

En mars dernier, la Commission européenne a emboîté le pas, annonçant un investissement de plus d’un milliard de dollars dans cinq projets de géoingénierie.

Toutefois, le regain d’intérêt pour la manipulation du climat ne fait pas l’unanimité. Des analystes de la sécurité et des scientifiques tirent la sonnette d’alarme quant à ses implications géopolitiques et environnementales.

Leur inquiétude est compréhensible. Le gouvernement américain a un passé trouble en matière de modification du climat.

De plus, selon certains chercheurs, en matière de géoingénierie, la science actuelle n’est pas à la hauteur des ambitions politiques miroitées.

Des impacts inconnues

« Ce n’est pas parce que les gens le font que cela fonctionne », déclaré le Dr Alan Robock à Epoch Times.

M. Robock est professeur au département des Sciences de l’environnement de l’université Rutgers. Selon lui, la géoingénierie, ou « l’intervention sur le climat », n’est pas suffisamment avancée pour avoir un impact significatif, pour le meilleur ou pour le pire. Des recherches additionnelles – beaucoup plus nombreuses – seraient nécessaires pour réaliser de réels progrès.

« La géoingénierie, ou l’intervention climatique, vise à lutter contre le changement climatique, à l’échelle mondiale, et à réduire l’impact de l’homme sur le climat. Puisque c’est impossible, il n’y a rien d’autre à faire. Il ne s’agit que de personnes faisant des simulations de modèles et des calculs théoriques », affirme M. Robock.

Il n’est pas le seul de cet avis. Un groupe de 16 universitaires a rédigé une lettre ouverte en faveur d’un accord international de non-utilisation de la géoingénierie solaire. Des dizaines de professeurs d’université et de chercheurs du monde entier l’ont signée.

« La prolifération des appels à la recherche et au développement en matière de géoingénierie solaire est une source d’inquiétude », indique la lettre. Le manque de connaissance des impacts et de la surveillance nécessaire pour maintenir un « contrôle politique équitable, inclusif et efficace », sont préoccupant, mentionne-t-elle.

(Photo d’illustration : ALAIN JOCARD/AFP/GettyImages)

La géoingénierie solaire a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Cette technique vise à dévier la lumière du soleil vers l’espace à l’aide d’aérosols stratosphériques. Selon certains activistes en matière de changement climatique, il s’agit d’un moyen prometteur de réduire la température du globe.

Toutefois, un obstacle majeur subsiste. Selon les scientifiques, il pourrait y avoir des impacts désastreux sur l’environnement.

« Potentiellement, il y a beaucoup d’avantages, tout comme de risques. De nombreuses recherches sont donc en cours pour déterminer s’il est risqué de le faire », explique M. Robock.

Une étude d’analyse des risques de la géoingénierie réalisée en mai 2022 concluait que des scénarios sans risque n’existent pas concernant les méthodes d' »intervention sur le climat ».

Selon l’auteur principal de l’étude, Benjamin Sovacool, les manipulations humaines n’éliminent pas les risques climatiques, « elles ne font que les déplacer ou redistribuer ». « Ces compromis en matière de risques doivent être évalués si les technologies de géoingénierie les plus radicales doivent être déployées », ajoute-t-il.

Outre les éventuelles conséquences environnementales, l’aspect de la sécurité est important. Des méthodes plus avancées de manipulation de la météo seront bientôt, si ce n’est déjà le cas, à la portée des gouvernements mondiaux. Pour de nombreuses personnes, cela soulève des préoccupations éthiques.

Parmi elles, M. Robock cite les perturbations sociétales, les conflits entre nations et les violations des traités internationaux comme autant d’impacts possibles.

Il pose une question importante : qui aura la main sur le thermostat ?

Un nuage de suspicion

Le gouvernement américain a un passé sombre en matière de manipulation météorologique. En 1947, le projet Cirrus a visé un ouragan s’éloignant de la mer en direction de l’océan Atlantique. L’expérience consistait à ensemencer des nuages destinés à affaiblir le cyclone. L’ouragan était le candidat idéal puisqu’on prévoyait qu’il continuerait à s’éloigner des terres.

Un avion a été envoyé pour survoler la tempête et y déverser 80 kilogrammes de glace carbonique. Ce qui s’est passé ensuite est tout droit sorti d’un film catastrophe hollywoodien.

