Les niveaux de sérotonine chutent chez les patients atteints de Covid long, ce qui pourrait expliquer le brouillard cérébral : nouvelle étude

Les scientifiques n'ont pas encore découvert le mécanisme à l'origine du brouillard cérébral chez les patients souffrant d'un Covid long, mais une nouvelle étude pourrait permettre aux chercheurs de se rapprocher de la réponse

Par Mary Gillis
6 novembre 2023 19:31 Mis à jour: 15 novembre 2023 05:35

Une substance chimique cérébrale essentielle, responsable de la transmission des messages entre les cellules nerveuses du cerveau et de l’ensemble du corps, disparaît pratiquement chez les personnes atteintes de Covid long. Cette découverte pourrait fournir des indices cruciaux sur les causes de l’un des effets secondaires neurologiques courants post-Covid.

Selon une nouvelle étude  publiée dans la revue Cell, des chercheurs de l’université de Pennsylvanie ont découvert que le neurotransmetteur sérotonine est considérablement réduit chez les patients atteints de Covid long. La perte de sérotonine entraîne une lente érosion de la mémoire, une diminution de la capacité de concentration et des changements d’humeur tels que la dépression et l’anxiété, également connus sous le nom de « brouillard cérébral ».

Physiopathologie du brouillard cérébral

En prélevant des échantillons de sang et de selles de personnes infectées par le Covid-19, les chercheurs ont découvert que le virus persiste dans le tractus gastro-intestinal pendant des mois après la disparition de l’infection aiguë. L’analyse d’échantillons de sang et de selles de ces patients a permis aux chercheurs de retracer un mécanisme possible expliquant la persistance du brouillard cérébral. Selon eux, les résultats ont permis de trouver une explication physiopathologique complexe.

Pour l’expérience, les chercheurs ont suivi 1 540 personnes atteintes de Covid long à la Penn Medicine de Philadelphie (Pennsylvanie) et les ont classées en huit sous-groupes en fonction des symptômes pour lesquels elles ont été hospitalisées, dont les symptômes neurocognitifs. Des analyses de sang ont ensuite été effectuées sur 58 patients atteints de Covid long qui représentaient plusieurs groupes et présentaient des symptômes persistants trois à 22 mois après leur infection initiale. Les chercheurs ont ensuite comparé ce groupe à 60 personnes infectées par le Covid-19 et à 30 personnes guéries ne présentant pas de symptômes, en comparant les différences de métabolites dans leur sang. Ils ont constaté que la sérotonine était beaucoup plus faible chez les patients ayant contracté le Covid long ce qui les a amenés à conclure que cette molécule est un facteur prédictif de la guérison du Covid long.

Selon l’article, la baisse du taux de sérotonine est due à des restes du virus qui ne disparaissent pas à cause des interférons. Les interférons assurent la communication entre les cellules contre les agents pathogènes, en l’occurrence le Covid-19, et jouent un rôle essentiel dans l’immunité en activant les cellules tueuses naturelles. Les cellules tueuses naturelles détruisent les virus et les cellules malades, les empêchant ainsi de se propager.

Les interférons provoquent une déplétion en sérotonine en diminuant l’absorption du tryptophane, précurseur de la sérotonine. Une diminution de la sérotonine peut rendre les personnes sensibles à la dépression, aux crises de panique et à l’agressivité. Sans tryptophane, et donc sans sérotonine, la cognition est altérée par un processus appelé signalisation vagale. La signalisation vagale fait circuler les signaux hormonaux en même temps que les signaux cérébraux provenant d’autres régions du cerveau. Elle joue également un rôle clé dans les mouvements gastro-intestinaux et l’inflammation du corps entier.

