Se loger, un casse-tête français

Par Epoch Times avec AFP
31 janvier 2024 12:40 Mis à jour: 31 janvier 2024 13:24

Hausse du nombre d’enfants à la rue, jeunes renonçant à leurs études faute de logement, salariés contraints de dormir dans leur voiture, acheteurs ne pouvant plus acheter : les Français sont confrontés à une crise du logement de plus en plus sévère.

La « bombe sociale de demain » prédite par l’ex-ministre du Logement Olivier Klein a déjà explosé, estiment les professionnels du secteur, agences immobilières, promoteurs et bailleurs compris.

Selon la Fondation Abbé Pierre, qui milite depuis plusieurs décennies contre la précarité et le mal-logement, 330.000 personnes étaient sans domicile en France en 2022, deux fois plus qu’en 2012. Parmi elles, 30% ont pourtant un travail, souligne Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim).

« Cette crise est sans précédent parce que cette fois-ci, tous les signaux sont au rouge : étudiants, salariés, locataires, toutes les catégories de population sont concernées, même les propriétaires », affirme Éddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL), première organisation représentative des locataires.

Déclin de la production de logements sociaux

Principal déclencheur : la remontée en flèche des taux directeurs des banques centrales en 2022 pour lutter contre l’inflation. Effet boule de neige, elle a fait grimper les taux immobiliers et poussé les banques à fermer le robinet du crédit.

Ces hausses rapprochées ont accru des problèmes déjà existants. Parmi eux, le déclin continu de la production de logements sociaux depuis 2018, sous le triple effet de la baisse des subventions, de la hausse des coûts de construction et des ponctions de l’État sur les bailleurs.

Selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), représentant les bailleurs sociaux, les autorisations de logements sociaux devraient passer s’établir à 82.000 en 2023, le « pire niveau depuis 2005 », alors qu’il en faudrait « 198.000 par an ». Quant aux demandes, elles atteignent le chiffre record de 2,6 millions.

Chute de la capacité d’emprunt

Côté acheteurs, ce n’est pas mieux. « La situation n’était pas formidable avant, mais les Français avaient au moins accès au crédit à des taux très avantageux », observe Thomas Lefebvre, directeur scientifique de SeLoger.

Or depuis janvier 2022, leur capacité d’emprunt a chuté de 25% quand les prix des biens restent à des niveaux très élevés, selon la Fnaim, qui pointe une dégringolade de 22% des ventes dans l’immobilier ancien en 2023, la « plus forte baisse annuelle depuis plus de 50 ans ».

Faute de pouvoir acheter, les ménages restent en location, grippant encore davantage la machine. En cinq ans, le nombre de logement disponibles à la location a fondu de 59%, rappelle la Fnaim, tandis que les loyers augmentent bien plus vite que les revenus.

Absence du soutien de l’État pour « l’accession à la propriété »

La construction, déjà en petite forme, a elle plongé de 23,7% en 2023 par rapport à 2022. Face ce marasme, l’absence de mesures régulatrices de l’État et celle d’un ministre dédié au logement alimentent les critiques.

Le « gouvernement n’est pas du tout en phase avec ce qui est en train de se passer », dénonce Éddie Jacquemart. « À la différence des crises passées », l’État n’a pas pris de « mesure générale de soutien à l’accession à la propriété ou à l’investissement locatif particulier », analyse aussi le centre de réflexion Terra Nova dans un rapport publié lundi.

Véronique Bédague, PDG de Nexity, déplore elle qu’« il y ait dans la sphère publique, l’idée qu’en réalité nous n’avons pas besoin de logements, compte-tenu des projections démographiques, du nombre de logements vacants et des résidences secondaires », dans le quotidien Le Monde.

En 2023, le gouvernement a « globalement poursuivi une politique marquée du sceau de la rigueur budgétaire », regrette Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. En revanche, aucune proposition « pour réguler le marché (encadrement des loyers, du foncier et des meublés touristiques) n’a été retenue », dit-il.

Le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a promis mardi « un choc d’offre » pour « déverrouiller » le secteur du logement « avec comme objectif d’y créer 30.000 nouveaux logements d’ici trois ans ». La semaine dernière, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a affirmé vouloir « construire vite, à coup de simplifications des règles, de dérogations, de soutien au secteur du bâtiment ». « Ça marchera, ce sera plus efficace », a-t-il assuré.

Le budget logement, premier poste des Français

Secondaire pour les Français d’après-guerre, le budget logement des ménages a explosé pour devenir, de loin, leur premier poste de dépenses aujourd’hui. Longtemps, se nourrir a couté plus d’argent que de se loger.

Ce n’est qu’à partir de 1976 que les dépenses de logement (17,9% des dépenses totales, eau et énergie comprises) ont dépassé, d’une courte tête, celles de l’alimentation (17,7%), selon l’Insee. C’est désormais le grand écart : en 2022, 26,7% du budget dépenses des Français est consacré au logement, soit deux fois plus que pour la  nourriture (13,5%).

Loyer, remboursement d’emprunt, factures d’eau, de gaz, d’électricité… Une large partie des dépenses de logement sont dites « pré-engagées » dans le jargon des statisticiens. C’est-à-dire, selon l’Insee, qu’elles sont engagées par « contrat difficilement renégociable à court terme ».

Ces dépenses contraintes liées au logement, souvent débitées automatiquement sur le compte bancaire, engloutissaient 22,1% du revenu disponible des ménages en 2022, contre seulement 9,5% en 1960. Les évolutions sont toutefois limitées depuis une quinzaine d’années.

26,7% des dépenses, 22,1% du revenu disponible, la différence entre ces deux chiffres s’explique par une base de calcul différente, le revenu disponible intégrant, contrairement aux dépenses, l’argent épargné par les Français.

La hausse du budget logement des Français s’explique notamment par le fait que leurs revenus ont augmenté moins vite que les loyers et les prix du mètre carré. Entre 1998 et 2021, le niveau de vie médian a augmenté de 24%, quand, dans le même temps, l’indice des loyers augmentait de 33% et les prix des logements anciens étaient multipliés par trois (+200%).

Des hausses qui ont frappé de plein fouet les ménages les plus modestes, d’autant que des études montrent que le poids des dépenses contraintes, notamment pour se loger, augmente à mesure que le niveau de vie des ménages baisse.

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