Caroline Parmentier: «Une œuvre à caractère pédopornographique s’expose à une qualification pénale!»

Par Etienne Fauchaire
24 mars 2023 11:55 Mis à jour: 24 mars 2023 13:23

Seulement quelques semaines après l’affaire Bastien Vivès [1], un tableau de l’artiste suisse Miriam Cahn, dans lequel figure une silhouette d’enfant les mains ligotées et contraint à une fellation par un homme de grande taille, relance la polémique autour du rôle de l’art comme vecteur et prétexte à la diffusion de contenus à caractère pédophiles. Exposée depuis le 17 février au Palais de Tokyo, l’œuvre en question, intitulée Fuck abstraction, a été accusée de promouvoir la pédopornographie par la députée du RN Caroline Parmentier, qui a vivement interpelé mardi la ministre de la Culture Rima Abdul Malak à ce sujet. Entretien.

Etienne Fauchaire : Lorsque vous avez interrogé la ministre de la Culture, celle-ci a pris la défense de cette toile et de la liberté d’expression de l’artiste, vous accusant de faire un coup de com’ et une interprétation diamétralement opposée à celle de son auteur. Que vous inspire sa réponse ?

Caroline Parmentier : Avant toute chose, je tiens d’abord à préciser que le Rassemblement national ne veut ni moraliser ni censurer l’art : je ne suis pas devenue une militante wokiste. Dans le cas présent, de quoi parlons-nous ? D’une scène de pédocriminalité. Je me suis rendue au Palais de Tokyo pour dénoncer le tableau de Miriam Cahn. Celui-ci affiche aux yeux de tous une scène pédopornographique qui représente un enfant à genoux, les mains ligotées dans le dos, forcé à une fellation par un adulte. À mes yeux, rien ne justifie l’expression d’une telle œuvre, pas même le prétexte de la dénonciation de crimes de guerre.

Concernant la réponse de la ministre de la Culture, elle m’a assuré que cette toile ne représentait pas un enfant et que l’artiste s’en défendait également. Mais il ne suffit pas pour l’artiste de décréter que ce n’est pas un enfant qui figure sur sa toile – alors qu’il s’agit très clairement d’un enfant – pour être dédouanée. Comme l’a rappelé l’association Juristes pour l’enfance, peu importe les intentions ou les allégations de l’artiste : elles ne permettent pas d’échapper à la qualification pénale dans la mesure où le plus grand nombre reconnaît la représentation d’un enfant dans cette figure agenouillée et violée.

Par ailleurs, la ministre a rejeté le caractère pédocriminel de cette œuvre en faisant valoir qu’il s’agissait ici de scènes de guerre. C’est faux. Si on suit cette logique, alors sera-t-il demain autorisé de montrer une petite fille sodomisée sous le prétexte de dénoncer un crime de guerre ? Dès lors qu’une œuvre présente un caractère pédopornographique, elle s’expose à une qualification pénale. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Bastien Vivès, un dessinateur de bandes dessinées dont les dessins auraient été exposés cette année au festival de la BD d’Angoulême si nous ne l’avions pas dénoncé. Bastien Vivès est un dessinateur qui a produit des ouvrages pédopornographiques, comme Petit Paul ou Les Melons de la colère, dans lesquels des scènes de viols d’enfants sont clairement représentées. Actuellement, il est sous le coup d’une enquête préliminaire de la Brigade de protection des mineurs pour diffusion d’images pédopornographiques. Jusqu’à nouvel ordre, la diffusion d’images pédopornographiques et l’exposition d’œuvres pédopornographiques n’échappent donc pas à la qualification pénale.

Pendant 40 ans, Gabriel Matzneff, mis en cause dans l’affaire du Coral, a publié de nombreux ouvrages qui font l’apologie de la pédophilie en se servant de la « littérature » comme d’un « alibi », ainsi que le dénonçait l’écrivaine canadienne Denise Bombardier sur le plateau d’« Apostrophes », en 1990. Estimez-vous que l’ « art » sert encore aujourd’hui de prétexte afin d’autoriser l’expression de la pédophilie dans la sphère publique ?

Typiquement, dans ce cas-là, oui. Et la question que j’ai posée à la ministre de la Culture – que je lui reposerai car je ne compte pas en rester là – visait précisément à lui demander si l’exposition de ce genre de tableau va être l’un des marqueurs de son mandat, mais aussi un glissement vers la démocratisation et l’acceptation de ce type d’œuvre.

Confrontés justement à ce type d’œuvre, d’aucuns n’hésitent pas, à l’instar de Mme Abdul Malak, à faire valoir une interprétation, un point de vue, une opinion personnelle qui n’est pas nécessairement partagée par d’autres. Y voyez-vous une pratique du relativisme ?

Tout à fait. La ministre de la Culture m’a répondu que tout un chacun peut interpréter cette œuvre comme il l’entend. Une réponse pour le moins maladroite. Si vous pouvez interpréter cette toile comme vous l’entendez, alors vous pouvez y voir un enfant. Et si c’est un enfant, c’est clairement une scène pédopornographique. Il faudrait donc savoir : s’agit-il d’un enfant ou non ? Quelques minutes plus tard, elle affirmait qu’il ne s’agissait pas d’un enfant… Sa défense n’est pas claire et — c’est peu dire – n’est pas convaincante. Je pense que des milliers et des milliers de personnes partagent cette analyse.

En février, la ministre de la Culture était accusée de s’ingérer dans les affaires de l’Arcom (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) en menaçant les chaînes C8 et CNews d’un non-renouvellement de leurs fréquences en 2025 pour leurs lignes éditoriales jugées hors champ. En défendant vigoureusement la « liberté d’expression et de création » de cette artiste très controversée, estimez-vous qu’il y a ici un double standard de la part de Mme Abdul Malak ?

Mme Abdul Malak défend en effet la liberté d’expression à géométrie variable. Dans l’affaire C8 et CNews, elle s’est comportée comme une militante politique, ne s’en cachant que très peu d’ailleurs, ce qui, je trouve, est un problème quand on est ministre de la Culture…

À ce jour, le tableau reste toujours exposé au Palais de Tokyo. Prévoyez-vous de nouvelles actions pour tenter de le faire retirer ?

Me concernant, en ma qualité de parlementaire, de membre de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, de membre de la Délégation au droit des enfants, j’étais dans mon rôle en interpellant la ministre de la Culture. Je compte lui adresser à nouveau un courrier et également demander un entretien à la secrétaire d’État chargée de la protection de l’enfance, Charlotte Caubel. Puis je prévois de poursuivre mon travail contre ce tableau au sein de ma délégation au droit des Enfants. En revanche, s’agissant des poursuites judiciaires, celles-ci ne relèvent pas de ma fonction ; des associations, avec des juristes dont c’est la profession et la spécialisation, sont actuellement en train d’attaquer pénalement le Palais de Tokyo. Même si la partie ne semble pas gagnée, j’espère de mon côté pouvoir faire entendre raison à Mme Abdul Malak et Mme Caubel sur le caractère assurément pédopornographique de ce tableau.

[1] Une enquête pour diffusion d’images pédopornographiques a été ouverte en janvier dernier à l’encontre de l’auteur de bandes dessinées Bastien Vivès et de deux maisons d’édition ayant publié certains de ses ouvrages.

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