Israël : l’énergie solaire, nouvel atout des Bédouins pour garder leurs terres
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Cette vue aérienne montre des panneaux solaires dans une centrale de production d'électricité pour la communauté bédouine du village de Tirabin al-Sana, dans le sud du désert du Néguev en Israël, le 11 juin 2025.
Au bout d’un chemin poussiéreux, au bout d’un village de maisons inachevées surplombées par le dôme brillant d’une mosquée, un champ de panneaux solaires scintille sous le soleil brûlant du désert.
Tirabin al-Sana, foyer de la tribu bédouine Tirabin dans le désert du Néguev en Israël, bénéficie du projet pilote d’une ONG israélienne, Shamsuna, qui équipe des villages de cette communauté en panneaux solaires.
Descendants de bergers musulmans qui parcouraient autrefois librement les étendues désertiques bien au-delà des frontières actuelles d’Israël et des Territoires palestiniens, les Bédouins vivent principalement dans le sud du pays et nombre d’entre eux sont dans les rangs de l’armée ou la police.
Un Bédouin monte à cheval dans un champ près du village bédouin de Tarabin, dans le nord du désert du Néguev en Israël, le 3 janvier 2017. (MENAHEM KAHANA/AFP via Getty Images)
Mais les organisations de défense des droits documentent régulièrement, comme pour d’autres minorités arabes du pays, des discriminations à leur encontre.
« Garantir leurs droits fonciers pour toujours »
Aussi le projet de panneaux solaires a plusieurs enjeux: économiques et environnementaux, mais aussi fonciers puisque de nombreux villages bédouins n’ont aucune existence légale.
Pour leurs habitants, contraints à batailler pour leurs terres, participer au projet est un moyen de « garantir leurs droits fonciers pour toujours », met en avant Yosef Abramowitz, coprésident de l’ONG Shamsuna, à l’AFP.
La délivrance des permis pour l’installation des panneaux solaires dépend en effet de la légalisation de la propriété des terres sur lesquels ils sont installés, en tant que parties du village auquel elles sont rattachées. « C’est la seule façon de résoudre la question foncière bédouine et d’assurer une énergie 100% renouvelable », affirme M. Abramowitz.
Des emplois locaux et une énergie moins chère
Le projet, pour le moment limité, permet aussi de créer des emplois locaux et de promouvoir une énergie moins chère. L’électricité produite est injectée dans le réseau national.
Environ 300.000 Bédouins vivent dans le désert du Néguev, dans le sud d’Israël, dont prés de la moitié dans des villages reconnus par les autorités israéliennes, comme Tirabin al-Sana.
« Depuis 2023, plus de 8.500 bâtiments ont été démolis »
Des groupes d’extrême droite, parfois soutenus par le gouvernement actuel du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont intensifié leurs efforts ces deux dernières années pour les chasser, notamment en lançant des procédures juridiques pour faire détruire des habitations, quand elles sont reconnues comme construites illégalement.
Les forces de sécurité israéliennes se tiennent près de chameaux alors qu’elles démolissent la communauté bédouine non reconnue de Wadi al Khalil, composée de 300 personnes, dans le sud du désert du Néguev, près de la ville de Hura, le 8 mai 2024. (OREN ZIV/AFP via Getty Images)
« Depuis 2023, plus de 8.500 bâtiments ont été démolis dans ces villages non reconnus », a déclaré Marwan Abou Frieh, de l’organisation d’aide juridique Adalah, lors d’une récente manifestation à Beersheva, la plus grande ville du Néguev. « Dans ces villages, des milliers de familles vivent désormais sans toit au dessus de leur tête », a-t-il ajouté, décrivant la situation comme inédite depuis deux décennies.
« C’est la meilleure façon d’avancer vers une économie verte »
Pour Gil Yasur, qui travaille également avec Shamsuna, « tout le monde bénéficie » du projet solaire, « les propriétaires, le pays, le Néguev ». « C’est la meilleure façon d’avancer vers une économie verte », ajoute-t-il.
A Um Batin, un village reconnu, les habitants utilisent eux l’énergie solaire pour alimenter en électricité un jardin d’enfants, surmonté d’un immense panneau solaire, tout au long de l’année.
Des enfants jouent sous un échafaudage supportant des panneaux solaires photovoltaïques dans la cour d’un jardin d’enfants dans le village bédouin reconnu mais non planifié d’Umm Batin près de Beersheva dans le sud du désert du Néguev en Israël, le 11 juin 2025. (MENAHEM KAHANA/AFP via Getty Images)
« Ce n’était ni propre ni confortable ici avant »
Jusqu’à l’an dernier, le village dépendait d’un générateur diesel polluant. « Ce n’était ni propre ni confortable ici avant », explique Nama Abou Kaf, qui travaille sur place.
Des enfants sont assis dans la salle de classe d’un jardin d’enfants alimenté par des panneaux solaires photovoltaïques dans le village bédouin reconnu mais non planifié d’Umm Batin, près de Beersheva, dans le sud du désert du Néguev en Israël, le 11 juin 2025. (MENAHEM KAHANA/AFP via Getty Images)
« Maintenant, nous avons la climatisation et un projecteur pour que les enfants puissent regarder la télévision », explique-t-elle.
Pour « un système d’énergie solaire dans chaque village »
Malgré les défis et la bureaucratie, Hani al-Hawashleh, qui supervise le projet dans le village, et dans plusieurs autres localités, pour l’ONG Shamsuna, dit espérer que d’autres établissements éducatifs suivent l’exemple.
« Nous avons besoin de personnes prêtes à collaborer avec nous pour aller de l’avant », a-t-il dit, ajoutant qu’il « aimerait voir un système d’énergie solaire dans chaque village ».