En Côte d’Ivoire, des rois et des traditions comme « remparts » contre le coronavirus

Par Epoch Times avec AFP
29 mars 2020 10:52 Mis à jour: 29 mars 2020 11:08

« Bonjour, ce message concerne le coronavirus. C’est une maladie très dangereuse… »: la mise en garde à la population est diffusée via une quinzaine de hauts-parleurs éparpillés dans le village d’Azaguie-Ahoua, à 50 km au nord d’Abidjan, sur ordre…. de son roi.

« Cela remplace les crieurs dans la rue », explique le griot Gustave Aguie Ahouasso, qui officie derrière le microphone.

Ces baffles installées de manière permanente ne sont pas destinées à diffuser des émissions radio ou des publicités mais sont le moyen de communication choisi par le roi et chef du village d’Azaguie, Nanan Ako Ako Omer, pour faire passer des messages aux habitants.

Ainsi, le roi fait diffuser toute information qu’il juge importante aux 10.000 âmes de son village via des hauts-parleurs, utilisant un procédé mis en place dans de nombreuses autres communes ivoiriennes.

« Ici, à Azaguié, les chefs ont un moyen super avec les haut-parleurs. Ça évite les contacts (d’un rassemblement). On parle en langue (locale abé) et en français. Le message passe. On suit les instructions », explique Geneviève Akoua Kouassi, une institutrice tout en faisant son marché.

-Gustave Aguie Ahouasso, le griot du village avec le microphone à la main a diffusé un message sonore à travers les quinze haut-parleurs disséminés dans le village lors d’une campagne contre le coronavirus du PCC chinois à Azaguié Ahoua près d’Abidjan le 27 mars 2020. Photo par ISSOUF SANOGO / AFP via Getty Images.

Les rois de village sensibilisent au virus du PCC chinois

La communication royale vise surtout ces derniers jours à sensibiliser les habitants au danger du coronavirus.

La Côte d’Ivoire comptait samedi une centaine de cas coronavirus pour aucun décès. L’état d’urgence a été déclaré et un couvre-feu est en vigueur dans tout le pays.

« Respectons les distances, un mètre entre les gens. Arrêtons de manger de la viande de brousse », lance le griot en langue locale abé puis en français.

-Les vendeurs de rue offrent du pain et des pommes aux voyageurs en minibus à Abobo, une banlieue d’Abidjan, le 27 mars 2020 pendant que les gens quittent la ville avant que la capitale ne soit confinée. Photo par ISSOUF SANOGO / AFP via Getty Images.

« On écoute les messages des haut parleurs. Aujourd’hui, on nous a répété que tout le monde doit être à la maison à partir de 19H00-20H00 », explique Francia Nadège Apo, coiffeuse.

Dans sa « boutique » composée en tout et pour tout de deux tabourets donnant directement sur la rue juste  sous les baffles, elle confie avoir « peur » même si « les haut-parleurs nous aident ». 

Des centaines de rois et chefs traditionnels

Le pays compte des centaines de rois et chefs traditionnels dans une organisation datant d’avant l’ère coloniale. Ce maillage traditionnel de tout le territoire fonctionne parallèlement à l’organisation politique du pays.

Le poids de ces rois et chefs est important dans de nombreuses décisions locales mais parfois aussi nationales.

En 2016, la nouvelle Constitution a créé la Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels pour leur donner une reconnaissance officielle et un rôle consultatif.

Village pauvre, vivant sans électricité

A 600 km plus au nord d’Azaguie, à Gbini, tout près de la frontière malienne, le chef du village Aly Djodjogo Traoré, vêtu d’un boubou vert clair, s’adresse  aux chefs de communautés dans une classe de l’école de ce village pauvre, qui compte plus de 3.000 habitants vivant sans électricité.

Ici, pas de haut-parleurs mais des réunions malgré le coronavirus.

« Je vous demande de vous laver les mains avec du savon ou le gel qui est un produit qu’on vend dans les pharmacies », explique-t-il patiemment en senoufo (langue locale) puis en malinké pour les Maliens du village.

« Allez dire qu’il faut éviter les attroupements. Il faut fermer les maquis, bars où sont souvent les prostituées. Les prières dans les mosquées et églises sont suspendues. Il faut prier à la maison », poursuit-il.

« Ce qui va tuer plus que le virus, c’est la faim »

Mais le plus dur est à venir pour les habitants qui vivent majoritairement de l’orpaillage.

« A partir d’aujourd’hui on arrête le travail de ¨dabada (orpaillage) », dit-il.

Des jeunes protestent, arguant qu’ils ne peuvent pas vivre sans cet argent  mais le chef reste ferme: « Ceux qui ne respecteront pas cette décision devront quitter le village ».

Dans le village d’Azaguie, le mécontentement gronde aussi. Mais, ce sont le roi et sa cour qui sont en colère.

Se laver les mains comment ?, il n’y a pas d’eau!

« On travaille à sensibiliser pour éviter que le virus arrive ici. Mais, on a besoin d’aide. Les choses les plus simples sont compliquées. On dit lavez-vous les mains. On n’a pas de gel mais on n’a pas d’eau (courante) non plus. Comment se lave-t-on les mains sans eau? En se crachant dans les mains? », s’insurge le roi Nanan Ako Ako Omer, vêtu d’un toge blanche et bleue.

Un des « notables » qui assiste le roi, Maurice Boua Akoucha, a aussi des craintes.

« On parle de confinement , de rester chez soi. Mais, il n’y a pas de mesures d’accompagnement. Ce qui va tuer plus que le virus, c’est la faim. Si ça perdure on mange quoi? On sera obligés de sortir », dit-il.

Un autre notable de la cour souligne la densité de population dans les maisons et les cours.

« L’Afrique, ce n’est pas l’Europe ou la Chine qui ont des moyens. Malgré cela, il y a eu beaucoup de morts », souligne Boua Akoucha. « Le prix ici sera catastrophique ».

 

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