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Mode opératoire de la criminalité organisée, profil des suspects… ce que l’on sait des attaques de prisons

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La prison de Tarascon le 16 avril 2025, après que trois voitures ont été incendiées la nuit précédente sur son parking.

Photo: SYLVAIN THOMAS/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Instigateur, relais, recruteurs, exécutants : 21 suspects âgés de 15 à 37 ans, sans antécédent judiciaire ou inscrits dans la criminalité organisée, ont été mis en examen dans l’enquête sur les attaques « d’une violence extrême » contre des prisons et des agents pénitentiaires.
Les 19 adultes ont été incarcérés, les deux mineurs placés en centre éducatif fermé, a indiqué lors d’une conférence de presse samedi la procureure de Paris Laure Beccuau.
Les agents ciblés par une violence extrême « tant dans leur exercice professionnel, qu’au cœur de leur vie privée »
Entre le 13 et le 21 avril, l’administration pénitentiaire « ainsi que ses agents ont été les cibles d’une violence extrême, décomplexée, préméditée, les atteignant, tant dans leur exercice professionnel, qu’au cœur de leur vie privée », a-t-elle détaillé.

Cette photographie prise le 16 avril 2025 montre une voiture brûlée devant la prison de Tarascon, après que trois voitures ont été incendiées la nuit précédente sur son parking. Des assaillants ont pris pour cible des voitures et un hall d’immeuble liés au personnel pénitentiaire en France au cours de la nuit, ont déclaré les autorités le 16 avril. (SYLVAIN THOMAS/AFP via Getty Images)(SYLVAIN THOMAS/AFP via Getty Images)

Le 13 avril, à Agen, est apparu pour la première fois le tag « DDPF » près de sept voitures incendiées sur le parking de l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (Enap). Ce sigle « DDPF » a constitué « en quelque sorte un mot d’ordre, une sorte d’étendard criminel derrière lequel se sont agrégés des malfaiteurs », a souligné Mme Beccuau. Et « à ce stade, aucune organisation structurée de longue date ne semble correspondre à ce sigle imaginé pour les besoins de la cause ».
Ont suivi incendies de voitures de personnels pénitentiaires, tirs de mortiers d’artifices contre des prisons, voire des tirs de Kalachnikov, et jets de cocktails Molotov dans un lotissement où résident des surveillants le 21 avril.

Cette photographie prise le 15 avril 2025 montre des impacts de balles sur un mur de la prison de Toulon-La Farlede, après que 15 impacts de balles ont été trouvés sur la porte d’entrée à la suite d’une attaque avec une arme d’assaut de type Kalachnikov. (MIGUEL MEDINA/AFP via Getty Images)

Au fil des investigations, menées initialement par le parquet national antiterroriste (Pnat) avec l’appui de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), s’est imposée « l’empreinte de la criminalité organisée », a-t-elle poursuivi.

Le procureur de la République de Paris, Laure Beccuau, donne une conférence de presse sur les récentes attaques de prisons, à Paris le 3 mai 2025. (Photo IAN LANGSDON/AFP via Getty Images)

L’enquête a abouti à l’identification de « certains acteurs déjà connus de la grande criminalité organisée qui se caractérise notamment par ses actions de déstabilisation » de « celles et ceux qui se consacrent à entraver son action », a résumé la procureure.
Une dénonciation de la loi contre le narcotrafic
Les ministres de l’Intérieur Bruno Retailleau et de la Justice Gérald Darmanin ont vu dans ces attaques une dénonciation de la loi contre le narcotrafic qui vient d’être adoptée au Parlement. Ce texte prévoit la création de quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux.
L’information judiciaire ouverte par la Junalco notamment pour tentative de meurtre en bande organisée – ce qui fait encourir la réclusion criminelle à perpétuité – et association de malfaiteurs criminelle, porte sur une quinzaine d’actions.
Pour identifier le réseau (un instigateur, des donneurs d’ordre, des recruteurs et des exécutants) 96 techniques spéciales d’enquête ont été utilisées.
Entre lundi et mercredi, les 21 suspects ont été interpellés en divers lieux de France, notamment à Paris, Lyon et Marseille, mobilisant « 320 policiers », a précisé Philippe Chadrys, directeur national adjoint de la police judiciaire.

Le directeur adjoint de la police judiciaire, Philippe Chadrys, donne une conférence de presse sur les récentes attaques de prisons, à Paris le 3 mai 2025. (IAN LANGSDON/AFP via Getty Images)

Une évolution de la criminalité organisée
Leurs profils, origines géographiques et parcours judiciaires sont « très différents » : « Certains étaient totalement inconnus (de la justice, NDLR), alors que d’autres peuvent être considérés comme faisant partie de ce qu’on appelle la criminalité organisée du haut du spectre », a relaté la procureure.
En garde à vue, certains ont contesté « l’intégralité des infractions qui leur sont imputées, d’autres ont reconnu plus ou moins spontanément leur implication (…) dans des versions souvent assez édulcorées (…) par la crainte de représailles », a noté Laure Beccuau.
Selon la procureure, cette affaire « révèle l’évolution de la criminalité organisée, qui associe les profils de haut et de bas du spectre ».
« Une médiatisation des attaques sur les réseaux sociaux »
L’instigateur de la boucle Telegram intitulée DDPF a revendiqué des liens avec les narcotrafiquants de la DZ Mafia. En détention, cet homme de 23 ans sera jugé prochainement pour des faits en lien avec le narcobanditisme marseillais.

Le 15 avril 2025, des impacts de balles et les lettres « DDFM » peintes à la bombe sur une porte de la prison de Toulon-La Farlede avant une visite du ministre de la Justice à La Farlede, près de Toulon, après que 15 impacts de balles ont été trouvés sur la porte d’entrée à la suite d’une attaque avec une arme d’assaut de type « kalachnikov ». (MIGUEL MEDINA/AFP via Getty Images)

Son message de revendication sur un canal de la messagerie cryptée Telegram, qui a depuis été fermé, a été relayé par quatre donneurs d’ordre, trois hommes en détention et une femme, très présente sur les réseaux sociaux.
Ont ensuite été recrutés des exécutants, dont deux mineurs, habitants près des lieux des attaques, chargés d’incendier des voitures, de taguer le sigle DDPF, de faire usage d’armes à feu ou de mortiers d’artifices contre des sommes allant de 500 à 7000 euros.
Pour Philippe Chadrys, cette affaire a mis en lumière « une stratégie de recrutement et de communication à la fois des instigateurs et des commanditaires » sur des messageries chiffrées avec « une médiatisation des attaques sur les réseaux sociaux aux fins de propagande ».
Les vidéos « courtes », « assez bien faites », sont devenues « très vite virales » avec une « volonté d’avoir un impact psychologique sur les agents et leurs familles notamment ».