L’Equateur au secours de livres anciens, asphyxiés après un séisme

Par afp
5 juin 2019 07:05 Mis à jour: 13 juillet 2019 12:27

La précieuse bibliothèque du couvent Santo Domingo en Equateur ressemble à une unité de soins intensifs, où des experts en blouse blanche portent secours à des milliers de livres vieux de centaines d’années, affectés par des travaux consécutifs à un séisme.

Brosses en main, les restaurateurs retirent délicatement les couches de poussière qui recouvrent leurs patients de papier dans la bibliothèque Fray Ignacio de Quezada, au cœur du quartier historique de Quito.  Les 33.500 ouvrages ont subi les outrages de gravats tombés du toit du couvent en restauration, la partie du monastère où est conservé ce trésor ayant été endommagée lors du violent tremblement de terre de 2016.

Ramiro Endara, directeur de la Fondation Conservartecuador qui dirige le projet, saisit avec précaution un des joyaux qui, selon ce qui y est inscrit, appartenait au frère Pedro Bedon, artiste de la célèbre école d’art colonial de Quito. Ce livre est l’un des 26 incunables,  publications datant d’entre 1450 et 1500, à l’aube de l’imprimerie moderne,  sur lesquels veillent les moines dominicains de ce couvent plus que centenaire. Une fois nettoyé, il ira dans un coffre-fort.

Le grand dépoussiérage est financé par la Fondation Prince Claus des Pays-Bas. « Nous avons fait des recherches et cette bibliothèque est celle qui compte le plus grand nombre d’incunables (du pays) et cela en fait la plus précieuse d’Equateur », a déclaré M. Endara à l’AFP. Sur un pupitre en bois trône un énorme livre de quelque 700 pages. C’est le premier des sept tomes de la Bible polyglotte de Paris, publiée en 1645. Elle contient le Pentateuque écrit dans les variantes les plus anciennes de l’hébreu, du grec, de l’araméen, du latin et de l’arabe.

Ce sont « les plus proches des langues originelles » dans lesquelles ont été écrits les textes bibliques, selon le philologue José Maria Sanz.  « Les vielles traductions, en étant plus proches des textes originaux et d’une tradition vivante, peuvent avoir conservé des choses utiles encore aujourd’hui » pour l’étude de la Bible, ajoute-t-il. Le couvent Santo Domingo, édifié en 1541, compte aussi une Bible polyglotte faite en Angleterre, où s’ajoutent deux autres langues: le persan et l’éthiopien.

Pour M. Sanz, les ouvrages de cette bibliothèque sont de grande valeur du fait de leur ancienneté et du contexte dans lequel ils sont arrivés en Equateur. Le plus vieux est un incunable de 1482 édité à Venise. « Les Européens sont parvenus en Amérique dix ans plus tard. La ville de Quito, où ce livre reste conservé plus de 500 après, a été fondée en 1534 », rappelle-t-il ému, en évoquant l’expédition pleine de risques, par les mers et les terres, de la personne qui a « amoureusement » transporté ce trésor datant d’avant les conquistadors.

Le nettoyage des ouvrages, passés en outre dans une chambre spéciale pour aspirer les particules les plus fines, est un premier pas sur la voie de leur conservation. En retirant la poussière, « nous prolongeons la durée de vie de ces biens documentaires d’au moins 40 ans, tant que les collections sont régulièrement entretenues » ainsi que les étagères de la bibliothèque, précise M. Endara.

Certains exemplaires sont affectés par des champignons et requièrent une restauration particulière. D’autres, comme des livres de chœur du XVIIe siècle écrits sur des peaux d’animaux et enluminés à l’or fin, exigent un protocole évitant des changements de température qui affectent le matériau. Mais le manque de financements repousse la mise en oeuvre de ces précautions, la restauration d’un seul livre de chœur coûtant, selon M. Endara, environ 30.000 dollars.

D.C avec AFP

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