« Le Covid long varie d’un patient à l’autre, et nous ne comprenons pas entièrement ce qui cause les différences de symptômes », a déclaré Christoph Thaiss, co-auteur principal et professeur adjoint de microbiologie, dans un communiqué de presse. « Notre étude offre une occasion unique de poursuivre les recherches afin de déterminer combien de personnes atteintes de Covid long sont affectées par la voie reliant la persistance virale, la carence en sérotonine et le dysfonctionnement du nerf vague, et de découvrir des cibles supplémentaires pour les traitements des différents symptômes ressentis par les patients ».

Explications divergentes des symptômes

Des dizaines de symptômes physiques courants vont de légers à débilitants. Selon les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), la liste comprend :

Difficulté à respirer ou essoufflement

Fatigue

Symptômes qui s’aggravent après des activités physiques ou mentales (malaise post-exercice)

• Toux

• Douleurs dans la poitrine ou l’estomac

Maux de tête

Battements rapides du cœur ou palpitations (palpitations cardiaques)

Douleurs articulaires ou musculaires

Sensation de picotement

 Diarrhée

Troubles du sommeil

Fièvre

Vertiges en position debout (étourdissements)

Éruption cutanée

Modification de l’odorat ou du goût

Modification des cycles menstruels chez les femmes

Le Covid long peut également s’accompagner de problèmes psychologiques persistants et tout aussi débilitants, tels que l’anxiété, la dépression et d’autres changements d’humeur. Bien que cette étude donne un aperçu des causes possibles du brouillard cérébral, les experts du département de psychiatrie et de comportement de l’université de Californie-San Francisco (UCSF) ne sont pas de cet avis.

« Nous ne savons pas encore ce qui cause ces symptômes pénibles, mais il existe trois possibilités pour expliquer leur apparition », écrivent les auteurs dans un article publié sur le site Web du Weill Institute for Neurosciences de l’ UCSF. « Ils pourraient être le résultat des effets spécifiques du Covid-19 sur le cerveau, le système immunitaire ou d’autres systèmes organiques », ou le « résultat d’aspects traumatisants de l’expérience du Covid-19 ».

Même une hospitalisation de longue durée dans une unité de soins intensifs peut avoir de profondes répercussions sur les problèmes cognitifs tels que le manque de concentration et le syndrôme de stress post-traumatique (SSPT), des symptômes tous liés au brouillard cérébral. « Les symptômes psychologiques persistants pourraient être le résultat du désespoir que ressentent les patients en raison de problèmes respiratoires ou d’une fatigue à long terme dont on ne voit pas la fin », écrivent les experts de l’UCSF.

Démêler les mystères du Covid long

Les données de l’enquête nationale par entretien sur la santé National Health Interview Survey) du CDC donnent un aperçu de l’état actuel du Covid long aux États-Unis, en présentant ce qui suit :

En 2022, près de 7 % des adultes américains ont souffert d’une Covid long.

Les femmes sont plus susceptibles d’en faire l’expérience que les hommes.

Les adultes âgés de 35 à 49 ans étaient plus susceptibles de développer un Covid long que les autres groupes d’âge.

En France les données sur le Covid long publiées par Santé publique France indiquent que fin 2022, 2 millions de personnes présentaient une affection post-Covid.

Les scientifiques n’ont pas encore trouvé de traitement pour le Covid long. Toutefois, selon les auteurs de l’étude de l’université de Pennysylvanie, leur étude a rapproché la communauté scientifique d’une réponse.

« De nombreux aspects de la biologie fondamentale qui sous-tend le Covid long sont restés obscurs. Par conséquent, nous manquons d’outils efficaces pour le diagnostic et le traitement de la maladie », a déclaré l’auteur principal Maayan Levy, professeur adjoint de microbiologie à la Penn Medicine, dans le même communiqué de presse. « Nos résultats peuvent non seulement aider à démêler certains des mécanismes qui contribuent à un  Covid long, mais aussi nous fournir des biomarqueurs qui peuvent aider les cliniciens à diagnostiquer les patients et à mesurer objectivement leur réponse à des traitements individuels ».

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.