Une ville chinoise utilise l’application anti-Covid du régime pour empêcher les manifestants de se réunir

Par Dorothy Li
18 juin 2022 19:44 Mis à jour: 7 juillet 2022 15:52

Depuis plusieurs mois, près d’un million de personnes en Chine n’ont plus accès à leurs économies, car les banques ont plafonné leurs retraits du jour au lendemain pour des raisons logistiques. Des dizaines de milliers de personnes ont donc décidé de manifester le 13 juin pour faire réagir les autorités. Mais, à la veille de la mobilisation, le code santé des déposants aux avoirs gelés a viré au rouge, les empêchant de se déplacer vers le lieu prévu pour le rassemblement.

Le 14 juin, plusieurs personnes ont signalé à Epoch Times que leur code santé virait au rouge dès qu’elles scannaient les QR code de certains lieux à Zhengzhou. Zhengzhou est la capitale du Henan, en Chine centrale. Un code santé rouge indique que le propriétaire du téléphone est peut‑être atteint du Covid. Ce dernier se voit donc interdire l’accès à tous les lieux publics, des toilettes publiques aux magasins en passant par les gares, et une quarantaine obligatoire dans un centre lui pend au nez.

Ces personnes font partie du million de déposants qui se battent depuis plus de deux mois pour récupérer leurs économies.

La crise a commencé en avril, lorsqu’au moins quatre banques du Henan ont plafonnés les retraits d’argent, invoquant des problèmes de maintenance.

Selon les clients, ni les banques ni les responsables n’ont depuis donné d’informations sur les raisons précises ou le temps que prendrait la procédure de mise à niveau du système.

La situation a donc fatalement abouti à des manifestations devant le siège des autorités de surveillance des banques de Zhengzhou, en mai.

Le quotidien des personnes touchées est devenu extrêmement compliqué puisqu’elles n’ont plus accès aux sommes qu’elles sont habituées à dépenser. Beaucoup, par exemple, ne peuvent plus subvenir à leurs soins médicaux.

Les fonds bloqués par ces banques s’élèvent à 39,7 milliards de yuans (5,6 milliards d’euros), selon le magazine d’État Sanlian LifeWeek.

Jusque‑là toutes leurs protestations ont été sabotées par des policiers en civil venus spécialement pour passer à tabac les manifestants sous le nez de policiers en uniforme immobiles. Du côté des autorités locales, c’est le silence complet. Les déposants lésés avaient prévu d’organiser une nouvelle manifestation le 13 juin.

Le code rouge

Leur projet a été contrecarré via les codes santé de leur application anti‑Covid virant au rouge dans les gares ou à l’entrée des autoroutes de la ville.

Le code rouge correspond au niveau de risque le plus élevé. Il indique soit que la personne a été testée positive, soit qu’elle a été en contact avec un patient atteint du Covid, soit qu’elle s’est rendue dans une zone à haut risque Covid au cours des 14 derniers jours. Les habitants ayant un code rouge risquent deux semaines d’isolement dans un centre.

Au nom de sa politique zéro Covid, le régime a adopté un système de codes qui utilise le big data et la technologie mobile pour suivre tous les déplacements des gens. Il y a trois niveaux, vert, orange ou rouge. Toute personne doit scanner un QR code dans chaque endroit visité, suite à quoi son code apparaît d’une certaine couleur. Pour passer le code santé doit être vert.

Une femme utilise son téléphone portable pour scanner un QR code avant d’entrer dans une patinoire aux abords de Pékin, le 12 janvier 2021. (WANG ZHAO/AFP via Getty Images)

Liu Yong (pseudonyme), un déposant de la province voisine de Hebei, s’est rendu le 12 juin à Zhengzhou dans l’espoir de récupérer son argent, mais il s’est retrouvé bloqué sur l’autoroute, car son code santé s’est avéré rouge au moment du scan près du barrage à l’entrée de la ville.

Pourtant, Liu Yong avait un code vert ainsi qu’un résultat négatif au test PCR au moment de sortir de sa ville. Il a été obligé de repartir chez lui, la police menaçant de l’envoyer dans un centre de quarantaine s’il refusait de le faire.

Avec le code rouge,  Liu n’a pas pu faire de pause ni même utiliser les toilettes de la station-service pendant son retour à Hebei. Dans une interview accordée à Epoch Times le 14 juin, Liu a déclaré qu’il était toujours bloqué à une sortie d’autoroute menant à sa ville.

On ne sait combien de gens ont rencontré ce problème, mais selon les déclarations pour Epoch Times d’une autre personne touchée, des centaines de déposants à travers le pays ont partagé des captures d’écran de leurs codes rouges sur WeChat.

Un enquêteur de la Commission sanitaire Zheng a déclaré à Epoch Times être au fait des incidents liés aux codes santé, ajoutant que la Commission a remonté le problème aux départements concernés.

À Zhengzhou, des déposants lésés des quatre banques de la province du Henan tiennent des affiches sur lesquelles on peut lire : « Les banques du Henan doivent nous rendre notre argent. » (Epoch Times)

Les sites Internet de certains établissements proposent un QR code qu’il est possible de scanner à distance. C’est ainsi que, le 12 juin, Mme Li Yin (pseudonyme) accompagnée de trois autres déposants a vu son code santé virer au rouge alors qu’elle préparait son voyage à Zhengzhou en ligne.

Ils ont donc compris que l’application anti‑Covid les empêcherait de voyager tandis qu’ils étaient encore chez eux en Mongolie intérieure à 885 km de Zhengzhou.

Il y avait parmi eux le mari d’une amie qui n’était pas concerné par les dépôts gelés. Son QR code scanné sur les différents sites Internet consultés ne virait pas au rouge. C’est ainsi que les déposants ont compris qu’ils étaient ciblés.

« Ils [les fonctionnaires] sont comme des voleurs », a déclaré un troisième client de la banque stoppé par la police à la gare de Zhengzhou le 12 juin et forcé de repartir. « Nous avons juste déposé notre argent sans rien faire d’illégal. Pourquoi n’a‑t‑on même pas droit à une explication ? »

Des « menottes numériques »

Le 14 juin, les récits des déposants sont devenus viraux sur Weibo (le Twitter chinois) et ont provoqué un tollé parmi les internautes.

Désormais, tout le monde s’inquiète de la surveillance numérique mise en place par le régime au nom du Covid.

Ce n’est pourtant pas la première fois que cette situation apparaît. Il y a quelques mois, des avocats et des militants des droits de l’homme avaient déjà signalé à Epoch Times que le régime utilisait son application anti‑Covid pour les empêcher de voyager.

Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du média d’État Global Times a écrit dans un post que le détournement des codes santé à des fins autres que la pandémie mettrait en péril les autorités et ne serait pas soutenu par la population.

« C’est tellement effrayant », a écrit un internaute. « Si le code santé est utilisé de manière abusive […], cela revient à nous mettre des menottes numériques. À partir de maintenant, nous sommes tous devenus des prisonniers et nous pouvons être arrêtés n’importe où, n’importe quand. »

Zhao Fenghua, Gu Xiaohua et Luo Ya ont contribué à cet article.

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