Une fois la glace sèche « semée » dans l’ouragan, celui-ci a brusquement pivoté de 130 degrés vers l’ouest et s’est dirigée vers la Géorgie, finissant sa course dans l’État, et causant 2 millions de dollars de dégâts. Les habitants ont menacé d’entamer des poursuites, blâmant le gouvernement.

Or, ce n’était que le début de l’aventure douteuse des États-Unis en matière de manipulation météorologique, dont la majeure partie se fait par ensemencement des nuages.

En mai 1958, une expérience financée par le gouvernement états-unien a utilisé un « générateur d’iodure d’argent aéroporté » pour transformer en moins d’une heure des cumulus blancs bouffis près de Rapid City, dans le Dakota du Sud, en un orage déchaîné.

La même année, la marine américaine a affirmé avoir réussi à créer et à éliminer des nuages « à volonté » lors d’une série d’essais effectués au-dessus des côtes de Géorgie et de Floride au cours de l’été. Les essais ont permis de supprimer complètement les nuages en trois à vingt minutes.

Entre 1950 et 1970, le coût de ces projets financés par le gouvernement américain s’est élevé à 74 millions de dollars (68 millions d’euros). Au cours des deux années suivantes, un montant additionnel de 35 millions de dollars (32 millions d’euros) a été dépensé.

En 1960, pendant la guerre froide avec la Russie, le commandant naval américain William J. Kotsch a vanté les applications militaires de l’ensemencement des nuages.

Si certains États des États-Unis ou certains pays d’Europe occidentale décidaient systématiquement et secrètement de dissiper une partie ou la totalité des nuages au-dessus de leurs frontières pendant plusieurs mois – invoquant un « blocus de nuages » à leur avantage et privant de pluie les régions à l’est – ces dernières seraient réduites en semi-désert pendant un certain temps », déclaré M. Kotsch.

Compte tenu de la crise climatique alléguée et de la sécheresse généralisée sévissant actuellement, il n’est pas surprenant que de nombreuses personnes s’interrogent sur les implications de la géoingénierie en matière de sécurité nationale.

Briser les règles

« La géoingénierie, comme toute innovation scientifique, doit être conduite avec le plus haut niveau d’honnêteté et de transparence. En suivant les méthodes scientifiques et dans le strict respect du cadre des normes éthiques générales et spécifiques », a déclaré Irina Tsukerman, avocate spécialiste de la sécurité nationale et fondatrice de Scarab Rising, à Epoch Times.

Selon Me Tsukerman, la science est souvent utilisée par des personnes qui « enfreignent les règles », pouvant conduire à des résultats désastreux. Toutefois, les interventions calamiteuses de courte durée en matière de modification météorologique – tel que le projet Cirrus – et la science du climat en ont un dénominateur commun, ajoute-t-elle.

« Le manque de capacité à appliquer les processus scientifiques aux études de manière cohérente. »

Toutefois, Me Tsukerman ne croit pas qu’un gouvernement ait déjà perfectionné la géoingénierie comme arme. « Malgré tout le battage médiatique, les scientifiques n’ont encore qu’une compréhension assez rudimentaire du climat et même des schémas météorologiques locaux », relève-t-elle.

Cela n’a toutefois pas empêché les tentatives du gouvernement américain.

En 1970, un dénonciateur militaire a déclaré au journaliste Seymour Hersh, lauréat du prix Pulitzer, qu’en 1963, au Sud-Vietnam, le gouvernement américain a eu recours à l’ensemencement de nuages comme arme pour modifier le régime de précipitations.

Il s’agit de la première utilisation confirmée de la guerre météorologique de l’histoire. À l’époque, certains membres du département d’État américain s’y seraient opposés.

Nous sommes 60 ans plus tard. Les États-Unis, la Chine et l’Europe poursuivent tous de manière agressive des programmes de géoingénierie. Une grande partie de ces derniers consiste en l’ensemencement des nuages.

Alors que de nombreux scientifiques appellent à l’arrêt de l’intervention de l’homme sur le climat, les bénéfices de ces projets sont questionnables.

Lorsqu’on lui a demandé quelle forme de géoingénierie semblait la plus prometteuse, M. Robock répond : « Aucune. »

Le Département d’Etat américain, l’U.S. Geological Survey et la National Oceanic and Atmospheric Administration n’ont pas répondu aux demandes de commentaires d’Epoch Times.

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